Question de M. LAGAUCHE Serge (Val-de-Marne - SOC) publiée le 10/12/2002

M. Serge Lagauche attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur le bassin hydrographique de la Seine. Actuellement, les collectivités territoriales mènent chacune sur leur secteur des actions afin de limiter les dommages qu'occasionneraient pour leurs administrés d'éventuelles crues. Concernant l'Ile-de-France en particulier, les quatre barrages-réservoirs situés en amont et le projet d'une zone d'expansion à La Bassée, en Seine-et-Marne, dont l'étude avance très lentement, sont certes de bons outils mais ils n'auraient qu'un effet limité face à une crue exceptionnelle du type de celle de 1910, qui peut survenir dans quelques mois comme dans plusieurs années et dont les conséquences seraient particulièrement graves tant pour les personnes que pour les biens, et paralyseraient pour plusieurs semaines de nombreux secteurs de l'économie. Afin de réduire davantage le risque et la vulnérabilité des zones habitées sur l'ensemble du bassin de la Seine, il faut envisager de nouvelles actions de prévention et de protection, d'une part, sur les moyens et longs termes et, d'autre part, de façon globale, en prenant en compte tant l'amont que l'aval. Ce qui implique de pouvoir mettre en oeuvre une concertation régulière et efficace entre tous les acteurs : l'Etat, via le préfet coordonnateur et la direction de l'environnement du bassin, l'Agence de l'eau Seine-Normandie, et les collectivités regroupées au sein d'une même structure de dialogue. Or, si ce type de structure existe déjà sur une très grande majorité des bassins hydrographiques sous la forme d'établissements publics, le bassin de la Seine en est lui dépourvu. Leur utilité pourtant n'est plus à démontrer, et l'exemple de l'établissement public Loire montre bien que la dimension du bassin ne peut être un obstacle. Il lui demande donc si la création d'un établissement public Seine rencontre son assentiment, et si, dans l'affirmative, elle compte favoriser ce projet, voire même, compte tenu des enjeux et des difficultés qu'il pourrait rencontrer, de le rendre obligatoire.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 05/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/02/2003

