Question de M. BLANC Paul (Pyrénées-Orientales - RPR) publiée le 29/10/1998

M. Paul Blanc attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences d'un commentaire d'arrêt du Conseil d'Etat du 11 février 1994, publié par l'Actualité juridique de droit administratif, dans son numéro du 20 juillet-20 août 1994 sous la rubrique " Immeubles en copropriété ". En effet, l'auteur de la note se demande si, dans le cas d'une construction simultanée de locaux juxtaposés ou superposés appartenant à des administrations et à des particuliers, l'immeuble serait du domaine public, ce qui lui paraissait impossible ou s'il serait en totalité sous le régime de la copropriété, ce qui ne lui paraissait pas envisageable. En outre, il a souhaité, en conclusion, que soit édictée une interdiction faite aux administrations d'acquérir des parts de copropriété. Le débat n'est pas théorique : sur la base de cette publication de l'Actualité juridique de droit administratif que leur a répercuté leur centre national de documentation, des notaires des Pyrénées-Orientales ont manifesté de sérieuses réticences à formaliser l'acquisition par des communes de parts de copropriété dans des immeubles à construire au motif qu'elles sont désormais illégales. Dans une correspondance échangée avec le professeur de droit public rédacteur du commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat, celui-ci a d'ailleurs déclaré : " Je comprendrais - et j'approuverais - le comportement des notaires, s'il s'agissait de la construction simultanée, au sein d'un même immeuble, de locaux publics et privés. L'application du régime de la copropriété dans ce cas serait totalement illégale dès lors que les locaux administratifs seraient affectés à l'usage du public ou d'un service public. Il serait extrêmement grave pour un notaire de réaliser ce type d'opération. " Lorsqu'une administration doit se loger, on ne voit guère l'intérêt qu'il y a à distinguer, une situation légale, si elle achète les parts d'une copropriété existante, et une situation illégale si elle participe à la construction d'un immeuble en copropriété. S'il en était ainsi, la situation serait d'autant plus anormale que c'est justement lorsqu'il y a construction que peuvent être prises des dispositions, telles qu'une isolation phonique ou des entrées distinctes afin que la cohabitation entre administrations et particuliers soit la plus paisible. Quoi qu'il en soit, l'opinion du professeur de droit ne fait pas l'unanimité en doctrine : il suffit pour s'en convaincre de consulter les commentateurs de l'arrêt de la Cour administrative de Paris qui a été, en cette affaire, confirmé par le Conseil d'Etat. Cette opinion est en outre contredite par trois textes identiques, l'article 5 du décret nº 86-455 du 14 mars 1986, l'article R. 10-2 du code du domaine de l'Etat et l'article R. 311-1 du code des communes qui soumettent à l'avis du service des domaines l'acquisition par l'Etat et l'acquisition par les collectivités locales " des droits sociaux donnant vocation à l'attribution en pleine propriété d'immeubles ou de parties d'immeubles ". Ces textes prévoient donc l'acquisition de parts dans des immeubles à construire. D'ailleurs, le service des domaines, seul habilité à passer des actes d'acquisition pour le compte de l'Etat (art. 18 du code des Domaines), ne refuse pas, à notre connaissance, d'acquérir des parts de copropriété dans un immeuble à construire ; il n'est donc pas cohérent que des notaires habilités à passer les actes d'acquisition pour le compte des communes (art. L. 311-2 du code des communes) soient portés à croire que ces opérations sont illicites, alors que les textes sont littéralement identiques pour l'Etat et pour les communes. Pour mettre fin à cette dérive et sans préjuger des réformes législatives ou réglementaires qui pourraient intervenir en la matière, il serait important de connaître votre analyse sur la licité des copropriétés entre des collectivités territoriales et des particuliers, même pour des immeubles à construire.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 11/03/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que " la présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes ", étant précisé que ce régime de propriété par lot se distingue notamment de celui de propriété de parts sociales de sociétés constituées en vue de l'attribution d'immeubles aux associés par fractions divises, régies par les articles L. 212-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, ou encore du régime de propriété par volume, issue de la pratique notariale, dans lequel la domanialité publique sur certains volumes coexiste avec la propriété privée sur d'autres volumes. Aucune disposition de la loi du 10 juillet 1965 précitée n'interdit que l'Etat ou une collectivité territoriale se porte acquéreur d'un lot de copropriété, observation étant faite que l'acquisition d'un lot de copropriété peut se réaliser dans le cadre d'une vente d'immeuble à construire. S'agissant plus particulièrement de l'acquisition de biens immobiliers par les communes, les articles L. 2241-1 et suivants du code général des collectivités territoriales autorisent celles-ci à acquérir des biens à l'amiable, suivant les règles du droit civil et fixent certaines modalités pour ces acquisitions. En outre, pour les acquisitions par les communes d'immeubles, de droits immobiliers ou de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en pleine propriété d'immeubles ou de parties d'immeubles, l'article R. 311-1 du code des communes soumet ces acquisitions à l'avis des services des domaines dans la mesure où leur valeur atteint ou dépasse un certain prix. Il résulte de ce qui précède que, en l'état du droit positif, les acquisitions immobilières ci-dessus envisagées n'apparaissent ni illégales ni illicites lorsqu'elles sont réalisées par des communes.

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