Question de M. BLIN Maurice (Ardennes - UC) publiée le 11/11/1998

M. Maurice Blin attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'application de la loi nº 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés. Cette loi, votée au Sénat à l'unanimité, a prévu la création d'une nouvelle commission reprenant les attributions de deux organes consultatifs existants : les commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnographique (COREPHAE) et les collèges régionaux du patrimoine. Depuis deux ans, aucun décret d'application n'a encore été publié. Des projets de décrets ont fait état de la composition de cette nouvelle commission allant totalement à l'encontre de la volonté du législateur. A cet égard, celui-ci avait souhaité une parité entre les représentants de l'administration et des associations et les élus. De nombreux élus locaux ainsi que l'association des maires de France s'inquiètent de cette orientation qui risque de vider la loi de sa substance et de rendre le dispositif mis en place totalement inefficace. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures elle entend prendre afin que la volonté du Parlement soit respectée et de lui préciser la date de publication des décrets d'application.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 16/12/1998

Réponse apportée en séance publique le 15/12/1998

M. Maurice Blin. Madame la ministre, cette question orale, j'aurais souhaité, vous le savez bien, ne pas avoir à vous la
poser. J'y suis contraint, et je le regrette, à la suite du retard incompréhensible que subit la publication des décrets
d'application de la loi du 28 février 1997 née d'une proposition de loi d'origine sénatoriale et adoptée à l'unanimité par les
deux assemblées. Elle reprenait celle qu'avait déposée, le 8 février 1996, notre collègue Claude Huriet et qu'avaient
signée quatre-vingt-quinze sénateurs.
Cette loi, vous le savez mieux que personne, madame la ministre, a pour objet une meilleure définition des pouvoirs des
architectes des bâtiments de France. Elle prévoit modestement la création d'une commission régionale auprès de
laquelle les élus pourraient éventuellement en appeler d'une décision des architectes qui leur paraîtrait manifestement
contestable.
Depuis cette date, pas moins de six questions écrites, une question orale sans débat et une question d'actualité vous
ont été posées, madame la ministre, et leurs auteurs demandent tous que soient enfin publiés ces décrets
d'application. Le 11 juin dernier, vous leur répondiez : « Les décrets seront bientôt signés, c'est une affaire de jours. »
Aujourd'hui, plus de six mois après cette déclaration et vingt-deux mois après la promulgation de la loi, ces décrets ne
sont toujours pas parus. Dois-je rappeler que le Gouvernement ne dispose, en principe, que de six mois pour les publier
?
Il s'ensuit deux interrogations.
D'abord, quand ces décrets, impatiemment attendus par tous les élus locaux et tout particulièrement par l'Association
des maires de France, sortiront-ils enfin ?
Nous ne pouvons en effet que nous alarmer d'un retard qui, reconnaissez-le, madame la ministre, n'est guère
compatible avec le respect dû à la volonté du législateur, surtout lorsque celle-ci s'est aussi unanimement exprimée.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Maurice Blin. Ensuite, quelle assurance pouvons-nous avoir que ces futurs décrets seront bien fidèles à la loi,
c'est-à-dire qu'ils garantiront, au sein de la commission, la parité entre les élus et les membres de l'administration,
parité quantitative, mais parité qualitative également ? Dans le cas contraire, celle-ci serait vidée de sa substance. Les
parlementaires que nous sommes accepteraient difficilement que leur volonté soit ainsi tournée.
Qu'on m'entende bien, et ce sera mon dernier mot : par cette initiative, je le rappelle une dernière fois, le Parlement n'a
eu aucunement l'intention de mettre en péril la sauvegarde du patrimoine national, auquel tous les élus sont attachés et
que les architectes des bâtiments de France servent le plus souvent avec zèle et compétence. Il a seulement voulu que
soient évités à l'avenir certains abus consistant à imposer aux communes qui abritent des bâtiments classés ou
inscrits des charges soit inutiles, soit insupportables.
Bref, il souhaite tout simplement que soient créées, enfin, les conditions d'une concertation entre des élus et des
fonctionnaires également responsables, et ce Parlement, madame, voudrait ne pas être déçu.
M. Charles Descours. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je partage tout à fait
votre souci, comme celui de l'ensemble des élus qui ont estimé qu'il était important de disposer d'une instance de
recours par rapport à des décisions dont ils ont contesté les motifs ou le fond.
