Question de M. PEYRAT Jacques (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 25/07/2002

M. Jacques Peyrat souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétude et l'impatience des familles d'enfants atteints de la maladie de Creutzfeldt-Jakob face au déroulement de l'instruction judiciaire qui a débuté voilà 10 ans. En effet, en France, 1 698 enfants ont été traités avec des hormones d'origine humaine, et ce jusqu'en 1988. Aux Etats-Unis dès 1985, ces hormones ont été remplacées par des hormones synthétiques pour prévenir des risques potentiels pouvant être encourus par les personnes bénéficiant de ce type de traitement. Ayant été plus longue dans la substitution de ces deux hormones, la France a été le pays le plus touché par cette terrible affection. Aujourd'hui 80 enfants sont décédés de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, et chaque année une dizaine de nouveaux cas se déclenchent, sans compter les milliers d'enfants qui vivent dans l'angoisse et la crainte que les premiers symptômes n'apparaissent un jour. L'instruction qui a débuté en 1991 a abouti à la mise en examen pour empoisonnement ou homicide involontaire de hauts responsables des hôpitaux, de la pharmacie centrale et de l'Institut Pasteur. Aujourd'hui, les familles des victimes s'inquiètent des incidences de la loi sur la présomption d'innocence et de la loi relative aux délits non intentionnels craignant que celles-ci n'affectent la procédure. Elles sont révoltées de voir que certains des prévenus aient pu demander l'annulation de la procédure. Il souhaite donc lui relayer la colère et la souffrance de ces familles qui demandent que toutes les personnes respnosables de ce terrible drame de santé publique soient enfin jugées.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/11/2002

Le garde des sceaux, ministre de la justice entend apporter à l'honorable parlementaire les éléments de réponse suivants. La contamination d'enfants, au cours des années 1980, par la maladie de Creutzfeld-Jacob suite aux traitements qui leur ont été administrés par injection d'hormones de croissance extractives, constitue à la fois un drame humain pour de nombreuses familles et l'un des dossiers majeurs de santé publique dont la justice ait eu à connaître ces dernières années. Il convient de rappeler que ce dossier d'information judiciaire, ouvert au tribunal de grande instance de Paris le 24 décembre 1991 revêt une dimension nationale et concerne, depuis 1997, l'ensemble des victimes répertoriées par le centre de référence de la maladie. Cette procédure présente un caractère exceptionnel à plusieurs égards. Tout d'abord par l'ampleur des mesures d'instruction ordonnées par le magistrat saisi, destinées à déterminer pour chacune des victimes l'origine précise de la contamination par la maladie de Creutzfeld-Jacob, son lien de causalité avec le traitement hormonal reçu, la nature et la provenance de l'hormone en cause et à en évaluer les conséquences. Ensuite, par la complexité intrinsèque du dossier, qui suppose de nombreux actes d'enquête et d'expertise afin de rechercher des responsabilités éventuelles aux divers stades du processus, depuis le prélèvement d'hypophyses, en France et à l'étranger, jusqu'à la distribution et à la prescription des hormones. C'est ainsi qu'à ce jour plusieurs personnes, à différents niveaux, ont été mises en examen sous les qualifications de blessures ou homicides involontaires, voire même d'empoisonnement pour certains faits. La particularité de ce dossier tient également aux développements procéduraux auxquels a conduit la procédure initiale, notamment au volet financier et au volet se rapportant à la disparition de certains éléments de preuve. En outre, ce dossier a déjà donné lieu à des débats juridiques et permis, le 17 septembre dernier, à la chambre de l'instruction de Paris de se prononcer sur des requêtes en nullité formulées par les parties et notamment de procéder à l'annulation partielle d'une mise en examen. En conséquence, la durée de ce dossier doit être appréciée au regard de ces différents facteurs, étant précisé qu'un second juge d'instruction est désormais adjoint au magistrat instructeur initial. Enfin, le garde des sceaux tient à faire connaître l'intérêt qu'il porte à la mise en place effective des juridictions spécialisées en matière sanitaire, appelées " pôles de santé publique ", qui ont été créées par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. En particulier, les magistrats des deux juridictions désignées comme pôles de compétence, Paris et Marseille, seront prochainement secondés d'assistants spécialisés, fonctionnaires issus des ministères chargés de la santé et de l'agriculture. En effet, il paraît essentiel que la justice pénale, saisie de dossiers complexes relatifs à la sécurité sanitaire ou à la sécurité alimentaire, soit enfin dotée des moyens humains, matériels et techniques pour mener à bien ces procédures.

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