Question de M. COQUELLE Yves (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 10/10/2002

M. Yves Coquelle rappelle à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité que, dans le Pas-de-Calais, département massivement touché par la crise économique, le taux de chômage, dans de nombreuses communes de l'ex-bassin minier, dépasse 25 % de la population active. Il souligne que depuis quelques mois le paysage s'assombrit un peu plus avec des annonces en cascade de fermetures d'usines : Sollac-Biache : plus de 400 emplois supprimés ; la cockerie de Drocourt : 450 suppressions d'emplois directes, sans compter les très nombreux emplois induits ; Metaleurop : plus de 500 suppressions en attendant une inéluctable liquidation qui privera d'emploi plus de 1 000 personnes ; Alcatel : à Douvrin : moins 450 emplois ; Samsonite à Hénin-Beaumont près de 200 postes. A ces suppressions d'emplois s'ajoutent de très nombreuses fermetures de sites effectives ou envisagées à très court terme, Inergy à Grenay, l'entreprise Mossley, Testut à Béthune, Lu à Calais, Solectron à Longuenesse. Cette liste est malheureusement bien loin d'être exhaustive, la situation est d'autant plus inquiétante qu'aucune création d'emploi sérieuse et durable n'est envisagée dans le secteur, or seule la création de très nombreux emplois pourra être une amorce de solution aux difficultés socio-économiques que rencontre ce département. Les ouvriers, les salariés, face à cette situation dramatique, se battent pour préserver leur outil de travail. Il est concevable et compréhensible que, parfois, poussés par l'énergie du désespoir, leurs luttes soient fortes et déterminées. Or de très nombreux délégués syndicaux sont actuellement en procédure de licenciement pour fautes lourdes pour avoir défendu leur emploi et celui de leurs camarades. Il lui rappelle que, à défaut de faire respecter le fondamental principe du droit au travail, il doit faire respecter la simple, mais toute aussi fondamentale, liberté syndicale aujourd'hui menacée. Il est du devoir du Gouvernement qui se réfère souvent à la France " d'en bas " de montrer dans ses actes et son action que ses propos correspondent à sa politique. Il est de son devoir de ne pas encourager la politique antisociale du patronat. Il lui demande quelles sont les mesures concrètes qu'il va prendre pour que cessent ces attaques contre les libertés syndicales.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes âgées publiée le 06/11/2002

