Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 17/01/2003

Question posée en séance publique le 16/01/2003

Mme Nicole Borvo. Ma question a trait au dossier des retraites, dont le Président de la République a fait sa priorité.
MM. Max Marest et Henri de Raincourt. Il a raison !
Mme Nicole Borvo. Depuis plusieurs années, le discours dominant sur les retraites est, hélas ! univoque : déséquilibre démographique, vieillissement de la population, départ à la retraite à compter de 2005 des salariés nés pendant la période du baby-boom. Il induit des solutions inéluctables : augmentation de la durée d'activité, recul de l'âge du départ à la retraite, capitalisation.
Disons d'abord très nettement, monsieur le Premier ministre, que le régime par répartition a fait la preuve de son efficacité en termes de garanties et de cohésion sociale.
Disons ensuite que les choix ne se résument pas à donner la priorité à tel ou tel paramètre pour assurer l'équilibre financier des régimes.
Il s'agit, en réalité, d'une question de société, et même de civilisation. Il faut donc avant tout s'accorder sur les objectifs : c'est ce que disent le Conseil d'orientation des retraites et les organisations syndicales unanimes.
Comment, monsieur le Premier ministre, concevoir que cette question de société puisse être réglée d'ici à l'été 2003 sans qu'un grand débat national n'ait été ouvert ?
Avant-hier, M. Seillière a une nouvelle fois proposé cyniquement aux salariés de travailler cinq ans de plus pour obtenir une retraite à taux plein : au fond, l'âge de la mort s'étant éloigné de celui de la retraite - pas pour tout le monde, hélas ! -, rapprochons l'âge de la retraite de celui de la mort ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ne savez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'une personne sur deux est inactive à cause du chômage au moment où elle demande à bénéficier de sa pension ?
Ne savez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que, « grâce » à M. Balladur, les salariés actuels doivent désormais cotiser quarante ans pour pouvoir prétendre à une retraite dont le niveau a sensiblement diminué ?
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Vous affirmez, monsieur le Premier ministre, « vouloir rassembler dans un projet commun ». Or la méthode que vous appliquez et les discours que nous entendons témoignent du contraire, qu'il s'agisse du traitement au cas par cas, de l'opposition facile entretenue entre les salariés du public et ceux du privé, alors qu'il est difficile de comparer les régimes, ou du passage en force à EDF-GDF.
Allez-vous permettre que l'on sorte de cette vision unilatérale en mettant tous les éléments sur la table, en évoquant toutes les options en matière de financement, en éclairant l'opinion sur le lien indiscutable qui existe entre les retraites et les politiques de l'emploi, sur les questions liées à la pyramide des âges, à la productivité du travail, sur l'inégalité profonde que l'on constate entre la contribution des salariés et celle des profits en termes de financement de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

- page 136


Réponse du Premier ministre publiée le 17/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2003

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos voeux pour l'année nouvelle, ainsi que des propos que vous avez tenus hier, lors d'une réception à laquelle je n'ai pu assister, ce dont je vous prie de m'excuser. Je souhaite à mon tour à chacun des membres de la Haute Assemblée une très heureuse année dans le cadre de l'exercice de son mandat.
Madame Borvo, nos positions ne sont pas si éloignées qu'il y paraît. Comme vous, en effet, je veux défendre la retraite par répartition.
A cet égard, il faut que les Françaises et les Français comprennent bien que celle-ci est menacée dans notre pays, parce que le principe de la répartition implique que les actifs paient pour les inactifs. Or, demain, la proportion d'actifs diminuera, pour des raisons démographiques, tandis que le nombre des inactifs augmentera, grâce notamment, et c'est une heureuse évolution, à l'allongement de l'espérance de vie.
M. Didier Boulaud. Pour les sénateurs, c'est cent vingt ans ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. On pourra ainsi espérer vivre encore plus de vingt ou vingt-cinq ans après soixante ans, et nous assisterons donc à un accroissement de la population des bénéficiaires du système de retraite par répartition, alors que, à l'inverse, le nombre des contributeurs se réduira.
C'est pour cette raison que la réforme est essentielle : si nous ne la mettons pas en oeuvre, nous aboutirons à une impasse. On n'a que trop tardé à traiter ce problème, et je suis d'accord avec vous, madame Borvo, pour estimer qu'il est urgent de défendre le système de retraite par répartition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par ailleurs, je suis également pleinement d'accord avec vous sur le fait qu'il est hors de question d'opposer secteur public et secteur privé. Ce serait absurde ! (M. Didier Boulaud s'esclaffe.)
M. Paul Loridant. Il faut le dire aux fonctionnaires !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je les rencontre sur le terrain, monsieur le sénateur, ne vous inquiétez pas ! Je leur explique qu'ils ne doivent pas se sentir mis en accusation. Ils assument des responsabilités, et je ne veux pas que l'on dresse une partie des Français contre une autre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Le dossier que nous avons à traiter doit rassembler les Français. La fonction publique a son histoire, les statuts sont le résultat de négociations. Ils font partie de notre parcours social collectif et nous devons être attentifs à cette situation. Quand on veut rétablir l'autorité de l'Etat, on doit faire en sorte que, dans ce pays, les fonctionnaires soient défendus !
Cela ne signifie pas qu'il ne faudra pas chercher à appliquer, dans l'avenir, les principes d'équité auxquels tous les Français sont attachés. C'est pourquoi je veillerai personnellement à ce que n'apparaisse pas une opposition entre le secteur public et le secteur privé. J'ai d'ailleurs demandé à ce que, dans le cadre du dialogue social, les organisations syndicales soient reçues à la fois par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, et par le ministre chargé de la fonction publique, M. Jean-Paul Delevoye, pour bien montrer qu'il n'y a pas de séparation.
En ce qui concerne EDF et GDF, madame Borvo, nous avons entendu le message.
Mme Hélène Luc. Il est fort !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous savons quelles inquiétudes peuvent ressentir les salariés pour l'avenir de leurs entreprises, et nous demeurons très attentifs. Un accord de branche majoritaire a été conclu, dont nous mesurons le sens et la valeur juridique. En aucun cas nous ne voulons « passer en force ».
Nous respectons les uns et les autres. Puisque tout le monde est convaincu que la réforme est nécessaire, il est très important de bien montrer qu'elle se fera au bénéfice de la France et de son avenir. Il est de la responsabilité de tous de ne pas laisser ce problème peser sur les générations à venir !

- page 136

Page mise à jour le