Question de Mme LUYPAERT Brigitte (Orne - UMP) publiée le 31/01/2003

Mme Brigitte Luypaert appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le nouveau projet de réforme de la PAC proposé par la commission de l'Union européenne : celui-ci prévoit, notamment, de réduire jusqu'à 19 % les aides directes perçues par les exploitants agricoles à l'horizon 2012 et de les découpler de leur niveau de production. Une telle perspective étant inacceptable, elle le prie de bien vouloir préciser les initiatives que le Gouvernement compte prendre visant à ce que l'éventuelle réforme de la PAC soit à la fois conforme aux principes généraux de cette politique et ne nuise pas aux intérêts des producteurs français.

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 09/04/2003

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2003

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai déjà eu l'occasion d'intervenir, voilà quelques mois, au sujet du projet de réforme de la politique agricole commune.

Monsieur le ministre, vous m'aviez alors donné l'assurance que le Gouvernement français s'opposerait avec la plus grande fermeté aux propositions formulées, ce que vous avez fait avec conviction et ténacité. Je vous en remercie.

Toutefois, le commissaire européen à l'agriculture, M. Fischler, n'a pas notablement assoupli ce projet, qui prévoit essentiellement de réduire jusqu'à 19 %, d'ici à 2012, les aides directes perçues par les exploitants agricoles, ainsi que de les découpler du niveau de production.

Le commissaire européen a lancé cette idée de découplage sans avoir réalisé aucune étude d'impact : a-t-il mesuré que, plus que d'une réforme, c'est d'une révolution de la politique agricole commune qu'il s'agit et dont nous pouvons difficilement estimer les conséquences sur l'évolution des structures agricoles et du revenu des producteurs ?

Rappelons que, depuis 1992, les aides directes sont des « aides compensatoires » à la baisse des prix. Elles ont déjà provoqué des disparités entre les départements, que le projet de découplage gèlerait, voire aggraverait. Il pourrait même conduire à des délocalisations d'activité, sinon à l'abandon de l'activité agricole dans certaines zones. Les structures foncières s'en trouveraient durablement figées.

Peut-on envisager ainsi l'avenir de l'agriculture française et européenne ?

Pour illustrer le deuxième objectif que fixe le projet de réforme - la baisse des aides directes jusqu'à 19 % à l'échéance de 2012 -, je prendrai l'exemple du département de l'Orne, que je représente au Sénat, département de polyculture et d'élevage. Le revenu net d'entreprise de la ferme « Orne » pour l'année 2002 est de 115 millions d'euros ; le montant total des aides est de 114 millions d'euros : comment le secteur agricole de mon département pourrait-il résister à une telle baisse des aides directes, conjuguée à celle des prix de soutien ? Une telle perspective n'est pas acceptable, et les élus de l'Orne se sont d'ailleurs déjà mobilisés pour la contrer.

Un tel projet de bouleversement de la politique agricole commune, qui coïncide avec une nouvelle période de négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, place l'agriculture française dans une situation d'attente qui est devenue quasi insupportable. Très peu de jeunes s'installent actuellement, en raison de l'absence de lisibilité de l'avenir.

En effet, l'installation nécessite de lourds investissements et s'accompagne donc d'importants besoins en capitaux ; or il est devenu très difficile de bâtir un projet d'entreprise : quel sera demain le niveau des prix de telle ou telle production ? Quel sera le montant des aides directes ? Le jeune qui s'installera pourra-t-il faire face à ses charges de structure... ? L'agriculture manque de perspectives.

M. Emmanuel Hamel. Quittons Bruxelles ! Quel malheur !

Mme Brigitte Luypaert. Les négociations reprennent à l'échelon européen, et s'annoncent difficiles. Je vous fais confiance, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, la proposition de la Commission de l'Union européenne sur le découplage des aides est inacceptable puisqu'elle condamnerait un très grand nombre d'exploitants agricoles actuellement en activité dans des régions de France et d'Europe où nous souhaitons maintenir une activité économique et une présence humaine au nom de l'aménagement du territoire. C'est une politique de gribouille qui consiste à faire disparaître des agriculteurs pour proposer ensuite de les remplacer par des jardiniers fonctionnaires.

M. Emmanuel Hamel. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cette proposition ne peut être adoptée en l'état,...

M. Emmanuel Hamel. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... puisqu'elle reçoit l'opposition de dix autres Etats membres, qui soutiennent la France.

La France a clairement fait connaître sa position sur la revue à mi-parcours de la PAC : ferme, mais non fermée. Ferme, dès lors qu'il s'agit de préserver et de promouvoir le modèle européen d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable ; mais non fermée, dès lors qu'il s'agit de procéder sans attendre aux adaptations de ce qui fonctionne mal - je pense notamment au développement rural et aux procédures bureaucratiques, qu'il faut simplifier - et de réfléchir sereinement à l'avenir de la PAC dans une Europe élargie.

Sur ce dernier point, les institutions européennes sont ainsi faites que c'est à la Commission qu'il revient d'analyser et de proposer, et au Conseil de décider. Il appartient donc à la Commission de prendre en compte les positions exprimées par le Conseil et d'explorer des pistes alternatives.

C'est sur cette base que la réflexion pourrait utilement se poursuivre.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, je considère avec vous que les agriculteurs ne pourraient accepter d'être des « jardiniers fonctionnaires » exclusivement dévoués à l'entretien de la nature : ils ont bien d'autres rôles à jouer, notamment un rôle économique.

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