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2002

M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis la rentrée, se succèdent des vagues de licenciements dans des centaines d'entreprises et, plus grave encore, des fermetures d'entreprises.
Le département du Pas-de-Calais, massivement touché par la crise économique, n'échappe pas à la règle. En effet, dans de nombreuses communes de l'ex-bassin minier, le taux de chômage dépasse 25 % de la population active.
Depuis quelques mois, des annonces en cascade de fermetures d'entreprises assombrissent encore un peu plus le paysage : Sollac-Biache, plus de 400 emplois supprimés ; la cokerie de Drocourt, 450 suppressions d'emplois directs, sans compter les très nombreux emplois induits ; Metaleurop, plus de 500 suppressions d'emplois, en attendant une inéluctable liquidation qui privera d'emploi plus de 1 000 personnes ; Alcatel à Douvrin, 450 suppressions d'emplois ; Samsonite à Hénin-Beaumont, 200 suppressions d'emplois.
A ces suppressions d'emplois s'ajoutent de très nombreuses fermetures de sites effectives ou envisagées à très court terme : Inergy à Grenay, l'entreprise Mossley, Testut à Béthune, Lu à Calais, Solectron à Longuenesse, sans oublier les lourdes menaces qui pèsent sur la cristallerie d'Arques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette liste est, hélas ! bien loin d'être exhaustive. La situation est d'autant plus inquiétante qu'aucune création d'emplois sérieuse et durable n'est envisagée dans le secteur.
Cette spirale infernale inquiète fortement l'ensemble des élus du département, qui sont déjà préoccupés par le désastreux contexte socio-économique général.
Face à cette situation dramatique, les ouvriers, les salariés luttent et se battent pour préserver leur outil de travail, leur seul moyen de subsistance.
Il est concevable et compréhensible que, parfois, poussés par l'énergie du désespoir, ils mènent des luttes fortes et déterminées.
Or, il se trouve que, dans notre département, depuis quelques mois, en accompagnement des licenciements, nous assistons à une attaque en règle contre les libertés syndicales.
De très nombreux délégués syndicaux ou syndicalistes - je ne citerai, ici, que trois exemples : Sollac-Biache, Alcatel à Douvrin et Bertelsmann à Noyelles-sous-Lens - sont actuellement en procédure de licenciement pour fautes lourdes, alors qu'ils ne font que défendre leur outil de travail et l'emploi de leurs camarades.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à défaut de faire respecter le principe fondamental du droit au travail, vous devez faire respecter la simple, mais tout aussi fondamentale, liberté syndicale.
Le patronat ne doit pas pouvoir trouver des encouragements à sa politique antisociale dans l'attitude passive du Gouvernement. Il est du devoir du gouvernement Raffarin, qui se réfère souvent à « la France d'en bas », de montrer, dans ses actes et son action, que ses propos correspondent à sa politique.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il prendre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que cessent ces licenciements et ces attaques contre les libertés syndicales ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, le gouvernement Raffarin se réfère effectivement à « la France d'en bas ». Elu du sud de la France, je suis d'ailleurs une parfaite émanation de cette France d'en bas ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Mais de très haute qualité !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Ma formule n'est pas une formule en l'air.
M. Yves Coquelle. Nous ne sommes pas concernés par cette formule ! Le Pas-de-Calais, ce n'est pas « la France d'en haut » !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Nous sommes fiers de représenter la France d'en bas.
M. Nicolas About. C'est une France qui chante !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Les suppressions d'emplois, les fermetures de sites donnent lieu à des actions collectives de protestation des salariés concernés. A cette occasion, des actes considérés, par les employeurs, comme constitutifs de fautes lourdes peuvent conduire à la mise en oeuvre de procédures de licenciement contre des délégués syndicaux.
Le code du travail, dans ce domaine particulièrement sensible, comporte plusieurs dispositions pour protéger l'exercice du droit syndical dans l'entreprise. Il donne aux organisations syndicales la possibilité de saisir le juge en lieu et place d'un salarié qui est victime de discrimination. Il consacre le rôle des inspecteurs du travail en matière de discrimination dans le contrôle lié aux sanctions. Il rend obligatoire l'autorisation préalable au licenciement des représentants du personnel. Ces dispositions visent à garantir l'exercice normal du droit syndical.
Par ailleurs, l'article L. 122-45 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice normal du droit de grève. Il pose ainsi - et nous le comprenons - le principe de la nullité de toute sanction prise à l'égard d'un salarié pour un tel motif, et le principe du droit à réintégration du salarié si son licenciement intervenait en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice normal du droit de grève.
Je rappelle par ailleurs, monsieur le sénateur, que la liberté syndicale et l'exercice du droit de grève doivent se concilier avec les autres droits garantis par la loi. Ils ne peuvent justifier ni les actes de violence sur les personnes ni les détériorations des installations. De tels actes illicites mettent alors en cause la responsabilité de ceux qui les commettent, avec toutes les conséquences judiciaires qui s'y attachent.
Les services du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, notamment les inspecteurs du travail en charge du respect de ces textes, sont particulièrement attentifs à leur bonne application. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne serez pas étonné si je vous dis que je ne suis pas tout à fait satisfait par votre réponse.
Je sais qu'il existe des lois censées protéger les travailleurs, mais je sais aussi, par expérience, parce que je suis un ancien militant syndicaliste, que c'est souvent l'action qui précède la loi, que c'est elle qui fait respecter la classe ouvrière.
Aujourd'hui, dans notre département, dans notre région, le taux de chômage s'aggrave. La situation devient parfois désespérée et les gens n'ont plus que la lutte. Quand on ne peut plus discuter autour d'une table, quand la direction refuse de prendre en compte les aspirations des salariés, il faut bien avoir recours à l'action. C'est ainsi que le progrès a gagné dans notre pays. Les avancées sociales ont été conquises par les travailleurs. Malheureusement elles sont remises en cause aujourd'hui.
C'est pourquoi il faut s'attendre à des actions dans les jours, dans les mois qui viennent. Ainsi, demain, à Lille, aura lieu une manifestation de tous les salariés en lutte pour la défense de leur outil de travail.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne manquerai pas de leur rapporter vos propos.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, mes propos ne visaient pas à condamner l'action. Nous comprenons l'action syndicale, et j'ai bien précisé que nous allions demander aux inspecteurs du travail de protéger les droits des salariés. Nous faisons simplement une distinction entre l'action syndicale et les détériorations.

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