Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 15/10/1998

M. Philippe Richert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe, signé le 23 janvier 1996 par la France, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg, dont l'objectif est de favoriser et de faciliter la coopération décentralisée entre les collectivités des régions transfrontalières des pays signataires. La coopération transfrontalière, grâce notamment au programme communautaire Interreg, a en effet atteint un niveau de développement que seule l'application de cet accord, et les nouvelles structures de coopération qu'il propose, sont en mesure de faire progresser davantage. Or, en dépit de son approbation par la loi nº 97-102 du 5 février 1997, et de son entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après achèvement des procédures internes propres à chaque partie, cet accord demeure pour l'instant inappliqué. Le décret d'application, paru le 22 août au Journal officiel, ne précise en effet, en aucune manière, ses modalités de mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne le régime juridique des groupements locaux de coopération transfrontalière. En raison de ce vide juridique, les collectivités territoriales se voient contraintes de solliciter les services de l'Etat, pour obtenir l'aval de ce dernier et conférer une existence légale aux groupements qu'elles envisagent de créer. La mise en oeuvre de nombreux projets s'en trouve, de ce fait, différée. Il lui demande donc s'il ne conviendrait pas d'élaborer au plus tôt les textes d'application de cet accord, et d'adresser aux collectivités une information complète sur les différents aspects techniques et juridiques du dispositif mis en place, voire même un cadre juridique précis, dans lequel des initiatives pourraient être prises, en toute connaissance de cause, par les collectivités.

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 20/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 19/11/1998

