Question de M. PENNE Guy (Français établis hors de France - SOC) publiée le 20/03/2003

M. Guy Penne souhaite interroger M. le ministre des affaires étrangères sur la question de la pénurie d'eau dans plusieurs régions du monde. Cette question représente l'un des principaux obstacles au développement des pays pauvres et des pays dits " émergents ". Les prévisions pour le XXIe siècle sont très préoccupantes : la moitié des habitants de la planète manqueront d'eau dans trente ans si rien n'est fait. D'ores et déjà, une pénurie hydrique grave touche 31 pays et plus de 508 millions de personnes. A l'avenir, cette situation provoquera des problèmes de santé, de production agricole et des faillites économiques à grande échelle si le pillage, le gaspillage et la mauvaise gestion de cette ressource naturelle se poursuivent au rythme actuel. Malgré les efforts de certains pays, la communauté internationale tarde à se mobiliser pour apporter des remèdes à cette situation et les " acteurs privés " refusent d'investir dans l'eau dans les pays les plus demandeurs. Soucieux seulement de profit, et très souvent de profit à court terme, sans égard pour une gestion durable, ces acteurs, grandes compagnies d'eau, fonds d'investissement, sont réticents à investir là où le besoin est le plus urgent et où il faut préparer l'avenir. Il aimerait connaître les dispositions que la France, conformément aux engagements du Président de la République à Johannesburg, pourrait impulser de manière à permettre une meilleure protection et une gestion appropriée de cette ressource naturelle au bénéfice des populations des pays pauvres et émergents, et non pas pour le plus grand profit de quelques groupes privés peu soucieux de l'avenir planétaire de cette ressource, qui constitue pourtant un enjeu et un défi considérables.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 05/06/2003

Au cours des dernières années, l'eau est apparue comme un sujet de préoccupation de plus en plus pressant pour la communauté internationale. Les raisons de cette évolution sont connues : l'eau constitue une ressource, certes renouvelable, mais dont la quantité globale, disponible pour l'homme et les écosystèmes, est stable. Or, cette ressource est de plus en plus sollicitée du fait de l'accroissement des pressions d'origine humaine : l'augmentation des prélèvements liés à l'alimentation en eau potable, et aux besoins industriels et surtout agricoles, se conjugue à la dégradation de la qualité liée aux rejets de toutes origines. Les ressources en eau étant, en outre, inégalement réparties à la surface de la planète, de nombreux pays sont aujourd'hui confrontés à des situations de pénurie extrêmement préoccupantes. L'évolution du climat ne peut qu'aggraver ce constat. Enfin, un sixième de la population mondiale n'a pas accès à l'eau potable et un tiers ne bénéficie pas d'un dispositif d'assainissement satisfaisant. Lors du Sommet du millénaire, puis à Johannesburg, la communauté internationale s'est fixé des objectifs ambitieux : réduire de moitié, d'ici à 2015, la proportion de ceux qui n'ont pas accès à l'eau potable et à un assainissement décent ; faire en sorte que chaque pays élabore, d'ici à 2005, des plans de gestion intégrée de ses ressources en eau permettant d'en assurer un usage plus efficace ; renverser la tendance actuelle à la dégradation de l'environnement. Le défi est maintenant d'assurer la réalisation de ces objectifs. Le G8 d'Evian, en juin prochain, a l'ambition d'y contribuer. Les enjeux sont essentiellement politiques, institutionnels et financiers : il n'y aura progrès que si chaque Etat se mobilise et fait de l'eau une réelle priorité nationale ; beaucoup de pays doivent faire évoluer leur politique de gestion du secteur de l'eau pour lui donner un cadre clair, stable, transparent, participatif et décentralisé, qui permette à chacun des acteurs du secteur de jouer son rôle ; selon la Banque mondiale, il faudrait plus que doubler les investissements annuels consentis dans le secteur pour réaliser les objectifs retenus. Sur les 80 milliards investis actuellement, 75 proviennent de ressources nationales et 5 proviennent de financements internationaux. En se fondant sur les travaux du troisième Forum mondial de l'eau, notamment sur le rapport " Financer l'eau pour tous " du groupe d'experts sur le financement des infrastructures animé par M. Camdessus, et en étroite liaison avec le Japon, la France propose à ses partenaires du G8 d'adopter à Evian un plan d'action articulé autour des priorités suivantes : promouvoir la bonne gouvernance en renforçant le soutien apporté aux pays qui s'engagent dans la mise en oeuvre d'une véritable politique de l'eau, au service des plus démunis ; diversifier les sources et mécanismes de financement de façon à accroître le volume total des fonds affectés au secteur. Sur la base du constat que les seuls financements publics ne permettront pas de répondre aux besoins, il est proposé, notamment, de développer la mobilisation des marchés financiers locaux et d'encourager les partenariats public-privé par des mécanismes de garantie appropriés ; il ne s'agit pas de dessaisir la puissance publique, nationale ou locale, de son rôle régulateur, mais bien de mobiliser des investissements et une expertise privés pour la fourniture de services publics, sous le contrôle des autorités publiques ; la mise en place de dispositifs permettant de compenser les manques à gagner liés à l'offre de services d'eau à des populations démunies est encouragée (mécanismes de type " output based aid ") ; reconnaître et promouvoir le rôle des collectivités locales, en augmentant le soutien au renforcement de leurs compétences et en visant à mettre à leur disposition davantage de moyens financiers ; développer les mécanismes de suivi des objectifs, y compris au niveau national, et accroître l'effort de recherche sur le cycle de l'eau ; promouvoir la coordination des différents organismes internationaux actifs dans le domaine de l'eau, dans le cadre des Nations unies ; les institutions financières internationales sont appelées à étudier certaines des propositions du rapport " Financer l'eau pour tous " afin, là encore, d'élargir les sources de financement possibles du secteur. La France consent des efforts très importants pour le secteur de l'eau, essentiellement en Afrique. Au-delà de sa contribution au FED, elle y consacre environ 180 millions d'euros par an, dont 150 millions d'euros proviennent de l'Agence française de développement, qui y affecte environ un tiers de ses engagements. Elle est prête à poursuivre et renforcer son engagement : dans le cadre de ses interventions bilatérales et de l'initiative européenne " L'eau, c'est la vie " ; par l'appui au renforcement des cadres nationaux et régionaux de gestion des ressources en eau, notamment pour les bassins du Sénégal, du Niger et du Nil ; par la promotion de bonnes pratiques en matière de gouvernance ; par l'étude et la mise en oeuvre de mécanismes de financement innovants, en approfondissant l'initiative franco-britannique et les propositions du rapport " Financer l'eau pour tous ", et par la mise en place de mécanismes de conversion de dettes ; enfin, par un appui renouvelé à la recherche, en partenariat, des solutions techniques, économiques et sociales dont le secteur a besoin.

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