Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 24/09/1998

M. Jean-Paul Delevoye souhaite connaître l'analyse juridique de M. le ministre de l'intérieur sur la légalité des contrats que certaines entreprises spécialisées dans la collecte de vêtements d'occasion par containers proposent aux collectivités locales. Il s'agit de contrats proposant une exclusivité d'utilisation du domaine public au profit des containers de cette société et qui ont donc pour conséquence d'interdire sur le territoire des communes qui seraient amenées à conclure ces contrats les activités d'autres sociétés, voire d'associations humaines spécialisées. Il s'interroge en particulier sur la compatibilité de ces contrats avec la règle d'inaliénabilité du domaine public.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 28/01/1999

Réponse. - Le domaine public constitue une richesse collective que l'administration peut exploiter au mieux des intérêts, même matériels, de la collectivité et contribuer ainsi à sa valorisation. Il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer, aussi bien dans l'intérêt de ce dernier que dans l'intérêt général, les conditions auxquelles elle entend subordonner les permissions d'occupation (CE, 20 décembre 1957, Société nationale d'éditions cinématographiques). Ces dernières sont soumises à autorisation donnant lieu à perception de redevances et présentent un caractère précaire. Dans ce cadre, à supposer même que l'activité évoquée par le parlementaire soit un service public, une autorité administrative ne saurait établir un monopole au profit notamment d'une personne privée gérant un tel service si cette exclusivité n'a pas été consacrée par la loi (CE, Ass., 16 novembre 1956, Société Desaveine). Il résulte également de la jurisprudence que si les autorités administratives peuvent donner un droit de préférence ou réserver une partie des autorisations à certaines catégories de citoyens, elle a rappelé qu'elles ne pouvaient pas, sauf circonstances exceptionnelles, poser le principe de l'exclusion de tous les autres demandeurs d'autorisation (CE, 18 décembre 1985, Legendre). En outre, la possibilité pour l'administration de réserver l'utilisation du domaine public à une seule entreprise, afin de protéger un service public d'une concurrence qui risquerait de compromettre son bon fonctionnement, est limitée aux sociétés dont le domaine public est le siège unique de leur activité. Elle ne semble en tout état de cause pas transposable à la collecte évoquée par le parlementaire, puisqu'elle concerne le domaine public routier, fluvial ou portuaire (CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois ; CAA Paris, 4 juin 1992 SA Tahiti Moorea Service). Par ailleurs, un contrat visant à proposer une utilisation exclusive du domaine public est de nature à violer le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ainsi que le principe d'égalité des usagers dudit domaine (CE, 2 novembre 1956, Biberon). Enfin, une autorisation d'occupation du domaine public ne saurait porter atteinte au principe d'inaliénabilité posé par l'article L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales. En effet, il ne peut être envisagé, sur le domaine public des collectivités territoriales, la délivrance de titres d'occupation constitutifs de droits réels, hormis le cas de la conclusion de baux emphytéotiques administratifs en application des dispositions des articles L. 1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales. Seul l'Etat est aujourd'hui habilité à délivrer des titres d'occupation du domaine public constitutifs de droits réels, conformément aux dispositions de la loi nº 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l'Etat et relatif à la constitution de droits réels sur le domaine public, lesquelles n'ont pas été jugées par le Conseil constitutionnel contraires au principe d'inaliénabilité du domaine public.

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