M. Philippe Richert. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe,
signé le 23 janvier 1996 par la France, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg, dont l'objectif est de favoriser et de
faciliter la coopération décentralisée entre les collectivités des régions transfrontalières des pays signataires.
La coopération transfrontalière, grâce notamment au programme communautaire d'aide au développement interrégional,
INTERREG, a en effet atteint un niveau de développement que seule l'application de cet accord et les nouvelles
structures de coopération qu'il propose sont en mesure de faire progresser davantage.
Or, en dépit de son approbation par la loi du 5 février 1997 et de son entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après
achèvement des procédures internes propres à chaque partie, cet accord demeure pour l'instant inapliqué.
Le décret d'application, paru le 22 août au Journal officiel, ne précise en effet en aucune manière ses modalités de
mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne le régime juridique des groupements locaux de coopération
transfrontalière.
En raison de ce vide juridique, les collectivités territoriales se voient contraintes d'imaginer des structures
expérimentales et de solliciter les services de l'Etat pour obtenir l'aval de ce dernier et conférer une existence légale aux
groupements qu'elles envisagent de créer. La mise en oeuvre de nombreux projets s'en trouve, de fait, différée.
Je souhaite que soient élaborés au plus tôt les textes d'application de cet accord, et adressée aux collectivités une
information complète sur les différents aspects techniques et juridiques du dispositif mis en place, voire un cadre
juridique précis, dans lequel des initiatives pourraient être prises, en toute connaissance de cause, par les collectivités.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vais vous apporter la
réponse qu'aurait dû vous faire M. Jean-Jack Queyranne, ministre de l'intérieur par intérim. Elle comporte tout d'abord le
rappel juridique de procédures applicables ; en conclusion, elle vous fournira un exemple concret prouvant que
l'ensemble du dispositif peut de fonctionner, malgré l'aridité juridique que vous avez relevée.
Les traités ayant, aux termes de l'article 55 de la Constitution, « une autorité supérieure à celle des lois », ils
s'imposent en droit français, où ils sont directement applicables dès leur entrée en vigueur, sans qu'une loi de
transposition soit nécessaire si leurs dispositions sont suffisamment précises et complètes. Dans le cas contraire, une
loi ou un décret d'application doit être pris.
Au cas particulier du traité de Karlsruhe, notamment de la création de groupements locaux de coopération
transfrontalière, aucun texte d'application n'est un préalable à la mise en oeuvre du traité. Des projets de convention
visant à la création de groupements locaux de coopération transfrontalière peuvent donc être envisagés dans le respect
des clauses du traité, lequel fixe un certain nombre de principes, mais renvoie aux dispositions du droit national de
chaque cocontractant sur certains points et au droit de l'un des Etats sur d'autres.
Le traité prévoit ainsi, en son article 4, que chaque collectivité qui conclut une convention doit respecter, préalablement
à son engagement, les procédures et les contrôles résultant du droit interne qui lui est applicable et que les actes que
prend chaque collectivité pour mettre en oeuvre la convention de coopération sont soumis aux procédures et aux
contrôles prévus par le droit interne qui lui est applicable.
Par conséquent, les délibérations des collectivités territoriales françaises qui souhaitent participer à la création d'un
groupement local de coopération transfrontalière sont donc soumises, par le traité lui-même, au contrôle de légalité de
droit commun et il appartient au représentant de l'Etat de vérifier notamment si l'objet de la convention et les missions
du futur groupement correspondent bien aux compétences effectivement exercées par la collectivité concernée, compte
tenu des compétences qui sont institutionnellement les siennes depuis les lois de décentralisation, mais aussi de
celles qu'elle a pu déléguer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte.
Selon l'article 3 du traité, en effet, les groupements locaux de coopération transfrontalière ne peuvent être créés que
pour l'exercice de compétences communes aux collectivités qui s'associent et, selon son article 4, une convention de
coopération ne peut avoir pour effet de modifier le statut ni les compétences de ces collectivités.
La création d'un groupement local de coopération transfrontalière est par ailleurs subordonnée, lorsque ce groupement a
son siège sur le territoire français, à un arrêté préfectoral, conformément aux dispositions du code général des
collectivités territoriales auquel renvoie l'article 11 du traité.
Cet arrêté ne peut être pris sans vérification préalable de la conformité des statuts aux articles 8 et 11 à 15 du traité
ainsi qu'aux dispositions du code général des collectivités territoriales qui complètent ces articles.
Lorsque le groupement local a son siège en territoire étranger et est de ce fait régi, de manière combinée, par le traité
et par un droit étranger, la collectivité doit être autorisée à participer au groupement par un décret en Conseil d'Etat,
conformément à l'article 4 précité du traité et au premier alinéa de l'article L. 1112-4 du code général des collectivités
territoriales.
Indépendamment des contrôles et autorisations explicitement prévus par le traité de Karlsruhe, applicables dans tous
les Etats concernés selon le droit propre à chacun, les services de l'Etat sont évidemment à la disposition des
collectivités territoriales pour les aider à résoudre les questions, parfois complexes, que la rédaction de statuts mettant
en oeuvre de manière combinée les clauses d'un traité et le droit national suscitée.
C'est, notamment, grâce aux échanges de qualité qui ont eu lieu entre les collectivités concernées et les services
préfectoraux que le premier groupement local de coopération transfrontalière a pu être créé dans le Haut-Rhin par un
arrêté préfectoral du 22 octobre 1998, soit un an après l'entrée en vigueur du traité de Karlsruhe.
Tel est, monsieur le sénateur, le droit applicable. Il appelle effectivement des opérations administratives en apparence
complexes, mais ce dispositif permet néanmoins d'obtenir des résultats concrets, ainsi que l'exemple du Haut-Rhin en
témoigne. J'espère que, dans nos régions frontalières, nous pourrons mettre à profit les dispositions du traité de
Karlsruhe.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis satisfait de vos propos, encore qu'un exemple qui montre
que l'on arrive à ses fins lorsqu'on y met beaucoup d'énergie ne soit pas de nature à démontrer que la procédure
engagée par l'Etat pour être aux côtés des collectivités facilite beaucoup la tâche de ces dernières.
Nous savons combien il est difficile de mettre en place des structures de coopération, notamment en interne dans nos
régions. Cela est évidemment encore beaucoup plus complexe lorsqu'il faut travailler avec des partenaires étrangers,
lorsqu'il s'agit d'une région transfrontalière et lorsqu'on a à mettre en harmonie un traité avec le droit interne.
Quand nous sommes en interne dans nos régions, nous avons des modèles qui permettent très facilement de mettre
en place une structure juridique ou administrative pour concrétiser ce partenariat entre les collectivités locales, pour
créer des structures de coopération intercommunale. Je me demande s'il ne serait pas possible de prévoir, en matière
de coopération transfrontalière, des modèles permettant, là aussi, de faciliter la mise en place et l'application de ces
nouvelles procédures.
Nous devons non seulement donner la possibilité de coopérer, mais également faciliter la coopération. Cela ne doit pas
être une possibilité qui, de temps en temps, s'applique. Celadoit être le cas général, chaque fois que l'intérêt l'exige. En
effet, on peut imaginer - et je connais des cas très précis - que, pour des questions d'adduction d'eau ou de forage, il
soit nécessaire de passer au-delà des frontières.
Il est dommage de laisser aux collectivités la charge d'accomplir toutes ces démarches administratives compliquées et
de ne pas les accompagner, dès le début, de façon plus stricte et par une lisibilité plus simple des différents textes que
nous leur soumettons et que nous leur demandons d'appliquer.

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