Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - RPR) publiée le 25/10/2001

M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la nécessité de donner à l'artisanat et à la petite entreprise un cadre législatif mieux adapté à ses particularités. Les professionnels ont fait un certain nombre de propositions visant notamment à moderniser la petite entreprise en adaptant les règles qui lui sont applicables, autour de dix points : assurer la neutralité entre l'entreprise individuelle et la société, donner une définition légale de l'entreprise individuelle, distinguer le patrimoine affecté à l'activité de l'entreprise du patrimoine personnel de l'entrepreneur, permettre aux entrepreneurs individuels d'opter pour l'impôt sur les sociétés, réformer l'assiette des cotisations sociales des travailleurs non salariés non agricoles, instaurer une déduction fiscale pour investissement, garantir à l'entrepreneur individuel un " reste à vivre ", augmenter la valeur du bien de famille insaisissable, aménagement le régime des baux commerciaux, reconnaître la spécificité de l'entreprise saisonnière, adapter les règles fiscales et juridiques applicables à l'entreprise saisonnière. En conséquence, il lui demande quelles suites il entend donner à ces propositions.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 18/04/2002

L'ensemble des mesures proposées converge vers la neutralisation des différences de traitement fiscal, social et juridique qui existent entre les entreprises individuelles et les sociétés en s'appuyant, d'une part, sur l'institution d'une définition légale de l'entreprise individuelle et, d'autre part, sur la création d'un patrimoine d'affectation. Ces différences de traitement ne sont que la conséquence de la forme juridique adoptée par l'entrepreneur pour l'exercice de ses activités. A cet égard, l'entrepreneur individuel qui souhaite bénéficier des avantages liés à l'exercice de son activité sous la forme d'une société peut, sans formalisme excessif, créer une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). Il peut alors choisir, d'une part, d'affecter une partie de son patrimoine à cette société et ainsi limiter sa responsabilité à cet apport et, d'autre part, opter pour l'impôt sur les sociétés. En outre, en cas d'exercice de cette option, les salaires du dirigeant sont déductibles du résultat de la société et les cotisations sociales sont dues sur la base de ces mêmes rémunérations. Le Gouvernement a pris en ce sens des mesures nouvelles destinées à faciliter la constitution de sociétés par les entrepreneurs individuels. Ainsi, il est possible de créer une société par actions simplifiée (SAS), même unipersonnelle. Par ailleurs, la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420) permet désormais une libération échelonnée du capital social des sociétés à responsabilité limitée (SARL) qui peuvent aussi bénéficier d'apports en industrie. Les structures juridiques permettant à l'entrepreneur de bénéficier de la protection et du régime fiscal que confère la forme sociétaire existent donc. Dès lors, les mesures envisagées par l'auteur de la question, telles que la création d'un patrimoine d'affectation, l'instauration d'une déduction fiscale pour investissement ou la possibilité pour l'entrepreneur individuel d'opter pour l'impôt sur les sociétés seraient facteur d'incohérence et d'instabilité juridiques et fiscales. L'objectif poursuivi au travers de ces propositions, qui semble être celui de réduire l'assiette de l'impôt et des cotisations sociales, n'est pas recevable. En effet, l'imposition des bénéfices à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, loin de constituer une discrimination, ne fait que tirer la conséquence du fait que ces bénéfices constituent bien, quel que soit l'emploi qui leur est donné, la rémunération du travail de l'entrepreneur individuel et traduisent l'enrichissement du contribuable. Ainsi, le cumul entre la création d'une déduction pour investissement et l'ouverture d'une option pour l'impôt sur les sociétés aboutirait en définitive à n'imposer que le seul bénéfice non réinvesti, ce qui ne serait ni équitable vis-à-vis de l'ensemble des contribuables qui supportent l'impôt sur tous les revenus qu'ils perçoivent, même sur la fraction de ceux-ci qui est aussitôt employée, ni neutre par rapport au régime fiscal applicable aux sociétés de capitaux. Le bénéfice de celles-ci est en effet imposé en totalité, qu'il soit prélevé sous forme de dividende ou réinvesti dans l'entreprise et le salaire du dirigeant, s'il est déductible du résultat de la société, est imposé entre les mains de la personne qui le perçoit. Il convient enfin d'observer que les entrepreneurs individuels bénéficieront pleinement de la réduction progressive sur trois ans des différents taux du barème de l'impôt sur le revenu qui a été amorcée au titre des revenus de l'année 2000. Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement les règles fiscales applicables aux entreprises saisonnières, le relèvement du seuil d'application du régime des micro-entreprises a permis de répondre à l'une des préoccupations principales de ces entreprises qui est l'allégement de leurs obligations déclaratives. Par ailleurs, le ministère de la justice a participé en collaboration avec le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, à l'élaboration de plusieurs dispositions du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat. Ce projet vise à donner un statut moderne aux femmes et aux hommes des petites entreprises et à améliorer l'environnement dans lequel s'exerce l'activité de celles-ci, en adaptant, quand cela est nécessaire, la réglementation à la situation particulière des petites entreprises, en simplifiant les démarches et en facilitant l'accès à la réglementation. Ce projet de loi a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Il a par ailleurs été opté, dans un certain nombre de cas, pour le maintien du droit existant. Ainsi, le recours à la société par transformation de l'entreprise individuelle a été préféré, après examen approfondi, à l'instauration d'une dérogation à l'unicité du patrimoine. Un patrimoine d'affectation qui répond, au demeurant, à des mécanismes plus complexes que la création d'une société, ainsi que son fonctionnement, se révèle en outre une réelle menace pour la sécurité des tiers et notamment des entrepreneurs créanciers. De même, une modification autre que la clarification du régime des baux commerciaux introduite par l'article 26 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier est apparue prématurée et susceptible de porter atteinte à l'équilibre délicat et nécessaire entre bailleurs et locataires. Il n'a pas été souhaité, enfin, que l'on définisse la notion d'entreprise individuelle dans la loi, compte tenu tout à la fois de la complexité de l'exercice et des difficultés d'interprétation qui en résulteraient, les nombreux textes comprenant cette notion pouvant selon les cas être restreints, étendus ou à portée modifiée du fait de cette définition.

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