Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 07/10/1999

Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la pratique et l'enseignement de la gynécologie médicale. A l'occasion d'une question orale avec débat le 15 juin dernier, il a été annoncé qu'un groupe de travail était chargé de résoudre les problèmes qui subsistent dans cette profession. Les propositions issues de ce groupe constituent des progrès. Celle d'introduire un DESC (diplôme d'études spécialisées complémentaires) gynécologie médicale au cours du DES (diplôme d'études spécialisées) se veut un début de réponse à la situation actuelle. Néanmoins, il subsiste concernant l'enseignement de la gynécologie médicale quelques interrogations fortes. Qui enseignera ce DESC, combien de postes seront budgétisés, les étudiants du DESC seront-ils dans l'obligation d'assurer des gardes d'obstétrique et des urgences au même titre que les autres étudiants de la filière, seront-ils répartis sur tout le territoire ? L'éclaircissement de l'ensemble de ces points doit permettre d'avancer vers l'obtention de garanties concrètes pour que la gynécologie soit effectivement enseignée correctement, sanctionnée et validée par un titre de gynécologue médical, et ce en nombre suffisant. Car si la maquette du DES a déjà été modifiée en 1989, force est de constater qu'elle n'est pas enseignée dans les centres hospitaliers universitaires (CHU). Pour véritablement concrétiser les avancées proposées, il faudrait maintenant que le nécessaire soit fait en vue d'enseigner le nouveau programme dans tous les CHU, à la fois par un enseignement théorique et par des stages validés. Quant à la garantie que toutes les femmes restent libres de consulter directement leurs gynécologues, ne risque-t-elle pas de rester un v u pieux si la mise en place du médecin référent a pour effet de différer les consultations ou de les encadrer ? Le contrat de fidélité qu'aura signé une femme avec son médecin référent restreindra à coup sûr sa liberté de consulter directement en gynécologie par une minoration du remboursement des actes et des prescriptions découlant de ces consultations directes. Pour toutes ces raisons, elle lui demande des éclaircissements à ce sujet en vue de prendre les mesures qui débloqueraient la situation. Dans ce cadre, ne serait-il pas essentiel d'aller à l'encontre d'un état de fait où aujourd'hui seulement un tiers des 80 gynécologues obstétriciens environ qui décrochent leur diplôme s'orientent vers la gynécologie médicale pure alors qu'il y a seulement 11 ans on formait 130 gynécologues médicaux et autant de gynécologues obstétriciens ? Par ailleurs, des mesures positives du Gouvernement pour maintenir durablement un nombre suffisant de gynécologues médicaux indispensables à l'écoute, et soignant des femmes à toutes les périodes de leur vie, satisferaient une forte revendication féminine qui s'exprime notamment à travers les 350 000 signatures en faveur d'une pétition qui a cet objet.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 27/10/1999

Réponse apportée en séance publique le 26/10/1999

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger de nouveau sur l'avenir de la gynécologie
médicale.
Cette spécialité qui est exercée aujourd'hui par quelque 2 000 spécialistes, dont près de 90 % de femmes, ne comptera
plus, s'il n'est pas remédié à la situation actuelle, que 1 000 représentants en 2015 et 500 en 2020. Ces praticiennes
suivent à l'heure actuelle 60 % de nos concitoyennes et sont pour beaucoup dans la prévention des cancers féminins et
le développement de la contraception.
Des centaines de milliers de femmes ont signé - ce qui n'est pas courant - une pétition tendant à maintenir cette
spécialité, qu'elles considéraient comme acquise au même titre que la contraception et l'IVG. Elles s'insurgent avec
raison contre tout système inspiré des régimes anglo-saxons, dans lequel la patiente ne consulte pas directement son
gynécologue, où elle lui est adressée par un généraliste.