Mais je voudrais faire une remarque de méthode. J'ai pris connaissance de ce texte lors de ma prise de fonctions. Je
veux bien accepter tous les reproches relatifs aux délais, mais je souligne l'absence d'instruction juridique préalable à
l'adoption de la loi. Sa réalisation nous aurait pourtant permis de promulguer ce décret beaucoup plus rapidement.
En effet, les difficultés se sont posées ultérieurement. Il a donc fallu mener un travail de fond, y compris au niveau
interministériel, car le ministère de la culture et de la communication n'est pas le seul à être impliqué dans cette affaire.
Nous nous y sommes consacrés sans attendre, même si je reconnais que les délais sont longs. Je suis moi-même
évidemment concernée, car je souhaite que les commissions soient rapidement mises en place.
Nous arrivons maintenant au bout du processus, puisque le décret d'application relatif à l'instruction des autorisations
de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits dans les secteurs sauvegardés est sorti du
Conseil d'Etat depuis peu de temps et entrera en application le 1er mai 1999.
Conformément à la loi, ce décret prévoit la mise en place des commissions régionales du patrimoine et des sites. Elles
comportent - je vous rassure sur leur composition, monsieur le sénateur - sept membres de droit représentant
l'administration, huit élus, huit personnalités qualifiées, trois représentants des associations et quatre représentants
des professionnels. Une telle composition devrait donner à ces commissions la représentativité et la possibilité
d'expertise nécessaires à l'instruction objective des cas qui leur seront soumis.
Ces commissions remplaceront, il est vrai, les deux instances qui existent aujourd'hui. J'ai d'ores et déjà informé les
préfets, lors d'un exposé que j'ai fait devant eux le 11 décembre dernier, de la nécessité d'organiser et de préparer ces
commissions afin que leur mise en place s'effectue dans les meilleures conditions à partir du 1er mai 1999.
Les directions régionales des affaires culturelles sont également informées, et cela depuis déjà quelque temps, afin
d'être en mesure de pallier les problèmes d'organisation et de mettre en place ces commissions dans les meilleures
conditions.
Après avoir pris connaissance des observations qui ont été formulées par la Haute Assemblée, le Gouvernement va
donc assurer la publication du décret dès que les dernières signatures - puisque le texte est en navette - auront été
apportées, ce qui ne change rien quant à la date de mise en application prévue pour le 1er mai 1999.
Je me réjouis que le dispositif se mette en place et que nous répondions ainsi à l'attente, exprimée à plusieurs reprises,
des élus. Croyez-le, monsieur le sénateur : je souhaite vraiment que tout soit fait pour qu'il n'y ait, ensuite, ni
contestation ni difficulté juridique quant au fonctionnement de ces nouvelles commissions régionales.
Permettez-moi de souligner également, puisque je m'exprime devant le Sénat, que cela suppose des moyens
supplémentaires pour les DRAC, pour les services du ministère de la culture et de la communication. J'entendais
précédemment l'un de vos collègues évoquer la nécessité d'une meilleure prise en compte de la dépense des petites
communes en faveur de la protection du patrimoine archéologique, des dépenses motivées par les fouilles.
Or, lorsque j'ai présenté mon budget au Sénat, j'ai été surprise que soit décidée sa diminution, et cela d'une manière
importante, à un moment où, par ailleurs, votre assemblée m'engage dans des dépenses nouvelles et accrues,
notamment pour que ces instances démocratiques puissent fonctionner au mieux !
M. Maurice Blin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Blin.
M. Maurice Blin. Madame la ministre, je vous remercie vivement des précisions que vous venez de nous apporter, et je
retiens deux éléments de satisfaction dont je vous sais gré.
Le premier concerne la composition de ces commissions, qui me paraît moins critiquable qu'il ne semblait qu'elle fût ;
j'espère que la voix des élus pourra s'y faire entendre comme elle le doit.
Le second tient au fait que nous arrivons au terme de ce marathon, qui nous a retenus, vous et moi, beaucoup trop
longtemps, je vous le concède bien volontiers.
J'éprouve un regret cependant : celui de devoir patienter encore jusqu'au mois de mai prochain pour que cette
disposition soit appliquée. Cela me paraît difficilement justifiable, étant donné que nous attendons déjà maintenant
depuis bientôt deux ans.
Enfin, j'estime très sincèrement que la mise en place de ces commissions régionales ne devrait pas entraîner de
difficultés financières. Nombre d'organismes moins utiles fonctionnent aujourd'hui. Peut-être serait-il possible de mieux
équilibrer les charges.

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