Question de M. DUFFOUR Michel (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 06/05/1999

M. Michel Duffour s'inquiète auprès de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, d'informations faisant état d'un projet de décret tendant à rendre obligatoire le ministère d'avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat pour tous les pourvois en matière prud'homale et sociale, en demande comme en défense. Une telle mesure, par la sélection par l'argent qu'elle induirait, priverait de fait l'écrasante majorité des salariés du droit de faire valoir leurs moyens et arguments devant la Haute Juridiction, qu'ils soient eux-mêmes auteurs du pourvoi ou contraints de répondre à un pourvoi de leur employeur. Il lui demande de lui faire connaître les intentions du Gouvernement relativement à un projet qui, s'il était confirmé, n'aurait qu'un très lointain rapport avec l'objectif régulièrement affiché d'une plus grande égalité des citoyens devant le service public de la justice.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/09/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la proposition visant à étendre la représentation obligatoire devant la Cour de cassation en matière sociale a été notamment exprimée dans le rapport de réflexions et de propositoins sur la procédure civile, déposé au mois de janvier 1997 par le président du tribunal de grande instance de Paris, M. Jean-Marie Coulon. Cette proposition a été réitérée par les chefs de la Cour de cassation et plus spécialement par le premier président Truche dans son discours de rentrée pour l'année judiciaire 1998. Ces hauts magistrats ont unanimement souligné que l'absence d'assistance pour les plaideurs constituait un handicap sérieux, 70 % des pourvois ainsi formés étant rejetés, notamment pour non-respect des règles de procédure. Le principal intérêt de cette réforme serait, selon eux, de rétablir l'égalité des armes entre les parties, les plus fortunées recourant très fréquemment aux conseils d'un avocat malgré la dispense de représentation et celles qui ne peuvent y avoir accès se trouvant placées en position d'infériorité tout au long de la procédure de cassation. Est également souligné l'intérêt qui s'attacherait à permettre une meilleure information des plaideurs sur leurs droits et les chances de succès d'un éventuel pourvoi afin de les dissuader d'engager un recours téméraire. De tels arguments méritent un examen attentif de la part du Gouvernement, qui n'entend pas se prononcer avant d'avoir conduit une réflexion large et approfondie. Cependant, certains éléments essentiels d'analyse peuvent d'ores et déjà être précisés. En matière sociale, seul le contentieux prud'homal demeure dispensé du ministère d'avocat, puisque, depuis 1958, les pourvois en matière de droit de la sécurité sociale relèvent de la procédure de droit commun. Une éventuelle réforme aurait donc un champ circonscrit. En outre, le libre accès à la Cour suprême doit être maintenu sans qu'aucune restriction, notamment liée à une sélection par l'argent, puisse être admise. Une éventuelle réforme devrait donc impliquer la prise en charge des frais de procédure au titre de l'aide juridique. En toute hypothèse, aucune initiative concernant les droits des salariés ne sera adoptée sans une étroite concertation préalable avec les partenaires sociaux.

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