Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 19/12/2000

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les nombreux obstacles posés aux personnes atteintes de certaines maladies (sida, cancer, diabète, mucoviscidose, hémophilie, hypertension...) dans leur accès aux assurances. La loi nº 90-602 du 12 juillet 1990, sanctionnant les discriminations pour handicap ou pour maladie, ne s'applique pas aux sociétés d'assurances, qui peuvent refuser d'assurer ces personnes ou leur imposer des tarifs parfois fortement majorés pour cause de " risque aggravé ". Elle lui demande de lui faire savoir si de tels états de fait n'entraînent pas une rupture d'égalité des consommateurs devant l'accès aux assurances ou, par exemple, la possibilité de contracter des prêts à la consommation. Elle lui demande également de lui faire savoir si le Gouvernement entend prendre part à la mise en place d'une nouvelle convention entre sociétés d'assurance et personnes malades, visant au respect de tous les droits de ces derniers.

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Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 13/06/2001

Réponse apportée en séance publique le 12/06/2001

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, en décembre 2000, j'avais posé une question écrite à M. le ministre de l'économie et des finances. Je lui faisais part de mon étonnement de voir que la loi du 12 juillet 1990 sanctionnant les discriminations pour handicap ou maladie ne s'appliquait pas aux sociétés d'assurance. Certaines d'entre elles refusent actuellement - ou acceptent de le faire à des tarifs exorbitants - d'assurer des personnes atteintes de sida, de diabète, d'hypertension, de mucoviscidose, d'hémophilie, de maladies neuromusculaires ou de cancer.
Nous sommes en présence d'un problème de justice sociale, de respect de l'égalité de tous, même devant un problème de santé publique.
Je formulerai une autre remarque : des établissements financiers demandent à leurs clients qui souhaitent contracter un prêt à la consommation de souscrire des assurances pour le risque décès à des tarifs également exorbitants.
Là encore, le fait d'être atteint d'une maladie conduit à la notion de risque aggravé. Questionnaires de santé, surprimes pour risque aggravé, non-respect de la règle de confidentialité médicale constituent des ruptures d'égalité des consommateurs devant l'accès aux assurances.
Enfin, flou et disparité émergent de l'absence de critères précis de différenciation et génèrent de nouveaux types d'inégalités, tant dans la sélection des risques aggravés que dans leur tarification.
Je demandais de façon plus précise et plus insistante que l'on m'indique les mesures envisagées pour qu'une personne atteinte de sida ou de cancer soit assurée de voir ses droits respectés par les sociétés d'assurance.
Ma question date de décembre 2000. Or, à ce jour, M. Fabius ne m'a toujours pas répondu. S'agit-il de sa part d'un désintérêt, de l'absence de mesures possibles ou bien d'un refus de voir le Gouvernement prendre en compte un problème considéré comme un problème privé ?
Je vous demande aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'apporter une réponse avec des analyses et des propositions.
Toutefois, auparavant, je souhaiterais, pour justifier de nécessaires réponses, citer un sondage de l'IFOP publié dans le mensuel Viva de ce mois-ci, dont deux éléments sont à retenir.
En premier lieu, 28 % des personnes interrogées ont été confrontées directement ou par leur entourage à un cas de discrimination liée à l'état de santé. Le problème est donc bien de santé publique.
En second lieu, dans le même sondage, on observe que 43 % des personnes sollicitées considèrent que la lutte contre les inégalités fondées sur des problèmes de santé ou de handicap est la plus importante ; elles sont 27 % à souhaiter une réduction des inégalités femmes-hommes ; 21 % pour celles qui sont fondées sur l'origine ou la religion, 7 % celles qui sont fondées sur l'âge. Le problème est aussi citoyen et de justice sociale.
Il intéresse une grande majorité de nos concitoyens : 82 % d'entre eux estiment que le fait de procéder à une sélection fondée sur la santé ou le handicap lors d'une proposition de contrat d'assurance constitue bien une discrimination. Le problème est moral car, dans le même temps, 62 % des personnes handicapées ou malades se disent prêtes à mentir sur leur situation médicale pour ne pas être pénalisées.
Il est aussi un autre paramètre à prendre en considération. Si tout citoyen est tenu de s'assurer, toute société d'assurance n'est pas tenue de répondre positivement à la demande d'assurance d'un citoyen. Vous le voyez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, une législation nouvelle est nécessaire.
Elle doit pouvoir répondre à des besoins concrets : besoin d'assurance décès pour un prêt à long terme ; besoin d'assurance à court terme pour l'obtention de petits prêts ; besoin d'assurance complémentaire santé : besoin de couvertures des risques d'arrêts de travail et d'invalidité.
Cette nouvelle législation doit tendre vers une politique de systématicité et d'égalité dans la position des assureurs. En effet, ces derniers différencient toujours le facteur séropositivité du risque sida, ce qui conduit à l'exclusion.
