Question de M. TRUCY François (Var - RI) publiée le 15/06/2000

M. François Trucy attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'affaire Sidi Ahmed Rezala qui scandalise l'opinion publique et irrite le Parlement. Il rappelle qu'un individu, sur lequel pèsent de très fortes présomptions de culpabilité à propos de trois meurtres particulièrement horribles, est identifié et incarcéré au Portugal. Il s'étonne, dans un premier temps, que la justice française ne puisse obtenir son extradition, refusée par les autorités portugaises. Il s'inquiète de l'accumulation et de l'enchevêtrement des procédures dilatoires de la part des avocats de l'intéressé, dilatoires de la justice portugaise dont il s'aperçoit, à cette occasion, que son régime, ses critères, ses règles et ses objectifs semblent bien différents de ce qui prévaut en France et en Europe. Il rappelle qu'au Portugal, la durée des peines est très inférieure à celles de l'Europe, que la perpétuité n'y existe pas, et que le régime des peines français y est jugé très sévèrement. Déjà très étonné de ce comportement, il s'intérroge sur les déclarations de presse qui laissent à penser qu'elle se serait engagée, afin d'obtenir l'extradition demandée, à ce que la peine à laquelle le prévenu pourrait être condamné ne dépasserait pas trente ans. Il constate qu'il existe des lacunes graves dans la coopération judiciaire européenne, que l'harmonisation judiciaire est au point mort et que les Français sont spectateurs d'une véritable négociation judiciaire analogue à celle de la justice américaine et qui se joue à l'échelle des Etats, au mépris des institutions, du Parlement qui fait la loi, et des magistrats qui l'appliquent. Il s'interroge au demeurant sur la légalité de tels engagements internationaux. Il tient à préciser qu'en aucun cas elle ne peut préjuger du résultat d'une instruction qui n'est pas commencée et de la décision du futur jury populaire des assises qui sera (sans doute) amené à juger le prévenu. Mais il ajoute que, face à la rigueur qui s'applique aux justiciables en France, les atermoiements et les marchandages de cette affaire sont scandaleux. Il rappelle que le Portugal est un pays considéré comme laxiste sur le plan pénal et qui devient une véritable terre d'asile pour des criminels français. En conséquence, il l'interroge sur les mesures envisagées par le Gouvernement afin que la France, au cour de sa Présidence de la Communauté européenne, fasse avancer la coordination judiciaire européenne et harmonise les procédures.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 28/06/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle considère que la construction d'un espace judiciaire européen constitue un élément essentiel de l'europe des citoyens. S'agissant du dossier évoqué, elle souligne que la difficulté résultait d'une réserve formulée par le Portugal à l'article 1er de la Convention européenne d'extradition selon laquelle " le Portugal n'accordera pas l'extradition de personnes lorsqu'elles sont réclamées pour une infraction à laquelle correspondra une peine ou une mesure de sûreté à caractère perpétuel ". Il serait, bien entendu, souhaitable que de telles situations ne puissent se reproduire dans l'avenir, en particulier entre les Etats membres de l'Union européenne qui devraient assurer une coopération plus étroite sur la base d'une confiance réciproque. A cet égard, la convention relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne du 10 mars 1995 et la convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne, devraient, lorsqu'elles seront entrées en vigueur, résoudre un certain nombre de difficultés. Par ailleurs, le conseil européen tenu à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a affirmé sa volonté de créer un véritable espace européen de justice, de renforcer la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et de rapprocher les législations pour faciliter la coopération judiciaire au sein de l'Union. Enfin, au cours de sa présidence de l'Union européenne, la France a élaboré un programme de mesures tendant à parvenir à une pleine reconnaissance des décisions pénales dans l'Union. Ce programme, qui a été adopté à l'occasion du conseil " Justice-affaires intérieures " des 30 novembre et 1er décembre 2000, contient plusieurs mesures relatives à l'extradition qui devraient permettre, dans les années à venir, de lever les derniers obstacles à une pleine coopération des Etats membres dans ce domaine.

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