Question de M. de MONTESQUIOU Aymeri (Gers - RDSE) publiée le 18/05/2000

M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur l'actuelle complexité administrative d'origine communautaire. Ces contraintes et parfois ces incohérences contribuent à donner de l'Union européenne une image technocratique. Il lui demande donc s'il compte faire de la recherche de simplification un axe fort de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et les mesures qu'il entend prendre dans ce but, en particulier dans le domaine de l'agriculture et de l'artisanat.

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Réponse du ministère : Logement publiée le 14/06/2000

Réponse apportée en séance publique le 13/06/2000

M. le président. La parole est à M. de Montesquiou, auteur de la question n° 823, adressée à M. le ministre délégué
chargé des affaires européennes.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis l'origine, la France a joué un rôle moteur dans la
construction européenne. Espérons que la présidence française du Conseil de l'Union permette à notre pays d'imprimer
sa marque pendant six mois ! C'est une occasion exceptionnelle d'affirmer et de faire partager nos priorités.
L'Europe est encore mal-aimée et souvent perçue par nos concitoyens comme technocratique, peu efficace, davantage
soucieuse de procédures que de résultats.
Cette impression est largement justifiée pour un certain nombre de professions, qui se heurtent à la complexité
administrative des règles d'origine communautaire, qui viennent s'ajouter aux nôtres, déjà beaucoup trop contraignantes.
L'artisanat, « première entreprise de France » et donc premier gisement d'emplois, subit des contraintes absurdes.
Pour les dossiers de mise en conformité, par exemple, le nombre de pièces à fournir tient d'un inventaire à la Prévert :
attestations, formulaires, rapports, visites, pièces complémentaires. Qui plus est, ces informations sont demandées
progressivement, sous forme d'additifs, et non en une seule fois !
Il est indispensable que la procédure soit allégée afin d'éviter les surcoûts de trésorerie générés par les délais de deux à
trois ans entre la réalisation des projets et leur liquidation.
Un exemple significatif d'aberrations : pour ce qui est des machines pouvant bénéficier d'aides, pourquoi le matériel
roulant, comme les élévateurs, n'est-il pas éligible ?
Les demandes de l'administration doivent s'inscrire dans une logique et apparaître comme naturelles ; il est
indispensable de les alléger pour ne pas décourager les entreprises individuelles déjà trop peu bénéficiaires de
programmes communautaires.
Dans le domaine agricole, l'inflation administrative s'accroît. La réforme de la politique agricole commune, en 1992, avait
déjà placé les agriculteurs devant l'obligation de remplir de trop nombreux imprimés pour percevoir les aides. Suite aux
accords de Berlin, des déclarations nouvelles se sont ajoutées aux précédentes : primes à l'abattage, modulation des
aides... et j'en passe. Les risques d'erreur sont majeurs et les exigences injustifiées préjudiciables à l'exercice de
l'activité agricole.
Il y a urgence ! L'impératif de bonne gestion des deniers publics d'origine communautaire, que personne ne remet en
question, ne justifie en rien de telles tracasseries.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai choisi qu'un échantillon parmi de trop nombreux cas. Le débat sur les axes
prioritaires de la présidence de l'Union européenne qui s'est déroulé au Sénat le 30 mai dernier n'a pas permis d'entrer
dans les détails techniques. Dans un objectif pragmatique et pour réconcilier les citoyens avec l'Europe, le
Gouvernement est-il prêt à s'engager pour faire de la simplification administrative un objectif prioritaire ?
MM. Paul Blanc et Daniel Hoeffel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon
collègue Pierre Moscovici et de trouver, dans les éléments de réponse qu'il m'a communiqués, matière à faire échec à
vos préoccupations.
Comme vous le savez, la Commission européenne souhaite mettre en oeuvre un important programme de rationalisation
de l'activité normative des institutions communautaires.
L'Union européenne souffre d'une surproduction législative dans de nombreux domaines, notamment ceux qui sont
afférents au marché intérieur. En même temps, elle n'est pas toujours en capacité de prendre les décisions
indispensables dans des domaines essentiels d'affirmation de ses compétences. Cette ambivalence de la production
normative communautaire doit donc faire l'objet d'un traitement en profondeur de la part de la Commission comme du
Conseil.
