Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 11/12/2002

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur la situation des agents de la fonction publique et territoriale ayant travaillé dans des services utilisant ou manipulant de l'amiante. Elle lui fait en effet observer que l'article 41 de la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale pour 1999 réserve le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) aux salariés relevant du code du travail, et en exclut donc les agents de la fonction publique territoriale et hospitalière. Elle lui demande donc de lui préciser les mesures qu'il envisage de prendre afin que ces agents exposés à l'amiante puissent bénéficier de l'ACAATA.

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Réponse du Ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire publiée le 26/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 25/02/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, vous le savez, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé dans son article 41 une allocation de cessation anticipée d'activité des « travailleurs de l'amiante », l'ACAATA.

Le bénéfice de ce dispositif a d'abord été ouvert aux personnes travaillant ou ayant travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante et aux personnes reconnues atteintes d'une maladie provoquée par l'amiante.

Les établissements ainsi que les maladies professionnelles concernés ont été précisés par des arrêtés.

En 2002, ce dispositif a été étendu aux établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, aux établissements de construction et de réparation navale, puis aux dockers.

Enfin, un arrêté du 3 décembre 2001 a ouvert cette allocation aux personnes atteintes de plaques pleurales. Il s'agit du tableau 30 B des maladies professionnelles.

En revanche, du fait de leur qualité de fonctionnaire, et donc de leur non-appartenance au régime général, les agents des fonctions publiques nationale, territoriale et hospitalière ne peuvent bénéficier de l'ACAATA, exception faite des ouvriers d'état relevant du ministère de la défense, qui, depuis le décret du 21 décembre 2001, peuvent bénéficier d'une allocation spéficique de cessation anticipée d'activité.

Les modalités d'attribution de l'ACAATA créent donc une double inégalité : entre le régime général et les fonctionnaires, d'une part, entre les ouvriers du ministère de la défense et l'ensemble des autres agents de la fonction publique, d'autre part.

Or rien ne saurait justifier une telle discrimination au regard de la nature et des degrés d'exposition à l'amiante, ainsi que des préjudices communément subis par ces agents et par ces salariés.

Comment expliquer cette exclusion du bénéfice de l'ACAATA pour des ouvriers, des agents d'entretien, des ajusteurs, des professeurs - ceux de Jussieu par exemple -, des enseignants et autres personnels des lycées techniques, qui travaillent dans des locaux, des ateliers, des garages, des bâtiments où ils ont été massivement exposés au poison mortel de l'amiante ?

Pourquoi ouvrir le bénéfice de l'ACAATA aux travailleurs d'état de la construction navale, qui ne sont pas des fonctionnaires, et refuser l'accès à ce dispositif aux fonctionnaires de ce secteur, cadres, ingénieurs, administratifs, ayant subi une contamination « passive », mais non moins réelle, par l'amiante ?

Certes, monsieur le ministre, l'ACAATA s'inscrit dans le cadre du régime général et est financé par ce même régime : ses modalités de fonctionnement ne permettent donc pas d'y inclure les agents de la fonction publique. Mais rien n'empêche que soit créé un dispositif spécifique à la fonction publique, à l'instar de celui qui a été mis en place pour les ouvriers du ministère de la défense.

Dans une réponse à une question écrite que je lui avais adressée à ce sujet, réponse publiée au Journal officiel du 26 septembre 2002, Mme la ministre de la défense évoquait un « projet de dispositif devant être inscrit au programme du travail gouvernemental du second semestre 2002 », concernant les fonctionnaires exposés à l'amiante, exception faite des ouvriers de la défense.

Défendant un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, mon collègue Roland Muzeau proposait de créer un dispositif semblable à l'ACAATA pour les fonctionnaires. Il rappelait l'urgence d'une telle mesure et déplorait que les propos de Mme la ministre de la défense, dans sa réponse à ma question écrite, n'aient été suivis d'aucun effet.

Monsieur le ministre, ce matin, ma question est claire : dans quel délai le Gouvernement envisage-t-il de prendre les mesures nécessaires pour que le dispositif de l'allocation de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante soit étendu aux agents des fonctions publiques nationale, territoriale et hospitalière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Madame le sénateur, les dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 instituent, pour les salariés et anciens salariés de l'amiante, le versement d'une allocation de cessation anticipée d'activité et d'une indemnité de cessation d'activité.

L'allocation de cessation anticipée d'activité est attribuée et servie par les caisses régionales d'assurance maladie. Le paragraphe V de l'article 41 précité dispose que le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à son employeur. Le contrat de travail cesse alors de s'exécuter. Cette rupture du contrat de travail sur l'initiative du salariée lui ouvre droit au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité.

A ce jour, le dispositif créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 1999 n'a pas été transposé pour les fonctionnaires.

La réflexion sur la transposition du dispositif aux fonctionnaires victimes de l'amiante ou exposés à l'amiante antérieurement à leur emploi dans une fonction publique ou au cours de l'exercice de leurs fonctions est en cours.

Les fonctionnaires des trois fonctions publiques bénéficient des mesures de protection sociale statutaires dans le cadre des congés de maladie et de l'allocation temporaire d'invalidité.

Afin d'assurer une indemnisation équivalente à l'ensemble des malades de l'amiante quel que soit leur régime d'assurance maladie et de retraite, l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 dispose qu'il est créé un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, chargé d'assurer la réparation intégrale et rapide des préjudices subis par les personnes ayant été exposées à l'amiante. La composition, l'organisation et la procédure du FIVA sont fixées par le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001.

A ce jour, moins d'une dizaine de fonctionnaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière ont déposé une demande d'indemnisation. Des provisions ont été servies à ceux qui les ont sollicitées.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu me répondre ce matin. Je sais combien vous êtes attaché à conserver un lien direct avec les élus, notamment avec les parlementaires.

Malheureusement, votre réponse ne me convient pas totalement. Trois mois après la réponse que m'avait apportée Mme la ministre de la défense, réponse que M. Mattei a confirmée à mon collègue Roland Muzeau lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, je constate que la mesure n'a toujours pas été mise en oeuvre.

Il est incompréhensible que l'on continue de refuser aux fonctionnaires exposés à l'amiante la possibilité de bénéficier d'une cessation d'activité. Le FIVA, que vous venez d'évoquer, monsieur le ministre, est chargé de l'indemnisation des dommages subis, mais il ne permet pas de financer la cessation d'activité avant l'âge de la retraite.

Le refus de mettre en place un tel dispostif en faveur des agents de la fonction publique est tout à fait injuste à mes yeux. Il signifie que, finalement, l'Etat refuse d'assumer sa responsabilité en tant qu'employeur.

Je considère que le Gouvernement doit consentir l'effort nécessaire pour que des mesures concrètes et équitables soient aujourd'hui mises en oeuvre, d'autant que, comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le ministre, le nombre des fonctionnaires concernés est très réduit ; le coût de ces mesures serait donc minime.

Il s'agirait là d'un geste de justice vis-à-vis de ces fonctionnaires qui souffrent dans leur chair et pourraient même, dans quelques années, mourir du fait de l'amiante.

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