Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - RPR) publiée le 22/02/2001

M. Jacques Legendre demande à Mme le ministre de la culture et de la communication de bien vouloir lui expliquer à quoi on peut reconnaître un film français. Ceux-ci, en effet, éprouvent de plus en plus la nécessité de se dissimuler derrière un titre anglais. C'est ainsi que Raymond Depardon est l'auteur de " Empty Quarter ", Paul Vecchiali de " Once More ", Luc Besson de " Subway ", Gérard Mordillat de " Fucking Fernand ", Serge Gainsbourg de " Charlotte For Ever ". Le croira-t-on ? Un film français en projet devrait être intitulé " The Napoleon Conspiracy ". La langue française en serait-elle réduite à entrer en clandestinité ? Claude Berry tournerait actuellement en anglais l'adaptation du " Vicaire " de Rolf Hochhuth. Mais il est vrai que Luc Besson avait aussi tourné " Jeanne d'Arc "... en anglais. Afin d'enrayer cette singulière épidémie qui relativise la défense par les professionnels français du cinéma de notre " exception culturelle ", il lui demande de lui donner l'assurance que les aides accordées par notre pays aux films " français " sont réservées à des films dont la version originale et le titre sont en langue française.

- page 620


Réponse du ministère : Culture publiée le 25/10/2001

Si le tournage d'un film en français est une condition d'accès à certaines formes d'aide, il est vrai qu'aucune incitation n'existe concernant le choix des titres des films. En effet, le titre sous lequel le film est exploité ne résulte pas seulement d'un choix commercial mais est considéré par le code de la propriété intellectuelle comme reflétant la personnalité de son ou de ses auteurs puisqu'il est protégé comme l'oeuvre elle-même, dès lors qu'il est original. Ainsi, on peut difficilement soupçonner un auteur comme le documentariste Raymond Depardon d'avoir obéi dans le choix du titre de ses films à des soucis purement commerciaux. De même, le choix du titre du film de Serge Gainsbourg résulte manifestement de son sujet : un hommage à sa fille franco-anglaise. Depuis la période couverte par les films cités par l'honorable parlementaire (qui sont tous sortis entre 1985 et 1988), il ne semble pas que l'on assiste à une augmentation significative de titres en anglais pour les films produits en France. Ainsi chaque année, sur cent à cent cinquante films d'initiative française agréés, entre deux et cinq films, seulement, ont un titre anglais et ont été réalisés par des réalisateurs aussi différents et caractéristiques que Jean-Luc Godard avec " For ever Mozart ", Marion Vernoux avec " Love etc. ", Manuel Poirier avec " Western ", Laetitia Masson avec " Love me " (qu'elle avait intitulé dans un premier temps " Only you ") et dans les films en cours de production, Claude Lelouch avec " Now ladies and gentlemen " et " Demonlover " d'Olivier Assayas. Certains réalisateurs n'hésitent pas à mélanger français et anglais : Fabien Onteniente avec " Grève Party " et Thierry Barthes et Pierre Jamin avec " Charité Business ". En fait, aucun lien ne peut être fait entre l'usage de la langue anglaise pour le titre d'un film et son succès en salles. En effet, les films agréés ayant réalisé plus de 1 million d'entrées en 2000 dans les salles françaises n'ont pas eu besoin d'un titre en anglais pour séduire le public : " Taxi 2 ", " Le goût des autres ", " Les rivières pourpres ", " Harry un ami qui vous veut du bien " (qui est en train également de séduire le public américain), " Meilleur espoir féminin ". Le seul exemple de titre anglais relève du langage courant : " Jet Set ". La progression record de la part de marché du film français sur le premier semestre 2001 (qui atteint 51 % à la fin du 1er semestre) est due exclusivement à des films dont le titre est en français : " La Vérité si je mens 2 " (7,8 millions d'entrées), " Le fabuleux destin d'Amélie Poulain " (7,5 millions), " Le placard " (5,2 millions), " Le pacte des loups " (5,1 millions), les autres films ayant réalisé plus d'un million d'entrées sont " Un crime au Paradis ", " La tour montparnasse infernale ", " Belphégor ", " 15 août ". Par ailleurs, si le tournage en français d'un film n'est pas une condition d'accès au soutien financier de l'Etat, sous sa forme automatique, calculé au profit des producteurs de films de long métrage, néanmoins la langue de tournage d'un film a des conséquences importantes sur le calcul de ce soutien et sur son réinvestissement pour le financement d'un nouveau film. C'est en outre une des conditions posées à l'attribution des aides sélectives à la production autrement nommées " avances sur recettes ". Ainsi, la langue de tournage du film est valorisée dans le barème du soutien financier permettant d'apprécier le volume de dépenses en France et dont dépend le calcul du soutien généré par l'exploitation du film. Le tournage en français est valorisé à hauteur de vingt points sur un total de cent points. D'autre part, une majoration de 25 % sur le soutien réinvesti dans la production ne bénéficie qu'aux films tournés en français. De même, l'aide sélective à la production de film de long métrage (ou avance sur recettes) est réservée aux films réalisés en langue française. Cette aide a été attribuée à 47 films en 2000, sur 170 films agréés, pour un montant moyen d'environ 2,5 millions de francs. Enfin les chaînes de télévision devant respecter parmi les oeuvres cinématographiques qu'elles diffusent, un quota de 40 % d'oeuvres d'expression originale française, celles-ci occupent une place importante dans leur programmation. D'une manière générale, rien n'indique qu'une tendance se dessine qui inciterait les producteurs français à tourner dans une langue étrangère. Il apparaît même que des films mobilisant de très importants budgets, et par là même tenus de réaliser des recettes sur des territoires étrangers pour équilibrer leur dépenses, sont tournés en langue française ainsi " Astérix et Obélix mission Cléopâtre " et " Le pacte des loups ", films dont le budget égale ou dépasse 200 millions de francs. Pour 2001, sur 5 films dont le budget dépasse 100 millions de francs, un seul est tourné en langue anglaise : " Le Vicaire ", réalisé par Costa Gavras.

- page 3392

Page mise à jour le