Comme vous le savez également, le Gouvernement a mis au coeur de son programme de priorités pour la présidence
française la promotion d'une meilleure gouvernance de l'Union européenne. Ce chantier essentiel pour l'avenir même de
l'Union recouvre des questions multiples.
En premier lieu, la conclusion de la conférence intergouvernementale devra nous permettre de redonner une capacité de
décision politique à l'Union européenne.
Mais il y a aussi les réformes que l'on peut qualifier de « simples et pratiques » - celles que vous appelez de vos voeux
- dont les institutions européennes peuvent se saisir spontanément pour assurer des réformes essentielles de
fonctionnement. La Commission européenne est engagée dans un vaste exercice de réforme interne de ses procédures
à la suite du rapport de Neil Kinnock. Le conseil « Affaires générales » doit s'efforcer de retrouver sa capacité de
coordination des différentes formations du Conseil, ce qui est un élément essentiel du dispositif de rationalisation du
processus de décision communautaire.
Enfin, il y a les éléments de réforme administrative, sur lesquels la Commission européenne a pris plusieurs initiatives.
En particulier, l'initiative de simplification dite SLIM - simplification de la législation sur le marché intérieur - lancée en
1996 dans le cadre du pacte de confiance pour l'emploi, a permis de mettre en place des groupes de travail
thématiques, composés à la fois de représentants de cinq délégations nationales et d'opérateurs économiques, afin de
proposer des recommandantions de simplification de la législation communautaire.
En outre, la Commission européenne a présenté en mars dernier une communication contenant des propositions
concrètes sur la simplification de la législation relative au marché unique.
Enfin, en mars dernier toujours, le conseil européen de Lisbonne a demandé au Conseil et aux Etats membres, eu
égard à leurs compétences respectives, de définir, d'ici à 2001, une stratégie visant, par une nouvelle action
coordonnée, à simplifier l'environnement réglementaire, y compris le fonctionnement de l'administration publique, à
l'échelon tant national que communautaire, en recensant des domaines où il est nécessaire que les Etats membres
rationalisent davantage la transposition de la législation communautaire en droit national.
Je pense, monsieur le sénateur, que les exemples que vous avez donnés peuvent intéresser ceux qui sont attelés à
cette tâche.
La France soutient les initiatives de la Commission européenne, et encore tout récemment lors du conseil « Marché
intérieur » du 25 mai dernier.
Le Gouvernement entend également indiquer à la Commission européenne que cet effort de rationalisation doit aussi
s'inscrire dans une réflexion plus générale qui doit comprendre notamment une meilleure lisibilité des textes
communautaires et une refonte et codification des directives existantes.
Telles sont les informations que mon collègue Pierre Moscovici souhaitait vous transmettre sur cette importante
question, monsieur le sénateur.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'Etat, la présidence de l'Union européenne, c'est un style, et la
France doit imprimer sa marque. Nous faisons le même constat.
Mais votre réponse s'inscrit tout à fait dans cette complexité administrative que j'évoquais : elle n'apporte aucune
simplification.
Vous êtes élu d'un département d'élevage, vous savez donc quelles affres administratives subissent les éleveurs.
Je vais vous en donner un exemple.
Dans mon département, souvent une exploitation agricole ne survit que grâce à un appoint d'élevage dans le cadre de la
polyculture. Or, un même éleveur, chaque année et à des dates différentes, doit remplir un dossier de déclaration de
surface, un dossier relatif à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, un dossier de déclaration à
l'abattage de ses animaux, un dossier pour l'indemnité compensatrice du handicap naturel, un dossier relatif à la prime
à l'herbe, un dossier relatif à la modulation des aides et, éventuellement, aussi, un dossier de contrat territorial
d'exploitation... Et si jamais il fait une erreur, on annule toutes ses primes !
La France a un devoir, tout comme son exécutif, qui est proeuropéen : son objectif majeur est de faire de nouveau aimer
l'Europe à nos concitoyens. Or, aujourd'hui, la complexité administrative européenne fait que nos concitoyens se
détournent de l'Europe, je vous l'assure. Je demande que la simplification de tout ce fardeau administratif soit une
priorité gouvernementale.
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Georges Mouly. En effet !

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