Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 16/03/2000

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les insuffisances des statistiques officielles relatives à la criminalité et à la délinquence. En effet, celles-ci ne comptabilisent que les faits déclarés ou constatés. Elles ne traduisent que très partiellement la criminalité réelle, de plus en plus de victimes renonçant à porter plainte de peur de représailles. Une enquête récente de l'institut des haute études de la sécurité intérieure (IHESI) - portant sur 6 000 ménages et 11 000 personnes - montre que pour sept millions de faits enregistrés par la police au cours des années 1997 et 1998, ce sont en réalité seize millions de crimes et délits qui avaient été commis en France. Ainsi, le nombre réel de cambriolages était 2,4 fois supérieur au chiffre officiel, celui des coups et blessures 2,5 fois supérieur et celui des destructions ou dégradations de véhicules, 3 fois supérieur. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend prendre pour rendre les statistiques officielles plus conformes à la réalité.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 04/05/2000

Réponse. - La statistique institutionnelle et une enquête de victimation (comme celle initiée par l'INSEE et l'IHESI) ne peuvent être comparées de façon efficiente et rigoureuse car elles diffèrent dans leurs méthodologies et dans leurs objectifs. En effet, la statistique institutionnelle est d'abord un outil descriptif. Elle est essentiellement un recensement des faits criminels et délictuels portés à la connaissance de la police et de la gendarmerie et faisant l'objet d'une procédure adressée à l'autorité judiciaire. Il ne s'agit pas d'évaluer la criminalité ressentie, ni de retracer l'activité des services, mais de permettre une évaluation indirecte de leur impact, de permettre une réflexion sur leurs missions. La statistique institutionnelle se fonde sur une méthodologie et une nomenclature rigoureuses, avec une définition précise des faits et du classement qui s'impose à l'ensemble des services chargés de la collecte ou de l'analyse statistique. Depuis les années 1980, avec la mise en place des différents instruments de lutte contre l'insécurité (conseils communaux de prévention de la délinquance, conseils départementaux de prévention de la délinquance, plans locaux de sécurité, plans départementaux de sécurité), le ministère de l'intérieur a recherché un instrument pour mesurer la criminalité réelle. Le seul outil disponible et présentant les caractères de fiabilité et de rigueur nécessaires était la statistique institutionnelle. Or, celle-ci comptabilise la criminalité constatée. Sa fiabilité est assurée par des procédures de collecte, d'analyse et de contrôle conformes aux règles du système statistique public validé par l'INSEE. A contrario, les déclarations de victimation visent à connaître le sentiment d'insécurité ressentie par la population au moment de l'enquête ; elles sont fondées sur des réponses subjectives à un questionnaire, proposé à un échantillon de population. La comparaison arithmétique n'est pas permise. C'est ainsi qu'au cours des années 1997 et 1998 ce sont 3 408 000 faits constatés de cambriolages, vols d'automobiles, vols à la roulotte, vols d'accessoires, destructions et dégradations de véhicules privés, vols à la tire, coups et blessures volontaires, menaces ou chantages, atteintes à la dignité et à la personnalité qui ont été recensés par la statistique policière. Il ne s'agit pas de faits mais bien d'infractions, de véhicules, de plaignants, de victimes entendues ou de procédures selon l'unité de compte définie par le guide de méthodologie pour chacune des infractions recensées. Les 16 805 000 faits retenus par l'IHESI correspondent aux déclarations qu'elle a pris en compte au cours de son enquête de victimation. Il s'agit d'une évaluation par extrapolation à partir d'un échantillon. Cette somme comprend tous les faits d'insécurité, même contraventionnels (notamment les injures non publiques), ayant été supportés par l'échantillon mais pas systématiquement portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie. A la différence de la statistique institutionnelle, l'unité de compte est l'individu ou le ménage. Ainsi, comme le mentionne les auteurs de l'enquête de victimisation, " l'enquête de victimation et la statistique administrative ne constituent pas deux mesures de la même chose ". Elles ne doivent pas être " opposées, mais complémentaires ". Les enquêtes de victimation ne peuvent être qu'en complément au plan local, de la statistique administrative, en raison de leur durée et de leur difficulté d'interprétation.

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