Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 15/11/2002

M. Bernard Piras attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur certaines dispositions de la loi sur l'eau n° 92-3 du 3 janvier 1992, lesquelles, de portée très générale, ne sont pas forcément adaptées à toutes les catégories de rivière. Il en est ainsi de la mesure qui prévoit que les prélèvements dans le lit des rivières, notamment de gravier, sont très limités. Cette règle, qui se justifie sans aucun doute dans certaines hypothèses, est inadaptée à la problématique des rivières de type méditerranéen et torrentiel comme l'Eygue, la Durance, l'Ouvèze... pour les plus connues. Les riverains et ou communes sont tenus de redynamiser les bancs, par le passage d'un scarificateur par exemple. Faute de moyens suffisants, aucun revenu ne pouvant être tiré de ce travail d'entretien, cette redynamisation est de moins en moins réalisée. La mutualisation des moyens sur les rivières nécessitera encore, hélas, de nombreuses années, sans négliger les problèmes inhérents aux rivières constituant les limites administratives de départements, voire de régions. La conséquence directe en est que des îlots se forment et se végétalisent. Cette végétation, plus ou moins dense, située dans le lit de la rivière, constitue à terme des obstacles qui favorisent l'érosion des berges, la divagation de la rivière et donc les risques d'inondation. Par le passé, des entreprises prélevaient ces atterrissements et dévégétalisaient les îlots. Commercialisant ces prélèvements, elles réalisaient l'entretien nécessaire sans que cela grève le budget des collectivités ou syndicats (donc des contribuables) gérant ces rivières. Tout en la soumettant à un contrôle rigoureux des prélèvements, cette solution, si elle était de nouveau autorisée, permettrait de pallier à la situation que nous connaissons actuellement, laquelle est source de risques importants. Une telle évolution serait en outre conforme à l'esprit de la loi sur l'eau. En conséquence il lui demande s'il ne serait pas envisageable d'amender la loi sur l'eau en ce sens.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 15/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2003

