Question de M. DUSSAUT Bernard (Gironde - SOC) publiée le 17/06/1999

M. Bernard Dussaut appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les inquiétudes suscitées par le projet d'intégration des redevances pollution perçues par les agences de l'eau dans la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Actuellement, ces redevances sont utilisées par chaque agence pour subventionner notamment les équipements de distribution d'eau potable, de collecte et de traitement des eaux usées, de préservation des ressources en eau, tant au plan domestique qu'industriel. Les redevances demeurent indispensables au soutien de l'effort des collectivités pour atteindre les objectifs européens de 2000 et 2005 ; or il est redouté que l'intégration de la redevance dans la TGAP ait pour conséquence l'érosion progressive de ces aides. C'est pourquoi il lui demande si elle entend prendre en compte, dans le projet de loi de finances pour l'an 2000, les réserves formulées.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 23/09/1999

Réponse. - La ministre a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives à la réforme du financement de la politique de l'eau et aux inquiétudes liées à cette réforme. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) n'est pas un impôt supplémentaire. Elle est un instrument de modernisation, de simplification et de plus grande efficacité de la fiscalité écologique, à prélèvements globaux constants. A cet effet, la TGAP a une vocation universelle vis-à-vis de l'ensemble des activités polluantes ; elle est le cadre naturel d'accueil de la future éco-taxe, actuellement en discussion sur le plan communautaire. En effet, jusqu'à présent, la fiscalité de l'environnement reposait sur un très grand nombre de taxes affectées, au rendement inégal et dont la fonction était de procurer les ressources nécessaires à la réparation des dommages occasionnés à l'environnement par les activités polluantes. Cette fonction permettait donc de réparer les dommages, dans les limites des ressources collectées ; elle n'incitait en revanche qu'insuffisamment à la limitation des activités polluantes et à l'adoption de comportements vertueux et plus respectueux de la préservation d'un environnement de qualité. A cet égard, la fiscalité de l'environnement traditionnelle, faute d'adresser un signal-prix au niveau nécessaire, ne permettait pas d'appliquer dans sa plénitude le principe " pollueur-payeur ". Il s'agit aujourd'hui de mieux pouvoir prévenir afin, demain, de moins réparer. La TGAP, en déconnectant le rendement de l'instrument fiscal du montant des ressources nécessaires à la réparation des dommages, permettra d'adresser un signal-prix approprié. A titre d'exemple, l'augmentation de 50 % de la taxe sur la mise en décharge proposée au Parlement dans le cadre de la TGAP a été combinée avec la réduction de 20,6 % à 5,5 % du taux de TVA appliquée aux activités de collecte sélective, de tri et de valorisation matière. A travers ces deux mesures, le Gouvernement, conformément à la communication de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement du 28 août 1998 au conseil des ministres, entend clairement indiquer aux acteurs concernés qu'il souhaite privilégier, dans les différents modes de traitement des déchets ménagers, la collecte séparative sur la mise en décharge et sur le recours à l'incinération, pour lequel le taux applicable de TVA demeure inchangé. Les pollutions de l'eau ont naturellement vocation à être parties prenantes de la TGAP. Cependant, le système français de gestion de l'eau, fondé sur une gestion par bassin versant et sur le principe de " l'eau paie l'eau ", est un système qui, malgré quelques imperfections auxquelles il convient de remédier, a fait preuve d'efficacité depuis plus de trente ans ; ce système fait d'ailleurs largement école, tant sur le plan communautaire qu'au-delà. La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement entend donc préserver, valoriser et améliorer le système français de l'eau, ainsi qu'il avait été annoncé, en conseil des ministres, le 20 mai 1998. Compte tenu de cet enjeu, la TGAP n'a pas concerné, en 1999, les agences de l'eau. La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a, en effet, souhaité que les conditions dans lesquelles l'eau serait partie prenante de la TGAP ne soient décidées qu'après la concertation la plus large et la plus approfondie possible. Cette concertation a permis de dégager des principes d'application de la fiscalité environnementale au secteur de l'eau qui permettent une meilleure application du principe " pollueur-payeur ", garantissant ce qui fait la force du système français de l'eau. Ainsi, le système des redevances sera préservé pour financer les actions d'intérêt commun dans chaque bassin, telles qu'elles sont définies dans la loi sur l'eau de 1964. Leur système sera rendu constitutionnel par le vote d'une loi de programmation quinquennale qui fixera les assiettes des redevances et en encadrera le taux. Ces redevances seront réformées pour les rendre davantage conformes au principe " pollueur-payeur ". Les concertations en cours concernent notamment la redevance sur la pollution domestique, qui est pour l'heure à la fois peu compréhensible et peu équitable, et sans lien direct avec la pollution rejetée. La TGAP elle-même regroupe des prélèvements sur des produits polluants actuellement non concernés par les redevances des agences. Cette part de la TGAP serait de même nature que celle qui pourrait par exemple s'appliquer au bruit ou à l'énergie ; elle n'a pas vocation à être affectée. Sont actuellement à l'étude, à cet égard, la taxation des produits polluants dans les lessives, dont les phosphates, celle des produits phytosanitaires et celle des granulats. Enfin, le financement des actions d'intérêt général dans le domaine de l'eau (police de l'eau, connaissance de la ressource, solidarité entre les bassins, etc.) sera amélioré, grâce à un prélèvement sur le budget des agences affecté à un compte spécial du Trésor. Ces principes permettent de garantir que les comités de bassin continuent à jouer le rôle fondamental qui est le leur, en particulier dans la détermination des orientations de la politique de l'eau appliquée à leur aire géographique ; de même, les pouvoirs des conseils d'administration des agences seront préservés. Enfin, les ressources des agences seront garanties dans la durée, et il n'est pas question que le prix de l'eau puisse être alourdi à l'occasion de l'introduction de la TGAP. En outre, et en tout état de cause, le statut et les métiers des personnels, qui y sont, à juste titre, très attachés, ne sont pas concernés par la réforme. La conférence des présidents des comités de bassin a validé ces principes le 11 décembre 1998. La concertation se poursuit afin d'en dégager les solutions les plus consensuelles possibles pour insérer les dispositions correspondantes dans le projet de loi de finances 2000, en ce qui concerne la TGAP, et dans la future loi de programmation sur l'eau, en ce qui concerne les redevances.

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