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la question n° 116, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Serge Lagauche. Madame la ministre, la prévention des inondations en France fait l'objet, depuis les catastrophes survenues ces dernières années dans l'Aude, le Gard et la Somme, par exemple, d'une prise de conscience croissante de la part des pouvoirs publics et de la population.
Dans la région d'Ile-de-France, en particulier, les acteurs institutionnels et économiques multiplient depuis quelques mois les réunions pour partager les connaissances et améliorer les dispositifs d'alerte et les plans de secours.
Mais on ne peut en rester là. En effet, sur le bassin hydrographique de la Seine, les quatre barrages réservoirs situés en Seine Amont et la zone d'expansion à la Bassée en Seine-et-Marne sont, certes, de bons outils, mais ils n'auraient qu'un effet limité face à une crue exceptionnelle du type de celle de 1910, qui peut survenir dans quelques mois comme dans plusieurs années et dont les conséquences seraient particulièrement graves, tant pour les personnes que pour les biens, et paralyseraient pour plusieurs semaines de nombreux secteurs de l'économie.
Afin de réduire davantage le risque et la vulnérabilité des zones habitées sur l'ensemble du bassin de la Seine, il faut envisager de nouvelles actions de prévention et de protection, d'une part sur les moyen et long termes et, d'autre part, de façon globale, en prenant en compte tant l'amont que l'aval, ce qui implique de mettre en oeuvre une concertation régulière et efficace entre tous les acteurs : l'Etat, via le préfet coordonnateur, et la direction de l'environnement du bassin, l'agence de l'eau Seine-Normandie et les collectivités regroupées au sein d'une même structure de dialogue.
Le dialogue va se révéler d'autant plus essentiel, madame la ministre, que votre projet de loi sur la prévention des risques technologiques et naturels, dont nous allons commencer l'examen cet après-midi au Sénat, tente d'apporter une réponse à l'actuel éparpillement des responsabilités en accroissant de façon importante les compétences des collectivités en matière de prévention des inondations.
Or, si ce type de structure de concertation existe déjà sur une très grande majorité des bassins hydrographiques sous la forme d'établissements publics, le bassin de la Seine en est, lui, dépourvu. Leur utilité, pourtant, n'est plus à démontrer. L'exemple de l'Etablissement public Loire, l'EPL, montre bien que la dimension du bassin permet une meilleure concertation sur les dispositions à mettre en place progressivement, sur le moyen et le long termes, pour une prévention mieux coordonnée, plus efficace, permettant une meilleure utilisation de l'ensemble des crédits affectés aux différents organismes.
Le citoyen concerné pourra être régulièrement informé de l'évolution et des moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics sur l'ensemble du bassin, ce qui évitera les rumeurs populaires accusant telle ou telle administration de négligence, voire plus.
Madame la ministre, la création d'un établissement public Seine ne peut, je pense, que rencontrer votre assentiment. Est-il dans vos intentions de favoriser un tel projet, voire, compte tenu des enjeux, de le rendre obligatoire après concertation avec les collectivités territoriales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, votre proposition de favoriser la création d'un établissement public territorial de bassin, un EPTB, sur la Seine suscite tout mon intérêt.
L'enjeu principal du bassin de la Seine est celui de l'agglomération d'Ile-de-France. Environ sept cent mille personnes seraient directement touchées par une crue similaire à celle de 1910 en Ile-de-France, soit près du tiers de la population concernée par les inondations en France.
La cinétique de l'événement serait certes relativement lente, s'agissant d'une crue de plaine. Le risque porterait donc davantage sur les biens que sur les personnes, lesquelles pourraient être soustraites au danger à temps.
Le fonctionnement de l'ensemble des réseaux - voirie, SNCF, RATP, EDF, France Télécom, eau potable, assainissement, chauffage urbain... - serait très perturbé par une crue du calibre de celle de 1910, dont les dommages potentiels sont estimés entre 10 milliards et 15 milliards d'euros.
L'Etat serait amené à prendre le relais des assurances, qui ne pourraient faire face à l'indemnisation des biens assurés : l'Etat garantit en effet le régime d'assurance catastrophes naturelles en cas de sinistre majeur. La Bibliothèque de France, le musée du Louvre, le musée d'Orsay, l'Assemblée nationale, l'hôpital européen Georges-Pompidou seraient également affectés. Il faudrait probablement plusieurs mois avant que la situation redevienne normale, notamment pour ce qui concerne la RATP et la SNCF.
Cette vulnérabilité, vous l'avez utilement souligné, s'est accrue fortement depuis un siècle, malgré les actions engagées, du fait de l'absence de coordination non seulement entre les services de l'Etat, mais aussi entre les collectivités territoriales.
L'Etat a engagé récemment un travail pour améliorer l'efficacité de son action. Un décret du 4 juillet 2002 permet de désigner des préfets pour exercer des compétences interdépartementales et interrégionales dans le registre de la prévention des inondations, notamment. Ce décret vient d'être mis en oeuvre pour le bassin de la Loire, avec l'arrêté du 23 décembre 2002.
En Ile-de-France, l'action conjointe du préfet de police et du préfet de région coordonnateur de bassin a conduit à remettre à jour les programmes de mesures à prendre en cas de grande inondation. Les résultats de cette remise à jour ont été présentés aux maires concernés le 4 décembre 2002.
J'ajoute que le bassin de la Seine est éligible au plan de prévention des inondations que j'ai lancé en septembre 2002 et qui aura, notamment, pour objet de soutenir les initiatives des collectivités locales et de leurs groupements tendant à réguler le débit des rivières en créant ou en restaurant des zones d'expansion des crues. Le bassin de la Seine ne sera bien évidemment pas oublié et j'ai déjà pris connaissance d'initiatives prises par des élus fortement impliqués.
Parallèlement, la question de la coordination de l'action des collectivités territoriales se pose pour le bassin de la Seine. En effet, aucune organisation regroupant les collectivités territoriales n'a été mise en place, à l'exemple des regroupements constitués sur d'autres bassins tels que l'établissement public Loire, l'EPL, ou l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents, l'EPAMA.
En effet, l'Institution interdépartementale des barrages réservoirs du bassin de la Seine, l'IIBRBS, aussi nommée Les Grands Lacs de Seine, ne regroupe que Paris et les trois départements de la « petite couronne », même si son action au travers des quatre barrages que gère l'IIBRBS s'exerce à l'amont. Ces barrages sont construits sur l'Yonne, la Seine, l'Aube et la Marne. D'une capacité totale de 800 millions de mètres cubes, ils permettraient d'abaisser la ligne d'eau à Paris de 60 centimètres au maximum pour une crue centennale.
La mise en oeuvre d'un établissement public territorial de bassin ne saurait être réalisée qu'après concertation avec toutes les collectivités territoriales concernées. La question de la création d'un tel établissement pourrait ainsi être évoquée lors des débats prévus en 2003 autour de la réforme de la politique de l'eau. Votre proposition de donner à l'Etat les moyens d'éventuellement rendre obligatoire la création de tels établissements serait alors débattue. Mais la discussion du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages nous permettra certainement d'aborder la question et peut-être de rendre officiels ces EPTB, qui n'ont pas de fondement législatif pour l'instant.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Il faut vraiment accélérer la concertation, d'autant que des villes comme Rouen et Le Havre, par exemple, sont également concernées par ce qui peut se passer à Paris, les problèmes d'ensablement, entre autres, ayant, on le sait, des répercussions sur l'ensemble du bassin.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

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