Question de M. LAGAUCHE Serge (Val-de-Marne - SOC) publiée le 23/08/2001

M. Serge Lagauche attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les inquiétudes exprimées par les salariés du secteur nucléaire au regard du projet TOPCO pour le regroupement de tous les segments de la filière nucléaire française, qui a entraîné la mise en place de plans sociaux. Conjointement, ils se font l'écho d'un abandon éventuel du retraitement-recyclage des combustibles irradiés, menaçant par là même la pérennité des emplois dans cette filière. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre pour la sauvegarde des emplois de ces personnels.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 13/12/2001

La sécurité d'approvisionnement constitue un des fondements de la politique énergétique française et il est donc indispensable, pour atteindre cet objectif, de diversifier nos sources d'approvisionnement. A cet effet, l'énergie nucléaire a l'avantage de présenter des coûts qui ne dépendent que très faiblement du prix des matières premières, contrairement aux énergies fossiles, et qui sont disponibles dans plusieurs pays stables dans le monde. Cette option reste donc particulièrement intéressante pour l'avenir et il convient de la conserver ouverte, au même titre que les autres énergies. Cette optique de long terme ne doit pas pour autant faire oublier que les perpectives des marchés du nucléaire ont considérablement évolué ces dernières années. La fourniture de centrales, essentiellement tournée jusqu'à présent vers le marché national, trouve de nouveaux relais de croissance à l'export. De plus, la maintenance du parc électronucléaire reste un marché captif sur le long terme, même s'il est soumis à des contraintes commerciales très fortes de la part des producteurs d'électricité. Cet environnement, plus international et plus compétitif, implique une évolution en profondeur de la filière nucléaire française, qui doit regrouper ses forces, valoriser ses domaines de compétence et rechercher des alliances internationales. C'est dans cette optique que le Gouvernement a encouragé un rapprochement entre les activités nucléaires de Framatome et de Siemens et décidé de recomposer la filière nucléaire française en regroupant les activités de CEA-Industrie, de la Cogema et de Framatome au sein d'une nouvelle entité baptisée Areva. Ces nouvelles orientations permettront de préparer l'avenir et de maintenir la compétitivité et le savoir-faire de nos entreprises. Le pôle nucléaire d'Areva aura un rôle important à jouer dans ce domaine et devra maintenir ses compétences dans la perspective d'un renouvellement des marchés du nucléaire. Cet objectif constitue une priorité pour le Gouvernement dans l'optique du maintien de l'option nucléaire ouverte, pour l'ensemble de ses composantes. A ce titre, les activités de retraitement-recyclage des combustibles irradiés, qui constituent une part importante du chiffre d'affaires du pôle nucléaire, ne seront pas abandonnées. Elles présentent en effet de multiples intérêts. Du point de vue énergétique d'abord, elles permettent de tirer parti aussi bien de l'énergie utilisée dans l'uranium de retraitement que de celle contenue dans le plutonium. Cette préoccupation n'est plus prépondérante aujourd'hui compte tenu de l'abondance de l'uranium naturel, mais elle n'est pas à négliger sur le long terme. II n'en demeure pas moins que le plutonium séparé grâce au retraitement de la majeure partie du combustible usé d'EDF (850 tonnes sur 1 100 tonnes déchargées chaque année) représente une valeur énergétique équivalente à 24 millions de tonnes équivalent pétrole (MTEP) par an alors que la production annuelle d'EDF est d'environ 90 MTEP. Du point de vue environnemental ensuite, elles permettent de diminuer la quantité d'uranium naturel nécessaire. Cela est d'autant plus appréciable que l'essentiel de la dose reçue par les travailleurs de l'industrie nucléaire (qui est par ailleurs inférieure aux recommandations) provient actuellement des réacteurs et de l'amont du cycle, en particulier de la mine. Le retraitement-recyclage permet d'isoler les différents éléments composant le combustible usé et de gérer de façon appropriée chacun de ceux-ci. II réduit l'inventaire radiologique des déchets ultimes, ce qui présente des avantages certains dans la recherche de solutions d'élimination à long terme. Du point de vue économique enfin, le rapport de MM. Charpin, Dessus et Pellat sur les coûts de la filière nucléaire, commandé par le Premier ministre et paru en juillet 2000, montre que, dans les conditions actuelles de prix bas des ressources en uranium, la poursuite du retraitement-recyclage du combustible est légèrement plus coûteuse qu'un stockage direct du combustible, option non validée à ce jour. Pour autant, ce rapport ne prend pas en compte le risque d'une crise avec la Russie sur le marché des matières nucléaires ou l'augmentation prolongée du prix de l'enrichissement, telle que la connaissent actuellement les États-Unis. II ne chiffre pas non plus les avantages environnementaux procurés par cette stratégie : réduction des quantités de combustible à entreposer, façon sûre de gérer le combustible usé par la vitrification des produits non valorisables, réduction de la toxicité des matières qui pourraient être stockées en profondeur par une réduction des stocks de plutonium contenu dans les combustibles usés. Dans ces conditions, les activités de retraitement-recyclage participent pleinement aux objectifs définis dans le cadre de la politique énergétique française, dans la mesure où elles réduisent notre facture énergétique ainsi que notre dépendance par rapport à l'étranger, tout en diminuant l'impact radiologique et volumique des déchets. II est donc important de conserver et d'améliorer les différents outils qui composent ce secteur, comme le site de La Hague ou l'usine Melox, afin de maintenir ouverte la possibilité d'une politique industrielle de séparation-transmutation. Dans cette optique, la volonté des pouvoirs publics de moderniser le cadre de fonctionnement des installations de La Hague permettra de renforcer l'assise de ce secteur. En parallèle, la Cogema devra maintenir son avance technologique pour la fabrication du Mox en optimisant ses capacités de production sur le site de Melox, à Marcoule. Les pouvoirs publics travaillent actuellement sur l'évolution des réglementations sur ces différents sites, sachant que la complexité des problèmes posés nécessite une réflexion approfondie. Il est donc primordial de soutenir le retraitement-recyclage qui constitue une activité de très haute technologie pour laquelle la France a su se hisser à une position de leader mondial. Elle correspond à une réalité économique incontestable, que le récent accord commercial signé entre EDF et la Cogema ne fait que confirmer.

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