Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 08/03/2001

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interview d'un magistrat, président du syndicat indépendant des magistrats, parue à la page 10 du quotidien Le Figaro du 19 février 2001 et au cours de laquelle ce dernier explique qu'il faut rétablir la détention provisoire pour les jeunes de treize-seize ans " qui commettent des agressions physiques graves ". Il souhaiterait connaître son opinion à l'égard de cette suggestion et savoir si le Gouvernement est favorable à sa mise en oeuvre.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 23/08/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la délinquance juvénile est au coeur des préoccupations des pouvoirs publics, et en particulier de l'autorité judiciaire. Le rétablissement de la détention provisoire pour les jeunes de treize à seize ans qui commettent des agressions physiques graves, préconisé par Monsieur Fenech, président du syndicat indépendant des magistrats n'apparaît pas opportun. En effet, il convient de souligner que la détention provisoire est déjà possible à l'égard des mineurs âgés de treize à seize ans en matière criminelle, c'est-à-dire lorsque ces derniers sont présumés avoir commis des infractions graves, telles que, notamment, un meurtre, un viol, des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. L'introduction de la possibilité de placer en détention provisoire, en toute matière, les mineurs de moins de seize ans placerait la France en contradiction avec ses engagements internationaux, puisque, à titre d'exemple, la recommandation R/87/20 du comité des ministres des Etats membres du Conseil de l'Europe sur les réactions sociale à la délinquance juvénile préconise " d'exclure le recours à la détention provisoire pour les mineurs, sauf de façon exceptionnelle pour des infractions très graves commises par les mineurs les plus âgés ". Elle constituerait en outre une régression et un retour sur le régime institué par la loi du 30 décembre 1987 qui pourraient être sanctionnés par le Conseil constitutionnel sur la base de la décision du 11 août 1993 selon laquelle une loi ne peut avoir pour effet d'entraîner un abaissement du niveau de protection des droits et des libertés des personnes. Les césures actuellement opérées par le droit pénal des mineurs ont un sens au regard de la maturation des enfants et des adolescents concernés. Ces derniers peuvent, dès la phase d'instruction et quel que soit leur âge, faire l'objet d'une mesure de placement ayant éventuellement pour objectif de les éloigner de leur quartier, et ce conformément aux dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945, dont la pertinence a été à plusieurs reprises réaffirmée ces dernières années. De plus, il paraît contradictoire de vouloir réintroduire la détention provisoire à l'égard des mineurs les plus jeunes alors que cette mesure est de plus en plus encadrée à l'égard des adultes au nom de la présomption d'innocence. Enfin, le recours à la détention provisoire, et plus généralement à l'emprisonnement, n'a pas démontré son impact en termes de prévention de la récidive.

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