Question de M. DUSSAUT Bernard (Gironde - SOC) publiée le 16/01/2003

M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le dossier de prorogation de la communauté de communes du Haut Entre-Deux-Mers (Gironde). Créée en janvier 1997, cette communauté de communes devait être renouvelée à compter du 1er janvier 2003 pour une durée illimitée. Les démarches ont été engagées dès le mois de juillet 2001. Les réunions avec les services de l'Etat se sont multipliées au cours de l'année 2002 et les procédures exigées par l'administration ont été respectées. Le 20 décembre 2002, l'accord pour la signature de l'arrêté de prorogation semblait acquis. Le 31 décembre, par téléphone, il était annoncé que le ministère de l'intérieur avait donné des directives pour que l'arrêté ne soit pas signé. A l'heure où l'on parle d'une nouvelle étape de la décentralisation, où l'on affirme que " l'organisation de nos institutions ne peut être conçue depuis Paris en ignorant l'histoire et les réalités locales de la France ", il souhaiterait connaître sa position sur la manière dont fut conduit ce dossier par ses services.

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 26/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 25/02/2003

M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, créée en janvier 1997, avec trente communes réparties sur cinq cantons pour une durée limitée à six ans, première structure de ce type de Gironde, la communauté de communes du Haut-Entre-Deux-Mers devait être renouvelée à compter du 1er janvier 2003 pour une durée illimitée. Seize communes sont venues s'ajouter aux quarante-six qui constituaient la communauté.

Les démarches ont été engagées dès le mois de juillet 2001. Les réunions avec les services de l'Etat se sont multipliées au cours de l'année 2002, et les procédures exigées par l'administration ont été respectées. Le 20 décembre 2002, l'accord du préfet pour la prorogation semblait acquis, d'après un message téléphonique du secrétaire général de la préfecture. Or, le 31 décembre, à neuf heures quinze, le même secrétaire général nous annonçait, toujours par téléphone, que le ministère avait donné des directives pour que l'arrêté ne soit pas signé !

Dans un courrier du 22 janvier 2003, le préfet précise les éléments qui l'ont conduit à ne pas accepter la poursuite de cette communauté : sept communes sur quarante-six ont refusé d'approuver les statuts proposés - et rédigés selon les conseils des services sous-préfectoraux - et, faisant référence à la loi du 12 juillet 1999, certaines communes, qui n'adhèrent pas à cette communauté, constituent, du fait de leur situation géographique, une enclave déguisée qui rompt la cohérence territoriale.

Or, deux arrêtés modifiant le périmètre, pris l'un le 31 décembre 1999, l'autre le 31 décembre 2001, faisaient référence à la loi du 12 juillet 1999 et considéraient que « les conditions sont requises » sans qu'il soit fait état du problème de continuité territoriale, ce qui nous a confortés dans notre interprétation de la dérogation dont bénéficient les communautés de communes créées avant la date de la publication de la loi de 1999, en application de son article 14, devenu son article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales.

La suppression brutale de la communauté de communes a eu des conséquences importantes. Les services aux populations - centres de loisirs, halte-garderie, écoles de musique, relais d'assistantes maternelles - ont été stoppés, ce qui a entraîné colère et manifestation de la population, et le personnel est en plein désarroi. Quarante-deux personnes, dont quatorze à temps complet, se sont ainsi trouvées sans employeur du jour au lendemain.

Pourtant, les élus et les conseillers communautaires avaient beaucoup travaillé et, à la suite de différentes réunions avec les services de l'Etat, ils avaient tenu compte des observations de l'administration sur l'extension des compétences et le renforcement des financements.

Sans doute l'unité territoriale n'était-elle pas parfaite, comme l'a indiqué l'administration le 27 février 2002, mais pourquoi le préfet a-t-il attendu le dernier jour - le 31 décembre 2002 à neuf heures quinze, je le rappelle - pour nous prévenir, sans nous laisser la possibilité de nous réorganiser et d'assurer la continuité des services, ce qui aurait limité le préjudice porté aux usagers et aux personnels ?

Le travail effectué sur ce territoire depuis plus de six ans est réduit à néant. La coopération intercommunale est brisée. Pourquoi avoir cassé la dynamique d'une structure financièrement saine - les taux communautaires peu élevés étaient supportables pour nos contribuables - dans les domaines économiques, touristiques, culturels et les services aux populations rurales ?

A l'heure où l'on parle d'une nouvelle étape de la décentralisation, où le Gouvernement affirme que « l'organisation de nos institutions ne peut être conçue depuis Paris en ignorant l'histoire et les réalités locales de la France », je souhaiterais connaître la position de votre ministère sur la manière dont ses services ont conduit cette affaire.

M. le Président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, en juin 2000, le préfet de la Gironde a saisi la direction générale des collectivités locales sur le point de savoir si une modification statutaire visant à prolonger la durée d'existence d'une communauté de communes discontinue, créée, pour une durée limitée, avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1999, était envisageable au regard de l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel une communauté de communes doit être d'un seul tenant et sans enclave. A l'appui de sa saisine, le préfet mentionnait deux exemples, celui de la communauté de communes du Haut-Entre-Deux-Mers, objet de votre question, et celui de la communauté de communes de Sauveterre-de-Guyenne.

