Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 29/04/1999

M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les recours abusifs exercés par certaines associations de riverains contre les projets d'aménagement et de construction. S'il apparaît légitime, dans de nombreux cas, que celles-ci se mobilisent lorsque l'environnement est menacé, il semble que parfois, ces recours deviennent systématiques et entraînent, de ce fait, l'abandon de nombreux projets, ce qui est dommageable pour l'ensemble de la collectivité et plus particulièrement pour les entreprises du bâtiment. Il lui demande en conséquence s'il ne serait pas préférable que seules les associations agrées de défense puissent ester en justice contre un permis de construire ; que le montant de la peine d'amende soit majoré de façon substantielle afin de dissuader les requérants de mauvaise foi ; que - ainsi que l'a voté le Sénat en première lecture, dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations - ces mêmes associations aient obligation de consigner une somme d'argent lors du dépôt d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, à l'instar de la consignation requise lors des constitutions de la partie civile en matière pénale.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 26/08/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il ne saurait être question de porter atteinte au droit fondamental d'ester en justice. Le droit au recours constitue, en effet, un principe de valeur constitutionnelle, rappelé par le Conseil constitutionnel dans la décision nº 96-373 DC du 9 avril 1996, un droit garanti par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, s'agissant du recours pour excès de pouvoir, un principe général du droit consacré par le Conseil d'Etat. La recevabilité d'un tel recours ne peut être conditionnée par les mobiles qui inspirent le requérant. Afin, toutefois, de concilier ce droit et le devoir général de ne pas nuire volontairement à autrui, les juridictions administratives peuvent condamner la partie dont la requête est jugée abusive, à une amende dont le plafond est actuellement fixé à 20 000 francs par les articles 57-2 du décret nº 63-766 du 30 juillet 1963 et R-88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Si le montant de cette amende pour recours abusif, peut être jugé peu dissuasif, en tout état de cause, le droit d'ester en justice ne doit pas être limité de manière à priver le requérant de l'accès à un juge. En outre, l'article L. 8-1 du même code permet au juge administratif de condamner la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie les frais exposés par elle pour la défense à un recours pour excès de pouvoir. Par ailleurs, la responsabilité civile du requérant peut être engagée pour faute devant le juge judiciaire et aboutir à une condamnation en rapport avec le préjudice. Enfin, en matière d'urbanisme, les recours fondés sur l'exception d'illégalité ont été strictement limités par la loi nº 94-112 du 9 février 1994. C'est donc par l'amélioration de la règle de droit et non dans la limitation du droit d'agir qu'il convient de chercher les solutions propres à prévenir le contentieux de l'urbanisme. A cet égard, les propositions formulées relatives tant à l'obligation de consignation qu'à la limitation du droit d'ester en justice à certaines associations restreindraient par trop l'exercice du droit de recours en privant la majorité des requérants, et notamment les particuliers, du droit de contester un permis de construire.

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