Question de M. CLOUET Jean (Val-de-Marne - RI) publiée le 11/12/1998

Question posée en séance publique le 10/12/1998

M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, j'aimerais apprendre de votre part quel crédit il convient
d'accorder à certaines informations selon lesquelles vous mèneriez campagne contre toute une série d'organismes qui
font l'originalité et la qualité de l'enseignement supérieur à la française, telles les classes préparatoires, que Jacqueline
de Romilly appelle « une force irremplaçable », les grandes écoles, les agrégations et les CAPES, en chute numérique
libre, le CNRS, l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale,... J'abrège.
Votre comportement pourrait, semble-t-il, se résumer en une formule voisine de celle d'Hamlet interpellant Ophélie : «
Au couvent ! au couvent ! » - acte III, scène 1. (Sourires.)
Un sénateur socialiste. Au fait !
M. Jean Clouet. Dans votre cas, interpellant les élèves des classes préparatoires, ce serait : « A la fac ! à la fac ! »
(Nouveaux sourires), au nom d'un égalitarisme réducteur où l'on décèlerait aisément un fumet de démagogie.
L'égalitarisme plaît à certains, en effet, alors qu'il est tout le contraire de l'égalité des chances.
Il en est même le destructeur. Il est à l'opposé de la démocratie en faisant obstacle à la promotion des plus modestes.
S'il avait existé en son temps, le fils de la rempailleuse de chaises des faubourgs d'Orléans ne serait pas devenu
Charles Péguy !
La Première République n'avait pas besoin de savants. La Cinquième République n'aurait-elle plus besoin d'élites que
dans le domaine sportif et plus dans le domaine intellectuel ?
N'est-on pas, malheureusement, en route vers cet objectif, dans la mesure où nombreux sont ceux qui choisissent le
chemin de l'étranger, qu'il s'agisse de jeunes ou de moins jeunes, qu'il s'agisse d'un biologiste ou d'un astronaute, jugés
séniles de ce côté de l'Atlantique et non de l'autre ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le sénateur !
Plusieurs sénateurs socialistes. La question !
M. Jean Clouet. J'en termine, monsieur le président.
On laisse même entendre - mais que ne dit-on pas ? - que plusieurs de vos collaborateurs auraient été atteints de
pulsions centrifuges.
M. Le président. Monsieur le sénateur, je vous ai demandé de conclure !
M. Jean Clouet. Si j'ai pris tout le temps, monsieur le président, c'est parce que j'ai été poli au départ avec M. le
ministre !
M. Robert Bret. Et avec les autres ?
M. Jean Clouet. A votre arrivée, monsieur le ministre, on vous avait entendu déclarer, provocation ou imprudence
verbale, que vous alliez dégraisser le mammouth.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Coupez le micro, monsieur le président !
M. Jean Clouet. Faudra-t-il constater, à votre départ, que, bien au contraire, vous l'avez massifié jusqu'à l'impotence ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 11/12/1998

Réponse apportée en séance publique le 10/12/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, je
peux vous répondre moi aussi par une citation d'Hamlet :
To be or not to be
that is the question
wether it is nobler
in the mind to suffer
the slings and arrows of outrageous fortune
or to take arms
against a sea of troubles...
(Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je pourrais aussi vous répondre en citant Ruy Blas, si vous le voulez...
M. Jean Delaneau. Ce serait en français !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mais trêve de citations et
de plaisanteries. Il ne faudrait pas introduire dans un débat avec la représentation nationale une confusion.
Les choses sont simples, monsieur le sénateur : les heures complémentaires étaient payées quarante-deux semaines
et faites trente-six semaines. Je les ai ramenées à trente-six semaines. Cela provoque de la mauvaise humeur, on le
comprend, mais c'est la justice.
Les classes préparatoires ne sont pas menacées...
M. Dominique Braye. Ah bon ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... mais, à force de crier «
au loup », on finit par montrer au ministère des finances que, pour recruter deux cents élèves, cela coûte 30 millions de
francs.
M. Jean Chérioux. Les classes préparatoires sont un succès !
M. le président. N'interrompez pas le ministre, s'il vous plaît !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Par conséquent, on met en
péril un certain nombre d'éléments.
M. Dominique Braye. Au nom de la rentabilité ?
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur le ministre ! (Rires sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les classes préparatoires
ne sont pas plus menacées que les concours des grandes écoles, comme l'ont rappelé les directeurs de ces grandes
écoles. Il faut avoir le courage de le dire !
M. Dominique Braye. Ils sont nommés par vous !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non, monsieur le sénateur !
Les directeurs des grandes écoles viennent de rédiger une motion pour dire que les concours n'étaient menacés en
rien.
M. Christian Demuynck. Evidemment, ils sont nommés par le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je rappelle, de plus, que
cette originalité française n'est imitée par personne.
En outre, vous avez déploré à plusieurs occasions que les organismes de recherche n'essaiment pas vers l'économie.
Tous vos collègues l'ont dit, et c'est sans doute un peu vrai. C'est pourquoi, sans remettre en cause la qualité de ces
organismes de recherche, nous avons décidé de faire en sorte qu'ils puissent essaimer, créer des entreprises, enrichir
notre pays comme la recherche enrichit ailleurs d'autres pays.
Ce n'est pas les mettre en péril, c'est les valoriser, monsieur le sénateur ! C'est ce à quoi je m'emploie, c'est ce que je
ferai et qui n'a pas été fait auparavant. (Applausissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)

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