Dans la réponse apportée en août 2000, il était indiqué que « la prolongation de la durée d'existence de ces deux communautés de communes n'était envisageable que si elle s'accompagnait également d'une modification de leur périmètre afin de supprimer la discontinuité ». Il était rappelé que l'exigence de continuité territoriale dans la définition du périmètre de toutes les structures de coopération intercommunale à fiscalité propre, exigence introduite par la loi du 12 juillet 1999, était de portée générale.

Sur ce fondement, la communauté de communes de Sauveterre-de-Guyenne - l'autre exemple - a procédé à l'extension de son périmètre de manière à constituer un territoire cohérent. Le problème s'est donc trouvé réglé.

S'agissant de la communauté de communes du Haut-Entre-Deux-Mers, en revanche, la concertation menée par les services préfectoraux avec les communes intéressées en vue d'améliorer la continuité géographique de la communauté et visant notamment à obtenir l'adhésion des communes contiguës à Monségur n'a pas abouti avant la date ultime du 31 décembre 2002.

Pressentant cette issue, les services préfectoraux avaient saisi mon ministère de la même question que celle qui lui avait été posée en juin 2000. La réponse apportée en septembre 2002 faisait état d'une jurisprudence issue d'un arrêt rendu le 11 décembre 2000 par le Conseil d'Etat, « Communauté de communes du pays d'Issoudun », jurisprudence selon laquelle une communauté de communes discontinue ne peut étendre son périmètre qu'en continuité avec le périmètre existant et sans création d'une nouvelle enclave.

De cette jurisprudence, il était déduit qu'il pourrait être admis qu'une communauté de communes discontinue effectue une modification statutaire n'affectant pas son périmètre à la condition qu'elle ait au préalable comblé les enclaves préexistantes. Il était toutefois réaffirmé qu'au cas d'espèces, il demeurait souhaitable de procéder à la modification du périmètre préalablement à la prolongation de la durée de vie de la communauté.

Lors d'une réunion qui s'est tenue à la sous-préfecture le 5 septembre 2002, le préfet a rappelé qu'il était souhaitable qu'une cohérence territoriale forte puisse être mise en place sur des compétences favorables à l'investissement ainsi qu'à des projets structurants - c'est l'objet même de l'intercommunalité - et il s'est par ailleurs engagé à ne forcer aucune commune à faire partie de la communauté dans le cadre des nouveaux statuts à élaborer.

Or, lors de la consultation des communes, sept d'entre elles ont refusé d'approuver les nouveaux statuts. Par ailleurs, six communes situées autour de Monségur, Le Puy, Saint-Sulpice-de-Guilleragues, Dieulivol, Sainte-Gemme, Cours-de-Monségur et Coutures - constituent une enclave qui rompt la continuité territoriale de cette communauté.

Constituer un territoire cohérent aurait dû aboutir à convaincre d'autres communes d'adhérer au lieu de se borner à supprimer les satellites que constituaient Coirac et Taillecavat pour se mettre en conformité avec la loi.

Dès lors qu'une partie des communes bloquaient toute évolution rendant possible l'adaptation au droit commun - ce qui est tout de même une obligation -, le préfet était contraint d'en tirer les conséquences, et il n'a donc pas approuvé les nouveaux statuts.

Je ne mésestime évidemment ni l'aspect humain ni les difficultés que crée la non-prorogation, mais, depuis, les services de l'Etat, notamment ceux de la sous-préfecture de Langon, s'attachent à apporter un concours constant aux élus, tant dans la gestion de la situation immédiate qu'en ce qui concerne la mise en place future d'une nouvelle intercommunalité dans le secteur de l'Entre-Deux-Mers et du sud Garonne qui respecte le principe de la continuité territoriale.

Telles sont, monsieur le sénateur, les explications que je peux vous apporter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Sur le fond, monsieur le ministre, vous reprenez - ce qui n'a rien de surprenant - les arguments qui ont conduit le préfet à ne pas accepter la prorogation de la communauté de communes.

En revanche, sur la forme, à savoir sur la façon dont le dossier a été conduit, vous ne m'avez pas répondu.

Pourquoi avoir attendu le 31 décembre pour nous signifier que l'arrêté ne serait pas signé ? Il aurait été préférable de nous prévenir, un mois ou un mois et demi plus tôt.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On a essayé jusqu'au dernier moment !

M. Bernard Dussaut. Ensuite, nous avons sans doute été induits en erreur par le fait qu'après la promulgation de la loi du 12 juillet 1999 deux arrêtés modifiant le périmètre de la communauté de communes ont été acceptés : le premier a porté de trente à trente et une le nombre de communes, le second a inclus dans la communauté quatorze communes de plus. Petit à petit, on a, en quelque sorte, « bouché les trous » sans que cela pose problème. On nous a donné par deux fois la possibilité de modifier le périmètre, et nous avons donc pensé que la prorogation allait de soi.

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