M. Bernard Piras. Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur certaines dispositions de la loi sur l'eau, qui, de portée très générale, ne sont pas forcément adaptées à certaines catégories de rivière.
Il en est ainsi de la mesure aux termes de laquelle les prélèvements dans les lits des rivières, notamment de gravier, sont très limités. Cette règle, qui se justifie sans aucun doute dans certaines hypothèses, est inadaptée à la problématique des rivières de type méditerranéen et torrentiel comme l'Eygue, la Durance, l'Ouvèze, pour citer les plus connues.
Les riverains, et ou les communes sont tenus de redynamiser les bancs, par le passage d'un scarificateur, par exemple. Mais, faute de moyens suffisants, aucun revenu ne pouvant être tiré de ce travail d'entretien, cette redynamisation est de moins en moins effectuée.
La mutualisation des moyens sur les rivières nécessitera, hélas ! encore de nombreuses années, sans négliger les problèmes inhérents aux rivières constituant les limites administratives des départements et des régions.
La conséquence directe en est que les îlots se forment et se végétalisent. Cette végétation, plus ou moins dense, située dans le lit de la rivière, constitue à terme des obstacles qui favorisent l'érosion des berges, la divagation de la rivière et donc les risques d'inondation.
Dans le passé, des entreprises prélevaient ces atterrissements et dévégétalisaient ces îlots. Commercialisant ces prélèvements, elles réalisaient l'entretien nécessaire sans que cela grève le budget des collectivités ou des syndicats - donc des contribuables - gérant ces rivières.
Si l'on pouvait, tout en soumettant à un contrôle rigoureux les prélèvements, autoriser de nouveau cette solution, cela permettrait de remédier à la situation que nous connaissons actuellement, qui est source de risques importants. Une telle évolution serait en outre conforme à l'esprit de la loi sur l'eau.
C'est pourquoi je me permets de vous saisir de cette question pour savoir s'il est envisageable d'amender la loi sur l'eau dans ce sens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. A l'occasion de cette première séance de questions orales sans débat de l'année, j'adresse, à mon tour, mes voeux à vous-même, monsieur le président, et à Mmes et MM. les sénateurs, ainsi qu'aux fonctionnaires de la Haute Assemblée.
Monsieur Bernard Piras, j'ai pris connaissance, bien sûr avec intérêt, de votre question relative à l'entretien régulier des cours d'eau dans le souci de prévenir les inondations.
Instruite par mes mandats locaux, l'un de mes premiers chantiers en arrivant au ministère a été, et cela ne vous surprendra pas, la prévention des inondations. L'actualité des crues dramatiques du Gard et des départements limitrophes (M. Bernard Piras s'exclame) démontre l'urgence de légiférer. D'ailleurs, le 3 janvier dernier, le conseil des ministres a adopté un projet de loi relatif aux risques technologiques et naturels.
J'y ai intégré des dispositions, dont un certain nombre reprennent les conclusions de la mission d'enquête parlementaire mise en place en 2001 à la suite des crues de la Somme dont vous vous souvenez. (M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer opine). Je souhaite en particulier que les moyens donnés aux collectivités soient complétés, notamment, par des procédures simplifiées, lorsqu'elles interviennent sur des cours d'eau dont elles n'assurent pas la gestion habituelle, en cas d'urgence pour la sécurité publique.
En ce qui concerne les extractions commerciales dans le lit mineur des cours d'eau, celles-ci, vous en conviendrez, ont été menées de manière excessive dans le passé...
M. Bernard Piras. J'en conviens.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et ont provoqué un approfondissement du lit de nombreux cours d'eau, parfois jusqu'à dix mètres.
Cet approfondissement a souvent entraîné la déstabilisation de ponts, de digues latérales et d'ouvrages en rivière, ainsi qu'une accélération des crues qui peut encore avoir aujourd'hui de graves conséquences à l'aval. Je n'oublie pas, bien sûr, les phénomènes d'érosion rétrograde bien connus chaque fois que l'on approfondit le lit d'une rivière.
En application de la législation sur les installations classées, les extractions commerciales dans le lit mineur des cours d'eau sont interdites depuis l'arrêté du 22 septembre 1994, si elles n'ont pas pour objet l'entretien du lit mineur ou son aménagement. Les curages et dragages d'entretien restent donc possibles en étant soumis, vous l'avez rappelé, à la loi sur l'eau ou à la législation sur les installations classées en fonction de la quantité de matériaux extraits et de leur utilisation.
Pour les cours d'eau de montagne, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de la nature prévoit, dans son article 29, une disposition particulière : une évaluation des excédents de débit solide doit être effectuée, par bassin de rivière, par les services de l'Etat.
Au vu de cette évaluation, le préfet peut accorder, après avis de la commission des carrières, des autorisations d'extraction lorsque est constaté un encombrement du lit de nature à provoquer des inondations. Les modalités d'instruction de ces autorisations ont été précisées par une circulaire du 9 mai 1995 prise par le ministre de l'environnement de l'époque.
En cas d'urgence motivée par la sécurité publique, les responsables de l'entretien des cours d'eau peuvent faire effectuer des dragages d'urgence sans procédure préalable, et notamment sans enquête publique, sous réserve d'en rendre compte ultérieurement à l'autorité administrative.
De même, aucune procédure préalable n'est requise, au titre de la loi sur l'eau, pour les opérations courantes de curage et de dragage des cours d'eau réalisées selon la technique dite « vieux fonds, vieux bords », c'est-à-dire lorsque ces opérations ne modifient pas la géométrie du lit des cours d'eau.
Comme vous le constatez, les textes élaborés en 1994 et 1995 offrent déjà des possibilités d'intervention répondant à vos attentes. Je souhaite que ces possibilités soient simplement utilisées, sans application extensive des textes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse parfaitement claire.
M. Bernard Piras. Il faut porter les possibilités offertes par les textes à la connaissance des collectivités locales et des syndicats de façon qu'ils puissent, en relation avec l'administration centrale, y recourir sans que se reproduisent les excès que nous avons connus.

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