Question de M. ESNEU Michel (Ille-et-Vilaine - RPR) publiée le 20/01/2000

A moins d'un an du début de la campagne pour les élections municipales, M. Michel Esneu souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la communication d'une commune via un site Internet en période préélectorale. Globalement, les communes françaises ont été assez réceptives au phénomène de l'Internet. En Bretagne, par exemple, grâce au programme Cybercommunes, plus de la moitié des communes possède un site Web aux finalités différentes. Les maires considèrent l'Internet comme un outil politique de gestion, de développement économique et de communication au service de l'aménagement du territoire. Cette démocratisation de l'Internet communal doit s'accompagner d'un ajustement de notre cadre juridique. Malgré les annonces du Gouvernement dans ce domaine des questions restent en suspens, notamment celle de la compatibilité d'un site Web communal en période préélectorale. En effet, selon l'article 43 de la loi nº 86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, le site Web est assimilé à un service de communication audiovisuelle puisqu'il met à la disposition du public, par un procédé de télécommunications, des messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. De plus, l'article L. 52.1, alinéa 1, du code électoral précise que l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection. Dans ce cadre, un site Web communal peut-il être assimilé à un outil de propagande ? Par ailleurs, selon l'alinéa 2 de l'article précité, il y a une prohibition de six mois concernant toutes imputations susceptibles de promouvoir l'action ou la gestion du maire. Quid des sites communaux ? Faut-il les supprimer en période électorale ? En définitive, il s'agit de savoir si les dispositions de l'article L. 52 du code électoral s'appliquent au site Internet d'une commune. Dans l'affirmative, et en cas de recours, la jurisprudence retiendra probablement le principe de continuité selon lequel le candidat et maire ne doit pas sortir de son habitude de communication. Afin de limiter le contentieux électoral, il lui demande si le Gouvernement ne devrait pas préciser, dans une circulaire, les règles concernant les nouvelles possibilités de communication des communes en période électorale.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 23/02/2000

Réponse apportée en séance publique le 22/02/2000

M. Michel Esneu. Monsieur le ministre, ma question a trait à la communication d'une commune via un site internet en
période préélectorale.
Globalement, les communes françaises sont très réceptives au phénomène de l'internet. En Bretagne, ma région, grâce
au programme Cybercommunes, mis en place par le conseil régional, plus de la moitié des communes possèdent un
site web aux finalités différentes. Les maires considèrent l'internet comme un outil politique de gestion, de
développement économique et de communication au service de l'aménagement du territoire. Cette démocratisation de
l'internet communal doit s'accompagner d'un ajustement de notre cadre juridique.
Malgré les annonces du Gouvernement dans ce domaine, des questions restent en suspens, notamment celle de la
compatibilité d'un site web communal en période préélectorale.
En effet, selon l'article 43 de la loi de 1986 sur la liberté de communication, le site web est assimilé à un service de
communication audiovisuelle puisqu'il met à la disposition du public, par un procédé de télécommunications, des
messages de toutes natures qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée.
De plus, l'article L. 52-1, alinéa 1, du code électoral précise que l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout
procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est
interdit pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection. Dans ce cadre, un site web communal
peut-il être assimilé à un outil de propagande ?
Par ailleurs, selon l'alinéa 2 de l'article précité, il y a une prohibition de six mois concernant toute imputation
susceptible de promouvoir l'action ou la gestion du maire. Qu'en est-il des sites communaux ? Faut-il les supprimer en
période électorale ?
En définitive, il s'agit de savoir si les dispositions de l'article L. 52 du code électoral s'appliquent au site internet d'une
commune. Dans l'affirmative, et en cas de recours, la jurisprudence retiendra probablement le principe de continuité
selon lequel le candidat maire ne doit pas sortir de son habitude de communication.
A l'aune de ces réflexions, et afin de limiter le contentieux électoral, le Gouvernement devrait préciser, dans une
circulaire, les règles concernant les nouvelles possibilités de communication des communes en période électorale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, le code électoral, vous le savez, ne régit
pas spécifiquement la communication des collectivités ou la propagande électorale faites au moyen de sites internet.
Le juge de l'élection ne pas encore prononcé sur le point de savoir si, comme vous le soutenez, l'utilisation de ce
réseau peut être assimilée à l'utilisation d'un moyen de communication audiovisuelle visé au premier alinéa de l'article L.
52-1 du code précité.
Le seul fait que le régime juridique applicable à l'ouverture des sites sur internet figure aux articles 43 et 43-1 de la loi n°
86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pourrait se révéler insuffisant pour que le juge
considère que l'article L. 52-1 trouve matière à s'appliquer.
Encore faut-il remarquer que cet article, dans son premier alinéa, ne prohibe que le « procédé de publicité commerciale
» utilisé aux fins de propagande électorale.
De même, l'article 14 de la loi qui interdit « les émissions publicitaires à caractère politique » ne semble concerner que
les « sociétés nationales de programme » et les « titulaires des autorisations délivrées pour des services de
communication audiovisuelle en vertu de la présente loi ».
Quant au second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral qui prohibe les campagnes de promotion publicitaire des
réalisations ou de la gestion d'une collectivité dans les six mois précédant le mois d'une élection, il ne vise pas l'usage
d'internet puisqu'il concerne les campagnes réalisées « sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ».
Cette interprétation ne semble pas autoriser une collectivité à faire la promotion d'un candidat au moyen de cet outil de
communication car il s'agirait d'une aide indirecte prohibée par l'article L. 52-8 du code électoral.
L'ensemble des autres dispositions dudit code relatives à la propagande et au financement des campagnes électorales
semble compatible, sans modification, avec l'emploi de cette nouvelle technologie.
Monsieur le sénateur, en tout état de cause, il ne semble pas possible, par voie de circulaire, et en l'absence de
jurisprudence propre à l'utilisation d'internet, d'ajouter aux règles déjà applicables en matière de communication
électorale. Le Gouvernement n'est pas fondé dans ces conditions à prendre une circulaire. J'espère que ces
explications vous satisferont.
M. Michel Esneu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu. Monsieur le ministre, il était important que cette question fût évoquée ici puisque nous sommes à
moins d'un an de la campagne électorale pour les élections municipales, notamment. Nous avons absolument besoin
de sérénité dans cette consultation. C'est la raison pour laquelle j'aurais aimé qu'une circulaire puisse nous apporter un
éclairage précis.
Vous nous incitez à la prudence en quelque sorte. Nous allons devoir évoluer dans une grande incertitude. Je vous
demande donc de réfléchir encore à ce problème, monsieur le ministre.

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