Question de M. GÉRARD Alain (Finistère - RPR) publiée le 16/07/1998

M. Alain Gérard appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les obtacles à la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales, du moins pour celles de ses dispositions applicables sans difficulté juridique. Il s'agit là d'une revendication ancienne des Bretons mais aussi d'autres régions françaises à langue et culture spécifiques. Dès 1981, le Président de la République avait affirmé à Lorient son désir de voir les langues et cultures régionales dotées d'un statut. Plus récemment, en 1996, l'actuel Président de la République s'est déclaré, quant à lui, favorable à la ratification de la charte par la France, en affirmant que les langues régionales n'étaient pas une menace pour l'identité nationale et qu'elles constituaient, au contraire, un moyen de résistance face au risque d'uniformisation américaine. Malheureusement, le Conseil constitutionnel en avril 1996, à propos du statut d'autonomie de la Polynésie, et le Conseil d'Etat, dans un avis de février 1997 toujours indisponible et dont, par conséquent, on ne connaît pas le détail, ont tous deux affirmé qu'eu égard à l'article 2 de notre Constitution, aucune langue régionale ne pouvait se voir reconnaître une existence légale. Il souhaite savoir comment le Gouvernement entend lever les obstacles à cette ratification, déjà réalisée par bon nombre de nos partenaires européens : soit en réformant la Constitution de manière à rendre juridiquement possible la signature de la charte ou en préférant la ratification d'une charte " au rabais ", en n'appliquant que les seules dispositions qui ne se heurtent pas à l'écueil de l'inconstitutionnalité ? Il la remercie de bien vouloir l'éclairer sur ce point.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 01/10/1998

Réponse. - Les langues régionales bénéficient dans le droit français d'un statut qui garantit leur usage dans la vie privée et qui leur reconnaît une place dans la sphère publique. Les mesures prises en leur faveur figurent dans de nombreux textes législatifs ou réglementaires relatifs à l'enseignement (loi Deixonne du 11 janvier 1951), aux activités culturelles et aux médias (aide au cinéma, télévision et radios publiques), ainsi que dans la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (art. 11 et 21). Dans sa décision du 9 avril 1996 relative à la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, dont l'article 115 dispose que " le français étant la langue officielle, la langue tahitienne et les autres langues polynésiennes peuvent être utilisées ", le Conseil constitutionnel, se référant à l'article 2 de la Constitution, a indiqué que le " français en qualité de " langue officielle " doit s'entendre comme imposant en Polynésie française l'usage du français aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics ". Le Conseil d'Etat, consulté sur la signature et la ratification par la France de la charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales ou minoritaires, observe que le droit français ainsi que l'ensemble des mesures prises pour favoriser la présence des langues régionales dans l'enseignement, la culture ou les médias leur assurent déjà dans ces domaines un statut conforme aux principes énoncés par la charte. Cependant, le Conseil d'Etat a fait état de risques d'incompatibilité de certaines dispositions de ce texte avec les règles constitutionnelles. A Strasbourg, lors du sommet du Conseil de l'Europe d'octobre 1997, le Premier ministre a rappelé que l'identité de l'Europe était fondée notamment sur son patrimoine linguistique et culturel, et qu'à ce titre une attention toute particulière devait être portée aux langues et cultures régionales. Il a chargé Mme Nicole Péry, puis, à la nomination de cette dernière comme secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, M. Poignant, maire de Quimper, d'une mission consistant à faire le point sur la politique menée en faveur des langues régionales, et d'émettre des propositions sur l'évolution du dispositif. Ce rapport a été rendu le 1er juillet dernier. Dans un communiqué de presse, le Premier ministre a indiqué que ce rapport présente une analyse dense et précise de la situation des langues régionales et qu'il formule une série de propositions présentées de manière concrète et parfois alternative. Il a également indiqué qu'il entendait prendre en compte ces propositions, dès les prochains mois, après une instruction appropriée par les ministères concernés. S'agissant de la signature par la France de la charte du Conseil de l'Europe, M. Bernard Poignant suggère de demander une expertise juridique ayant pour objet de préciser les stipulations susceptibles d'être prises en compte, au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle. M. Jospin a confié cette mission à M. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'université Paris-X - Nanterre.

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