C'est à la lumière de ces faits qu'il faut évaluer les propositions issues du groupe de travail constitué à la suite de ma
question orale avec débat du 15 juin dernier par votre prédécesseur, M. Bernard Kouchner, et les engagements du
ministère à ce sujet. Ils constituent indéniablement quelques progrès, en ce qui concerne l'enseignement de la
gynécologie médicale notamment. L'introduction d'un diplôme d'études spécialisées complémentaires en gynécologie
médicale, le DESC, au cours du DES, le diplôme d'études spécialisées, se veut une réponse à la situation que nous
connaissons.
Mais quelques interrogations fortes subsistent, à l'heure actuelle, quant aux modalités pratiques de mise en oeuvre de
cette formation. M. Kouchner notait fin mai qu' « il faudrait, pour renouveler les gynécologues médicaux en voie
d'extinction progressive, qu'au moins un tiers des internes s'orientent vers la seule gynécologie médicale et la médecine
de la reproduction. »
Quelles sont les mesures concrètes que propose le Gouvernement aujourd'hui pour tenir ses engagements ?
En ce qui concerne les enseignants gynécologues médicaux, il est peu question de postes de praticiens hospitaliers,
seule garantie d'un enseignement de qualité et surtout durable. Pouvez-vous m'apporter des précisions à ce sujet ?
Quant à la garantie que toutes les femmes restent libres de consulter directement leur gynécologue, ne risque-t-elle
pas de rester un voeu pieu si la mise en place du médecin référent a pour effet de différer les consultations ou de les
encadrer ?
A ce sujet, le journal Libération du 20 octobre dernier vous prêtait les propos suivants : « Il est tout à fait imaginable
que, chez les femmes qui optent pour un médecin référent, une convention soit ajoutée leur ouvrant le droit de voir
directement un gynécologue médical ». Pourriez-vous me donner des précisions à ce sujet ?
Je vous remercie de m'apporter des réponses à toutes ces interrogations.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Madame la sénatrice, j'apprécie de pouvoir
apporter aujourd'hui des précisions sur l'évolution du dossier de gynécologie médicale. Je sais que les femmes sont
attachées à ce service de santé publique et qu'elles ont été légitimement émues par l'information selon laquelle ce
secteur serait voué à la disparition.
Je viens réaffirmer ici, comme l'a fait Bernard Kouchner, comme l'a fait Nicole Péry, comme j'ai eu l'occasion de le faire
moi-même devant l'Assemblée nationale, que l'objectif du Gouvernement en matière de gynécologie est simple : toutes
les femmes doivent pouvoir bénéficier de prestations de qualité. Il importe donc qu'il y ait un nombre suffisant de
médecins bien formés pour répondre à leurs besoins.
Par ailleurs, nous avons l'intention de développer la formation générale des médecins généralistes, de telle sorte que
l'ensemble des médecins de notre pays soit sensibilisé à la santé des femmes et aux procédures de prévention liées à
ce secteur de santé public particulier.
Pour en revenir à la gynécologie médicale, je rappelle les décisions que le Gouvernement a prises à cet effet.
Dès 1998, il a été décidé d'individualiser des heures de formation et d'augmenter le nombre d'internes dans le cursus de
formation de gynécologie obstétrique et médicale pour pallier le déficit dû à la démographie médicale que nous
constations et qui était prévisible pour les vingt années à venir.
Cette année, 111 internes en gynécologie obstétrique et médicale ont été formés ; 140 le seront l'an prochain. Cette
augmentation très importante résulte d'un choix politique clair ; celui de valoriser certaines orientations là où les
besoins se font sentir : gynécologie médicale et obstétrique, pédiatrie d'une part, anesthésie-réanimation, psychiatrie et
biologie d'autre part. En effet, il n'y a pas que la gynécologie médicale qui souffre d'un déficit démographique.
Les modalités de choix de cette filière sont les mêmes que pour toutes les autres filières : elles dépendent du rang de
classement de l'interne, de son choix personnel et de la région qu'il préfère. A l'intérieur de cette filière, il y a une liberté
de choix. Nous avons observé que, dès à présent, un tiers, voire la moitié, des internes, selon les années, se dirigent
vers la gynécologie médicale. Nous n'avons aucune raison de penser que cela changera dans les années qui viennent.
