Question de M. GAILLARD Yann (Aube - RPR) publiée le 11/07/2002

M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le développement des librairies électroniques sur Internet. Si les sites français sont tenus de respecter la loi n° 81-766 du 10 août 1981 instaurant la fixation du prix du livre par l'éditeur et imposant à tous les détaillants de ne pas dépasser une remise de 5 %, certains sites européens proposent des rabais pouvant aller de 10 à 25 % (la Belgique, la Grande-Bretagne entre autres). Par leur intermédiaire, nos concitoyens peuvent donc acquérir des livres français à moindre coût. La généralisation d'une telle pratique pourrait avoir de lourdes conséquences sur la pérennité des petites librairies indépendantes françaises. Ces dernières ne sont pas parées pour lutter contre une concurrence pour le moins déloyale. Une uniformisation sinon mondiale, du moins européenne de la législation qui régit le prix du livre est nécessaire et urgente. Il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de préserver le marché du livre français et, indirectement, la création littéraire nationale.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 03/10/2002

Actuellement, 10 des 15 Etats membres de l'Union européenne appliquent des systèmes de prix fixe du livre. Ceux-ci peuvent être d'origine législative (France, Espagne, Portugal, Grèce, Italie et Autriche) ou conclus sous forme d'accords interprofessionnels (Pays-Bas, Danemark, Luxembourg, Allemagne). Des projets de loi sont par ailleurs en discussion en Belgique et en Allemagne. Ces pays considèrent que le prix fixe du livre, en évitant une concurrence sauvage sur la vente de " best-sellers " au détriment des autres titres, est le garant du maintien d'une production diversifiée et de qualité et d'un réseau de librairies à travers le territoire. Plusieurs de ces Etats membres ont, au-delà de leur frontière nationale, une langue en commun. A l'exception de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, ils considèrent, à ce titre, que le marché naturel du livre ne se restreint pas aux frontières nationales et souhaiteraient que des accords bipartites ou tripartites puissent être conclus au sein des ces zones linguistiques communes. Cette demande suscite des difficultés au regard du droit communautaire, ces accords étant considérés comme des ententes sur les prix et jugés, comme tels, incompatibles avec les règles relatives à la concurrence et à la libre circulation. Les décisions de la Commission européenne, notamment l'interdiction de l'accord transfrontalier austro-allemand sur le prix du livre, aboutissent à restreindre l'application de ce mode de régulation aux seules frontières nationales. Or, la dimension naturelle du marché du livre correspond aux bassins linguistiques. L'impossibilité d'appliquer les mêmes règles au sein de ces bassins linguistiques risque de susciter de graves déséquilibres. De surcroît, le commerce électronique, dont le développement est toutefois beaucoup plus limité que ce qui était envisagé il y a quelques années, peut favoriser les contournements des réglementations nationales par le biais de sites vendant, à partir de pays où de telles réglementations ne sont pas en vigueur, des livres avec des rabais prohibés. Les positions adoptées par la Commission européenne pourraient ainsi, à terme, provoquer une désorganisation des marchés du livre en Europe. Cette situation pourrait elle-même entraîner une dérégulation des marchés du livre qui menacerait directement les régimes de prix unique existants. L'instauration d'un système de régulation du prix du livre commun à l'ensemble des pays de l'Union est cependant repoussée par une large majorité d'Etats membres. Ceux-ci soulignent la grande diversité des politiques de soutien au livre et revendiquent que celles-ci demeurent de leur compétence, au titre de la subsidiarité. L'uniformisation du prix fixe sur l'ensemble de l'Union paraît par conséquent peu envisageable. Pour autant, les difficultés à appliquer le prix fixe aux importations comme les contournements favorisés par le commerce électronique transnational représentent des obstacles à la bonne application des systèmes de prix unique du livre. Cette situation nécessite donc que des dispositions soient prises au niveau de l'Union européenne, et non plus à l'échelon strictement national, pour garantir et renforcer l'application effective des systèmes nationaux de prix fixe. Tel a été l'objectif de la Présidence française qui, après avoir organisé un vaste débat européen sur les évolutions de l'économie du livre en Europe (colloque de Strasbourg des 29 et 30 septembre 2000), a fait adopter une résolution sur " l'application des systèmes nationaux de prix du livre " par les Ministres européens de la culture, lors de leur réunion du 23 novembre. Les avancées représentées par cette résolution sont significatives : la possibilité d'appliquer le prix fixe du livre, au niveau national, est nettement affirmée, la nécessité de prendre en compte la dimension transnationale des marchés du livre et les contournements engendrés par le commerce électronique est introduite et la Commission européenne est invitée à tenir compte de ce contexte spécifique lorsqu'elle est amenée à prendre position sur la conformité d'un système de prix fixe à l'égard du droit communautaire. Cette initiative française a trouvé un prolongement dans le rapport d'initiative parlementaire que le Parlement européen a voté au mois de mai et dont les principes rejoignent ceux défendus par notre pays.

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