Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 11/10/2001

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les problèmes auxquels doivent faire face les instituts universitaires de formation des maîtres en cette rentrée 2001, et notamment l'IUFM de Créteil. En effet, le manque de moyens matériels et humains se fait particulièrement sentir en cette rentrée scolaire, à un moment où le nombre d'enseignants stagiaires est en augmentation et où celui des candidats aux concours d'enseignement devrait également être en hausse, étant donné les besoins importants de renouvellement des personnels, avec l'évolution du nombre de départs à la retraite dans les prochaines années. C'est d'ailleurs dans cette perspective et avec juste raison qu'une campagne médiatique de recrutement de nouveaux enseignants et une réforme de la formation dans les IUFM ont été lancées. Or il se trouve que le nombre de candidats au métier d'enseignant est actuellement en baisse de 30 % par rapport à l'année dernière, que les besoins en postes d'enseignant titulaire sont partout très importants et que l'exigence d'une formation, d'un suivi et d'un encadrement de qualité n'a jamais été aussi forte, aussi bien pour les formés que pour les formateurs. Aussi, elle l'interpelle sur les moyens financiers et humains supplémentaires qu'il compte engager pour remédier à cette situation. Elle pense qu'il est indispensable, dans les plus brefs délais, d'instaurer une bourse d'études - IPES - pour aider les étudiants les plus motivés et qui n'en ont pas pour autant les moyens financiers.

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Réponse du ministère : Famille publiée le 24/10/2001

