Question de M. BALARELLO José (Alpes-Maritimes - RI) publiée le 13/04/2000

M. José Balarello attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le phénomène croissant de la prostitution des jeunes filles en provenance des pays de l'Est sur notre territoire. Depuis 1997, la police française a démantelé plusieurs réseaux et commence à mieux connaître leur fonctionnement. Le conflit du Kosovo et le développement de l'immigration clandestine des Albanais via l'Italie a considérablement accru le nombre de ces prostituées. A Paris, on dénombre environ 300 Albanaises et Kosovars, ce qui en fait la première communauté étrangère de la capital en matière de prostitution de rue ; les villes de Strasbourg, Lyon, Nice et Toulouse sont également touchées et d'autres sans aucun doute vont l'être bientôt. La gravité du phénomène ne réside pas tant dans l'ampleur que dans la violation des droits de la personne humaine qu'il recouvre. Il lui demande d'intervenir auprès de ses homologues européens afin que, grâce à une coopération étroite, ces nouveaux marchands d'esclaves soient traqués de manière impitoyable.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 22/06/2000

Réponse. - La paupérisation des populations de l'Europe de l'Est et les derniers événements enregistrés au Kosovo ont accentué l'essor des filières de prostitution vers l'Ouest, commencé il y a dix ans. Sur le territoire national, on a dénombré en 1999 environ un millier de prostituées venant d'Europe de l'Est. L'augmentation sensible par rapport à 1998 est en partie liée à l'arrivée de femmes originaires d'Albanie et du Kosovo. Comme l'indique l'honorable parlementaire, ces prostituées sont essentiellement localisées dans quelques villes, en fonction soit de leur itinéraire - par l'Italie ou l'Allemagne -, soit de la logistique ou des relations qu'elles peuvent trouver sur place. Ces populations très vulnérables qui forment le gros du bataillon de la prostitution de la rue (50 % de la population étrangère) sont condamnées à une sorte de " nomadisme sexuel " dans les pays européens et ne restent jamais longtemps au même endroit. Depuis plusieurs années, la police nationale s'est largement mobilisée - en particulier les services spécialisés de la police judiciaire et de la sécurité publique - dans la lutte contre les groupes criminels qui exploitent cette prostitution. La répression de ces agissements rencontre des difficultés techniques importantes, liées à la fois au court séjour des prostituées dans un même pays de l'Union européenne - immigration clandestine ou séjour " touristique " - et au silence des victimes menacées et surveillées par les membres de réseaux, mais elle est axée sur ces organisations. En 1999, plus de la moitié des proxénètes déférés à la justice sur le territoire national étaient originaires d'Europe de l'Est et quinze réseaux importants de malfaiteurs originaires de République tchèque, de Bulgarie, de Lettonie et d'Albanie ont été démantelés. Mais la montée en puissance de certaines organisations criminelles, comme l'existence, dans certaines régions d'origine ou de transit, de camps de soumission de prostituées destinées à l'Europe occidentale exigent une riposte coordonnée des Etats. Les premiers textes qui fixent la volonté commune de lutter contre la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle ont vu le jour en 1997. Dans le cadre de l'Union européenne, plusieurs actions communes destinées à faciliter la coopération des instances policières et judiciaires ont été adoptées. Elles ont visé les objectifs suivants : intégration de la lutte contre la traite des êtres humains dans le mandat d'Europol ; mise en uvre d'un programme pluriannuel de formation et d'échanges des personnes impliquées dans la lutte contre la traite des êtres humains (programme STOP) ; renforcement de la coopération judiciaire et harmonisation des législations pénales en matière de lutte contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants. Au-delà des différences liées à la morale et aux lois nationales, la démarche a consisté à rechercher des dénominateurs communs, d'une part, pour prendre en considération la détresse de ces jeunes femmes en adoptant des mesures d'assistance aux victimes (les ONG ayant à ce titre un rôle important), d'autre part, pour promouvoir des mesures stratégiques destinées à renforcer la décision pénale (structures policières spécialisées, adaptation de textes de lois, exemplarité des peines). La France, signataire de la convention de New York de 1949 - convention de l'ONU dite " abolitionniste " -, ne ménage pas ses efforts pour convaincre certains pays voisins d'adopter des mesures structurelles et législatives pour lutter plus efficacement contre le proxénétisme, de même nature que celles décidées au plan national : création par décret ministériel en 1958, au sein de la direction centrale de la police judiciaire, de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETH), renforcement depuis 1960 de la loi pénale relative au proxénétisme, avec en dernier lieu la définition d'incriminations criminelles qui entraînent des peines de prison sévères (la perpétuité lorsque les actes de proxénétisme ont été commis en utilisant la torture ou la barbarie), possibilité donnée en 1975 à certaines associations reconnues d'utilité publique de se constituer partie civile. Ces stratégies multilatérales n'excluent nullement les actions bilatérales qui existent souvent depuis fort longtemps entre les Etats membres, et les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion sont associés à l'essentiel des travaux en cours dans les différentes enceintes européennes, et particulièrement en ce qui concerne les programmes de formation.

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