Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 02/03/2000

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le rapport de la commission sur la libération conditionnelle présidée par un conseiller à la Cour de cassation, analysé aux pages 21 et 22 du Bulletin quotidien du 18 février 2000 et dans lequel ses auteurs demandent la suppression de l'obligation de mesures d'expertise, préalable à tout examen du dossier de libération conditionnelle ou, à tout le moins, la suppression du caractère obligatoire de l'expertise par trois psychiatres. Il la remercie de bien vouloir lui indiquer son opinion à l'égard de cette suggestion et aimerait savoir si elle recueille son approbation et celle du Gouvernement.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 22/03/2001

Réponse. - La garde des sceaux, ministre de la justice a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que l'obligation de faire pratiquer une expertise psychiatrique sur les délinquants sexuels préalablement aux décisions d'aménagement de peine a été introduite par la loi nº 94-89 du 1er février 1994. La loi nº 98-468 du 17 juin 1998 a ensuite élargi cette obligation. L'article 722 du code de procédure pénale prévoit désormais qu'une expertise psychiatrique doit être effectuée préalablement à l'octroi de toute mesure d'aménagement de peine, à l'exception des réductions de peine n'entraînant de libération immédiate et des permissions de sortie sous escorte, sur les personnes condamnées pour infraction sexuelle, pour assassinat, ou pour meurtre de mineur précédé ou accompagné par un viol ou par des actes de tortures ou de barbarie. L'expertise est réalisée par un collège de trois experts lorsque la personne a été condamnée pour l'assassinat, le meurtre ou le viol d'un mineur de quinze ans. Le législateur a ainsi voulu empêcher qu'un délinquant sexuel puisse bénéficier d'une mesure conduisant à sa sortie de détention avant le terme de sa peine, sans que sa dangerosité ait pu être évaluée par un psychiatre. La commission présidée par M. Farge a estimé que l'obligation de procéder systématiquement à cette expertise était excessive et qu'à tout le moins le recours à un collège de trois experts devrait être supprimé. En effet, sans contester l'utilité des expertises, la commission constate qu'en pratique la multiplication des expertises imposée par cette disposition aboutit à des résultats contraires à l'objectif recherché. Les délais d'expertise sont tellement rallongés que les juges d'application des peine renoncent à ordonner une expertise dans des situations où, sans être obligatoire, elle pourrait pourtant s'avérer utile. Enfin, l'impossibilité dans certaines régions de mandater trois experts retarde l'examen de demandes de condamnés qui pourraient justifier l'obtention d'un aménagement de peine. Le constat et les propositions de la commission Farge doivent servir de base à une réflexion sereine sur l'opportunité de faire évoluer les dispositions en cause. A cette fin, plusieurs éléments méritent d'être pris en compte. L'obligation de procéder systématiquement à une expertise psychiatrique répond à l'exigence légitime de s'entourer du maximum de garanties avant de libérer les auteurs d'infractions particulièrement graves pour lesquelles le risque de récidive est perçu à la fois comme important et comme plus facilement repérable par un expert psychiatre. En outre, la création par le décret nº 99-203 du 18 mars 1999 d'une catégorie spécifique d'expertises dites de dangerosité psychiatrique, mieux rémunérées - l'article R. 117 (10º) du code de procédure pénale en fixe le montant qui correspond à 1 462,50 francs contre 1 125 francs auparavant - devrait contribuer à remédier à l'insuffisance du nombre d'experts psychiatres qui est l'une des causes de la paralysie du dispositif. Mais l'obligation d'un examen psychiatrique peut apparaître moins indispensable dès lors qu'en application de la loi nº 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, la plupart des décisions en la matière seront prises après un débat contradictoire au cours duquel l'éventuelle absence d'examen psychiatrique pourrait être discutée par le parquet puis, le cas échéant, contestée devant l'instance d'appel. Dans le cadre du régime transitoire résultant de la loi nº 2000-1354 du 30 décembre 2000 qui reporte au 16 juin 2001 l'organisation des débats préalables à la décision du juge de l'application des peines, l'absence d'expertise psychiatrique pourra être mise en question par le parquet devant la commission de l'application des peines et attaquée par la voie de l'appel. Ce point peut également donner lieu à des observations écrites ou orales du condamné ou de son avocat. Par ailleurs, la nécessité pour les infractions les plus graves de faire appel à un collège de trois experts devra être réexaminée à la lumière des difficultés posées. Il convient du reste de relever que dans le cadre de la procédure de demande de relèvement d'une mesure de suivi socio-judiciaire prévue par l'article 763-6 du code de procédure pénale, il est exigé que l'expertise psychiatrique obligatoire concernant les auteurs d'infractions de cette nature soit pratiquée par simplement deux experts. Par conséquent, la garde des sceaux entend, sur ces sujets, dresser un état des lieux des difficultés que peut susciter l'application de la législation actuelle avant d'engager une réflexion approfondie sur les réformes à mettre en uvre.

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Erratum : JO du 12/04/2001 p.1289

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