D'autres encore refusent de prendre en compte la stabilisation d'un risque handicap moteur au taux de mortalité ordinaire, ce qui entraîne de nombreux cas d'exclusion.
Vous en conviendrez, la loi doit évoluer et refuser d'admettre que les assureurs, qui individualisent à tout prix leur évaluation des risques, puissent de surcroît refuser le droit à l'assurance pourtant reconnu de fait par notre Constitution.
Un projet de convention existe ; mais à notre connaissance, le caractère contraignant est laissé à la seule bonne volonté des banques et assurances. Par ailleurs, ce projet de convention est bien trop laxiste pour la fixation des tarifs : ceux-ci ne sont pas fondés sur une obligation tarifaire, mais laissent la liberté aux assureurs de rechercher le profit.
Le projet de convention du comité Belorgey constitue une prise de conscience, une avancée que nous ne négligeons pas.
Mais la loi est une et rigoureuse. C'est d'elle que nous avons besoin pour promouvoir des dispositions tout à fait nouvelles imposant une contrainte forte sur les assurances, qui doivent assurer la protection à laquelle a droit tout citoyen.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les obstacles rencontrés par les personnes atteintes de certaines maladies, dans leur accès aux assurances et, par suite, au crédit.
Le Gouvernement, loin de se désintéresser de cette question, est au contraire particulièrement attentif aux difficultés rencontrées par les personnes présentant des risques de santé aggravés et qui souhaitent pouvoir bénéficier d'une assurance. Il a souhaité que soit menée une réflexion en vue d'améliorer les réponses apportées à ces personnes dans le domaine de l'assurance dans le cadre juridique actuel et pouvant, le cas échéant, servir de modèle à d'autres domaines.
Un comité présidé par M. Belorgey, conseiller d'Etat, et associant des représentants des assureurs et de la profession bancaire, des représentants des associations de consommateurs et de personnes malades, des personnalités qualifiées ainsi que des représentants des administrations, a été installé le 1er juin 1999 à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de la ministre de l'emploi et de la solidarité, du secrétaire d'Etat au budget et du secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Les travaux et réflexions de ce comité ont porté sur « l'assurabilité » des risques aggravés en assurance emprunteurs. Ils ont abouti à une première série d'acquis et devraient bientôt se concrétiser par la signature d'une convention entre des associations représentant des personnes malades ou des consommateurs, des organisations professionnelles de la banque et de l'assurance ainsi que l'Etat.
Cette convention permettra aux personnes présentant un risque de santé aggravé d'accéder à l'assurance emprunteurs dans le respect de leur dignité comme de leur droit à la confidentialité, tout en étant compatible avec les contraintes inhérentes aux métiers de l'assurance et du crédit. Constituant un pas décisif pour l'accès à l'assurance emprunteurs de ces personnes, cette convention devrait être prochainement signée. Comme vous l'avez souligné, c'est une avancée tout à fait notable.
En l'état actuel des choses, tels sont les éléments de réponse que je suis en mesure de vous apporter, la discussion et le vote d'un projet de loi n'étant pas à ce jour d'actualité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'être venu me répondre ce matin, même si la question que j'ai posée est un peu éloignée de vos compétences en tant que secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Vous m'avez répondu en faisant référence au projet de convention du comité Belorgey. Je veux attirer votre attention et, à travers vous, celle du Gouvernement, sur l'insuffisance - même si une première série d'acquis est maintenant actée - de ses recommandations. Je crains que la convention n'ait vocation qu'à assurer le risque décès. Or les risques invalidité et maladie doivent aussi entrer dans son champ d'application.
Deuxième inquiétude, les surprimes aux montants prohibitifs ne sont toujours pas interdites. Or elles ont un caractère fortement inégalitaire.
J'ai noté, je l'ai dit, qu'une première série d'acquis était maintenant actée. Je regrette cependant qu'il ne soit pas, pour le moment, prévu de les inscrire dans une loi. J'avais, comme d'autres, cru comprendre que le projet de loi de modernisation du système de santé offrirait un cadre aux mesures prévues dans la convention, lesquelles auraient ainsi pu être votées par le Parlement - on nous avait même dit que tout pourrait être fait avant la fin du mois de juin.
Si tout devait être repoussé, cela susciterait une grande inquiétude au sein des associations.
Je veux enfin insister sur deux points.
Les assurances doivent être accessibles à tous, y compris aux malades et aux personnes handicapées. Je crains qu'en ce qui concerne les personnes handicapées le problème n'ait pas été pris dans sa globalité. La couverture doit, bien entendu, s'appliquer en cas de décès, en cas de maladie et en cas d'invalidité

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