Question de M. HOEFFEL Daniel (Bas-Rhin - UC) publiée le 12/05/2000

M. Daniel Hoeffel interroge Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la convention 103 de l'organisation internationale du travail (OIT) traitant des droits de la maternité. La législation française prévoit seize semaines de congés de maternité et l'interdiction absolue de licenciement des femmes enceintes et en congé de maternité. Au nom de l'harmonisation européenne, il semble qu'il soit envisagé de modifier cette législation dans les prochains mois. Cette modification irait dans le sens de l'assouplissement prévu dans la convention 103 de l'OIT et, si elle devait aboutir, elle ferait passer les congés de maternité de seize à quatorze semaines. De même, le projet de modification semble revenir sur l'interdiction totale de licenciement en période de congé de maternité, en autorisant le licenciement pour des motifs sans lien avec la grossesse. Or, selon les principes fondamentaux et juridiques de l'OIT, une convention de ladite organisation n'est révisées que lorsque les modifications apportées portent à un degré supérieur le contenu de la convention concernée et le niveau de protection des travailleurs. Il lui demande de lui préciser les modifications de la convention 103 de l'OIT qui sont envisagées, ainsi que les raisons qui pourraient justifier de telles modifications.

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Réponse du ministère : Famille publiée le 14/06/2000

Réponse apportée en séance publique le 13/06/2000

M. le président. La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 815, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de
la solidarité.
M. Daniel Hoeffel. Ma question concerne la convention 103 de l'Organisation internationale du travail traitant des droits
de la maternité.
La législation française prévoit seize semaines de congé de maternité et l'interdiction absolue de licenciement des
femmes enceintes et en congé de maternité.
Au nom de l'harmonisation européenne, il semble qu'il soit envisagé de modifier cette législation dans les prochains
mois. Cette modification irait dans le sens de l'assouplissement prévu dans la convention 103 de l'OIT.
Si une telle réforme devait aboutir, elle marquerait une régression du droit social français en faisant passer les congés
de maternité de seize à quatorze semaines.
De même, le projet de modification semble revenir sur l'interdiction totale de licenciement en période de congé de
maternité, en autorisant le licenciement pour des motifs sans lien avec la grossesse. Cela permettrait à un employeur
de se séparer d'une femme enceinte en invoquant d'autres motifs.
Or, selon les principes fondamentaux et juridiques de l'OIT, une convention de cette organisation n'est révisée que
lorsque les modifications apportées portent à un dégré supérieur le contenu de la convention concernée et le niveau de
protection des travailleurs.
Pourriez-vous préciser, madame la ministre, les modifications de la convention 103 de l'OIT qui sont envisagées, ainsi
que les raisons qui pourraient justifier de telles modifications ?
A l'heure actuelle, trente-six pays seulement sur cent soixante-quatorze ont signé la convention 103. La mise au point
de nouvelles normes internationales de travail, leur révision et leur assouplissement sont considérés, par certains pays,
comme un moyen d'obtenir leur ratification. Cette orientation ne risque-t-elle pas de se faire au détriment de droits
considérés comme essentiels par notre pays, en particulier du point de vue de la protection de la maternité ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, je voudrais redire très
clairement l'attachement du Gouvernement français à la protection de la maternité au travail. La ministre du travail, Mme
Martine Aubry, s'est d'ailleurs exprimée devant vous à ce sujet le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée
internationale des femmes.
La protection de la maternité au travail est l'une des plus anciennes normes internationales puisque la convention 3 sur
ce sujet a été adoptée dès 1919, année de la fondation de l'OIT, que cette convention a été révisée en 1952 pour tenir
compte de l'évolution des législations et des pratiques nationales et que, quarante-huit ans plus tard, une procédure de
révision de ce texte est à nouveau engagée.
Le texte actuellement soumis à la discussion par le Bureau international du travail, le BIT, présente des avancées
importantes par l'élargissement du champ des protections proposées : protection contre les discriminations à
l'embauche, protection contre les licenciements durant toute la grossesse et la période d'allaitement, instauration d'une
période obligatoire de congé de maternité, prise en compte des risques pour la procréation ou pour la santé de la
femme et de l'enfant, toutes choses qui nous semblent naturelles à nous Français, parce qu'elles sont ancrées depuis
longtemps dans notre droit, mais qui représentent une vraie révolution pour d'autres pays.
Ce sont donc des éléments nouveaux et importants qui sont débattus dans le cadre de cette conférence ; ils n'étaient
pas abordés par la convention de 1952.
La France a décidé d'oeuvrer pour qu'un plus grand nombre de pays ratifient cette convention. Comme vous l'avez
également souligné, la convention 103 n'a en effet été ratifiée que par trente-six pays, selon vous, et trente-sept, selon
les chiffres qui m'ont été donnés, c'est-à-dire moins de 20 % du total possible. Par comparaison, j'indique que la
convention n° 100 sur l'égalité de rémunération a été ratifiée par 137 pays, et la convention 111 concernant la
discrimination à l'emploi par 132 pays.
Mais cet objectif d'un plus grand nombre de pays ratifiant cette convention ne doit pas se traduire par un recul sur
certaines normes de la convention 103.
Nous partageons à ce titre l'inquiétude de ceux qui, comme nous, regrettent que le texte proposé par le BIT à la
conférence soit moins précis que le texte de 1952. Si, comme je l'ai dit, une protection contre les discriminations liées
à la grossesse est introduite, l'interdiction de licenciement pendant le congé de maternité ne figure plus. De même, le
projet de texte maintient, certes, la durée du congé de maternité de douze semaines et prévoit une obligation d'arrêt de
travail dont la durée et la répartition sont fixées par les Etats membres, mais elle revient sur le droit à six semaines de
congé de maternité après l'accouchement.
La France n'apportera pas son soutien à des modifications qui seraient en retrait par rapport à la convention 103.
Nous oeuvrons pour parvenir à adopter un texte qui, tout respectant les différences culturelles des pays membres,
élargisse le champ des protections accordées aux femmes, assure un niveau de protection global au moins équivalent
à celui de la convention actuelle.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Deux objectifs sont recherchés, mais il convient de veiller à ce qu'ils ne soient pas contradictoires. Il s'agit, d'une part,
d'obtenir la ratification par le maximum de pays de la convention 103, cet objectif d'harmonisation, qui est lié à la
ratification, pouvant entraîner certains assouplissements quant aux droits déjà obtenus, et, d'autre part, de veiller à ce
que cette harmonisation ne se fasse pas au détriment d'un certain nombre de droits fondamentaux qui, depuis des
décennies, sont reconnus comme tels par notre pays.
Je fais confiance au Gouvernement pour qu'il veille à ce qu'il n'y ait pas de contradiction entre les exigences de
l'harmonisation et le respect des droits obtenus au plan national et que, au contraire, ces deux principes puissent
cheminer de pair.

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