Question de M. BERCHET Georges (Haute-Marne - RDSE) publiée le 25/06/1998

M. Georges Berchet attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés que soulève sa réponse à la question écrite nº 600 (publiée au Journal officiel-questions Sénat du 27 novembre 1997, p. 3319) relative à la conclusion de baux ruraux par des maires. L'article 432-12 du code pénal fait défense à ces élus de conclure de tels baux avec leur commune. Dans cette réponse, il est précisé " que la loi pénale ne paraît s'appliquer qu'à des situations très spécifiques, c'est-à-dire, à titre principal, à des maires qui, postérieurement à leur élection, voudraient louer des terres communales ou renouveler leur bail avec des modifications significatives dans ses conditions ". Cette analyse n'est-elle pas en contradiction avec les dispositions du code rural et la jurisprudence de la Cour de cassation selon lesquelles le renouvellement d'un bail rural équivaut à la conclusion d'un nouveau bail ? Il lui demande en conséquence si le renouvellement du bail, par le maire, déjà preneur avant son élection, dans des conditions identiques et " sans modifications significatives ", est répréhensible en vertu de la loi pénale.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 22/10/1998

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la Cour de cassation a effectivement considéré, dans un arrêt du 25 avril 1990, que le bail rural renouvelé sur le fondement de l'article L. 411-50 du code rural, " constitue dans tous les cas un nouveau bail ", même si, comme dans les circonstances de l'espèce, l'acte de renouvellement ne comportait que des modifications très minimes (Cass. Civ. 3º, 25 avril 1990, Renard/Journiac, Bull. Civ. nº 100). La jurisprudence des chambres civiles de la Cour de cassation en matière de contrat est bien fixée dans ce sens que la tacite reconduction, loin de proroger le contrat ancien, a pour effet de former un contrat nouveau (cf. Cass. Civ. 1º, 17 juillet 1980, AMU/MACIF, Bull. Civ. nº 220, où est rappelée " la règle selon laquelle la tacite reconduction n'entraîne pas prorogation du contrat primitif, mais donne naissance à un nouveau contrat " ; en ce sens, répertoire Dalloz, contrats et conventions nº 461 et suivants, et RTDC 1981, p. 397). Toutefois, il s'agit là de décisions des chambres civiles de la Cour de cassation. La chambre criminelle, statuant sur la caractérisation ou non des éléments constitutifs très spécifiques de la prise illégale d'intérêts, pourrait adopter une position différente. En effet, le renouvellement, même tacite, d'un bail rural au profit d'un élu qui n'a pas cette qualité au moment de la conclusion du bail, ne peut être assimilé à la conclusion d'un bail entièrement nouveau par un élu au cours de l'exercice de son mandat. Le titulaire du bail devenu élu bénéficie d'un droit au renouvellement automatique acquis du fait d'un contrat souscrit antérieurement à son accession aux fonctions municipales, et donc à un moment où n'existait aucun conflit d'intérêts justifiant l'application de la loi pénale. Par ailleurs, le caractère très fortement encadré du statut du bail rural permet de considérer que la place laissée à la manifestation de volonté des parties est limitée, singulièrement dans l'hypothèse d'un renouvellement par tacite reconduction. Sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, il peut donc être soutenu que le délit de prise ou de conservation illégales d'intérêts n'est pas caractérisé dans cette hypothèse, et ce d'autant plus que les clauses et conditions du nouveau contrat sont les mêmes que celles du contrat précédent.

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