Alors que nous aurons atteint un nombre d'internes de 200, nous comptons former une centaine de gynécologues
médicaux par an, soit le nombre de gynécologues qui étaient formés avant 1984, c'est-à-dire avant la révision du CES.
Par ailleurs, nous avons fait des propositions à la suite de réunions de travail qui ont eu lieu sur l'initiative du secrétariat
d'Etat à la santé.
Pour répondre à la demande d'un enseignement plus satisfaisant de la gynécologie médicale, nous avons proposé
d'individualiser 200 heures de formation théorique dans le cadre d'un DESC - vous l'avez évoqué, madame la sénatrice -
intégré aux deux dernières années du DES et validé par un titre officiel qui reconnaîtra cet effort de formation
complémentaire.
Vous m'interrogez, madame la sénatrice, sur la façon dont cet enseignement sera dispensé ; je sais que c'est là une
préoccupation de l'association des gynécologues. Mais, depuis les années soixante-dix, les facultés ont une certaine
autonomie dans la gestion des programmes de formation. Je vous rappelle également que l'arrêté concernant l'ancien
CES ne précisait pas le nombre d'heures théoriques de formation. En moyenne, cela correspondait à 150 heures, mais
aucune contrainte particulière n'était imposée aux facultés.
Aujourd'hui, nous proposons 200 heures de formation et nous envisageons d'être beaucoup plus directifs en prenant un
arrêté conjoint avec l'éducation nationale. Mais le ministre ne peut pas être derrière chaque enseignant ou chaque
responsable de formation pour vérifier qu'il fait bien ce qu'on attend de lui. Il faut également faire évoluer les choses
grâce à un dialogue avec les étudiants.
Les professionnels doivent assumer leurs responsabilités. A ce titre, j'attends avec impatience la réponse des
gynécologues médicales quant au programme exact de l'enseignement qu'elles souhaitent. Pour l'instant, ce sont elles
qui retardent la mise en oeuvre du programme qui a été élaboré par ce groupe de travail et qui a fait l'objet d'un avis
favorable de l'ensemble des collèges de gynécologues.
Quant aux médecins référents, sur lesquels vous m'interrogez une nouvelle fois, je rappelle que personne n'est obligé de
passer une convention avec l'un d'eux.
Et si une femme souhaite signer ce type de convention, elle peut faire inscrire dans son contrat la possibilité de faire
appel à un gynécologue de son choix à un rythme convenu.
Elle peut, de toute manière, consulter tout médecin de son choix. La seule contrainte, alors, est de payer la
consultation et de se faire rembourser par la sécurité sociale, ce qui est le cas pour 90 % des personnes qui consultent
un médecin aujourd'hui.
Je répète donc que la disparition et de la gynécologie médicale et de l'accès aux gynécologues médicaux n'est en
aucune façon envisagée, et que je suis prête à mettre en place, dès 2000, le nouveau système de formation si les
gynécologues médicaux veulent bien déterminer avec nous le programme de formation qu'ils souhaitent.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat, mais je ne peux lui répondre à la place des gynécologues
médicales elles-mêmes.
J'ajouterai simplement qu'il serait dommage, au moment où les connaissances en gynécologie médicale progressent
fortement, que cette spécialité ne soit pas vraiment reconnue comme telle au cours des études universitaires.
Il serait bon que les pouvoirs publics affirment leur volonté politique de sauver cette spécialité, de la défendre, puisque
c'est une spécialité française, et d'inciter les étudiants à s'y inscrire et à en suivre l'enseignement.
Concernant le médecin référent, j'ai bien entendu ce que vous avez dit, mais il serait bon de préciser que les femmes
qui signeront une convention avec un médecin référent - on sait bien que ce sont celles qui éprouveront le plus de
difficultés à faire l'avance des frais médicaux - pourront néanmoins continuer à consulter leur gynécologue médical.

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