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2001

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, permettez-moi de vous féliciter à l'occasion de votre nomination à ce poste.
Madame la ministre, il y a tout juste dix ans, étaient créés les instituts universitaire de formation des maîtres. Avec l'ensemble de la communauté éducative, je peux témoigner, pour m'être impliquée comme parlementaire dans l'élaboration de la loi d'orientation de 1989 et comme actrice « sur le terrain » avec la création de l'IUFM de Bonneuil, dans le Val-de-Marne, des progrès importants que cette réforme a générés pour la formation des enseignants des premier et deuxième degrés.
Aujourd'hui, des adaptations et des transformations sont indispensables au regard des besoins nouveaux et très importants de recrutement et en termes qualitatifs dans la préparation à un métier délicat soumis à des changements, à des attentes, à des environnements en mutation incessante.
Dans le temps de parole qui m'est impartie, je dois me limiter à vous interroger sur deux points, madame la ministre : l'urgence de réactiver les prérecrutements et les incitations pour y parvenir, ainsi que la situation du site de l'IUFM de Créteil à Bonneuil-sur-Marne, dont les locaux ne sont pas achevés et qui manque de moyens humains.
En raison des départs en retraite, la moitié du corps enseignant devra être renouvelé dans les dix ans à venir. En effet, 165 000 postes seront inscrits aux concours des cinq prochaines années.
En décidant un plan pluriannuel de recrutement, comme nous l'avions inscrit dans la loi d'orientation de 1989, le Gouvernement garantit, enfin, une programmation intéressante, même si des inquiétudes subsistent quant au nombre de postes ouverts au concours.
Sans vouloir faire preuve d'un pessimisme particulier - mais l'angélisme ne me paraît pas non plus être de mise tant les situations sont inégales et évolutives ! - « le spectre d'une crise des vocations », selon la formule appuyée d'un journal du soir, pourrait cependant compromettre la réalisation du programme pluriannuel.
Les dispositions que M. le ministre de l'éducation nationale a annoncées, notamment sur la formation et les calendriers des concours, sur l'accompagnement des stagiaires et la réforme des IUFM, sont porteuses d'améliorations. Mais, n'y a-t-il pas lieu, madame la ministre, pour stimuler de manière significative et dans la durée, les vocations, de rétablir les prérecrutements, en prévoyant une allocation, à l'instar de ce qui se passait dans les anciens instituts de préparation aux enseignements de second degré ? Une telle mesure, que je suggère vivement et que j'avais déjà évoquée à l'occasion de la discussion du budget pour 2000, permettrait à la fois d'assurer un vivier suffisant de nouveaux enseignants et de diversifier, plus et mieux, les origines et les profils de ceux-ci, ce qui, à terme, aurait des conséquences positives sur l'ensemble du système éducatif.
Concernant l'IUFM de l'académie de Créteil, qui s'est installé dans l'ancienne école normale, la question des locaux est cruciale, car ils sont inadaptés. Or il faudra accueillir un nombre croissant de stagiaires du fait des besoins nouveaux de cette académie.
C'est le cas pour la formation des professeurs des écoles, dont certains d'entre eux devraient être hébergés à Saint-Maur, ce qui serait une solution de fortune.
Quant aux professeurs du secondaire, ils ne disposent toujours pas d'un site spécifique. L'éparpillement et la dispersion sont la règle depuis le début.
Il faut achever les locaux nécessaires pour cet IUFM. Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir me faire part des engagements du ministre de l'éducation nationale s'agissant de cet établissement.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Vous avez évoqué, madame la sénatrice, un manque de moyens dans les IUFM. M. Jack Lang me prie de vous préciser que, dès cette année, il a demandé aux recteurs de mettre à la disposition des IUFM quatre-vingt-deux postes de professeur des écoles et une centaine de postes de professeur du second degré. A la rentrée 2002, cent postes supplémentaires seront affectés aux IUFM. Parallèlement, une réflexion est menée sur le système actuel des allocations d'études : une enquête sera réalisée pour mesurer l'efficacité d'un tel dispositif.
Par ailleurs, que le nombre des candidats aux concours de recrutement soit un peu moins élevé ne signifie pas pour autant qu'il y ait une crise de recrutement. Le nombre d'inscrits aux concours par poste à pourvoir a très légèrement baissé, mais tous les postes du premier degré et du second degré sont pourvus, alors qu'il n'y avait que 89 % de postes pourvus les années précédentes.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le nombre de candidats aux concours reste encore important, puisqu'il est, dans certaines disciplines, de dix inscrits pour un poste. Cette proportion constitue sans doute un gage de qualité, mais elle est coûteuse sur le plan humain, car neuf candidats sur dix voulant devenir enseignants sont « recalés ».
Compte tenu de l'augmentation des besoins dans les années à venir, on peut considérer que l'on se dirige vers une situation où l'on compte de quatre à cinq candidats par poste, toutes disciplines confondues, ce qui est tout à fait convenable. Pour les académies déficitaires en candidatures pour les concours de professeur des écoles, M. le ministre de l'éducation nationale a souhaité que l'on organise désormais les concours à des dates différentes, afin de donner plus de chances aux étudiants qui veulent vraiment devenir enseignants. Ainsi, par exemple, les candidats de Grenoble ou de Bordeaux pourront se présenter dans l'académie de Créteil.
On dit souvent que le métier d'enseignant est de moins en moins attractif. Or les enquêtes prouvent au contraire qu'il y a toujours autant de jeunes souhaitant devenir enseignants. En outre, une enquête récente montre que, au bout d'un an, 80 % des enseignants expriment leur satisfaction d'avoir choisi ce métier.
La réforme des IUFM qui a été entreprise est d'ailleurs destinée à rendre le métier d'enseignant plus attractif, grâce à une rénovation de leur formation et au dispositif d'accompagnement des nouveaux professeurs, qui bénéficient de temps de formation complémentaire. Ces derniers se trouvent ainsi mieux accompagnés dès leurs premiers contacts avec une classe. Dès cette année, ce dispositif est expérimenté dans les académies de Créteil et de Versailles : il sera étendu progressivement à toutes les académies. Vous savez également, madame la sénatrice, que dans les zones d'éducation prioritaires un nouveau dispositif permet à des équipes structurées de demander une affectation collective dans un même établissement scolaire.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole et à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je voudrais réagir brièvement à vos propos, madame la ministre.
Je vous remercie de votre réponse, mais je constate que vous ne dites rien sur les problèmes de l'agrandissement de l'IUFM de Créteil. Je pense que nous saisirons à nouveau le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet.
Vous me confirmez un certain nombre d'engagements pris en faveur des IUFM en vue de palier d'éventuels déséquilibres entre l'offre de recrutement dans les années à venir et l'afflux nécessaire de candidats.
Je partage pleinement votre préoccupation de maintenir une qualité affirmée dans le recrutement et la nécessité de toujours mieux préparer les futurs enseignants à leur mission, dans des conditions qui peuvent parfois être périlleuses ; la région parisienne en est hélas ! trop souvent l'illustration.
Je ne veux pas, moi non plus, céder au catastrophisme. C'est pourquoi j'ai à coeur que soit relevé ce défi du renouvellement et de la formation des enseignants. Il y a des foyers d'incertitude et d'inquiétude ; il y a des secteurs où, manifestement, il faudra faire preuve de volontarisme et prendre des mesures encore plus spécifiques.
C'est pourquoi je réitère fortement ma proposition d'étudier la mise en oeuvre d'une politique de prérecrutement, avec le rétablissement de bourses ou d'allocations destinées aux étudiants motivés, j'y insiste, et ayant besoin de soutien financier. Mais nous pourrons en rediscuter lors de l'examen du projet budget pour 2002.
Quant à l'IUFM de Créteil et à la nécessité de parachever ses implantations, je demande à M. le ministre de l'éducation nationale d'engager avec tous les intéressés une concertation permettant de définir les solutions et de les programmer dans le temps.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je transmettrai, bien sûr, votre réponse au ministre de l'éducation nationale. Mais je dois dire, à titre personnel, que l'idée de présélection des élèves pour soutenir leur engagement dans le métier d'enseignant est tout à fait excellente.
D'ailleurs, lorsque j'étais ministre en charge de l'enseignement scolaire, j'ai créé, vous le savez, des bourses du mérite pour les bons élèves en classe de troisième...
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... afin de leur permettre ensuite d'accéder à un encadrement éducatif, à des internats et de se projeter dans ce métier d'enseignant.
Mme Hélène Luc. Cela se pratique d'ailleurs dans l'enseignement professionnel !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Tout à fait ! En effet, ces élèves n'ont pas forcément nourri cette ambition ou n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui pouvaient les projeter vers ce métier d'enseignant. Je pense qu'il y a là un blocage psychologique à surmonter pour que d'excellents élèves, issus, de surcroît, de familles modestes, puissent s'orienter vers ce métier d'enseignant et bénéficier de dispositifs d'accompagnement et de présélection dès la sortie du collège.

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