Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 22/05/2003

Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur la situation particulièrement préoccupante de GIAT Industries et de l'industrie de défense française. L'annonce du sixième plan de restructuration de l'entreprise prévoyant d'ici à 2006 la suppression de 3 750 emplois, la fermeture complète des sites de Saint-Chamond et de Cusset et la fermeture partielle des établissements de Tarbes, Tulle et Toulouse a suscité de vives réactions de la part des employés ainsi qu'une forte inquiétude quantà l'avenir de l'industrie de défense. La décision prise le 29 avril dernier, lors d'une réunion entre la direction et les représentants de GIAT Industries, de nommer deux experts et d'allonger de deux mois le délai pour le comité central d'entreprise, n'a pas permis d'apaiser les tensions et d'aboutir à un véritable compromis. Elle lui demande qu'un véritable débat public sur l'avenir du GIAT et sa place dans la politique nationale de défense avec la création d'un pôle public de l'armement se développe aussi bien au Parlement qu'avec les salariés du GIAT, que la concertation sur le devenir de l'entreprise et le développement de projets alternatifs militaires et civils soit engagée globalement et non pas site par site comme c'est le cas actuellement.

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Réponse du Ministère de la défense publiée le 04/06/2003

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2003

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, le constat sur GIAT Industries est très préoccupant.

L'annonce du sixième plan de restructuration « GIAT 2006 » aurait pour conséquence, s'il était maintenu, la fermeture de trois sites et la suppression de 4 000 emplois.

Ainsi, comme vous l'a dit mon amie Mme Josiane Mathon, s'agissant de la Loire, des bassins d'emploi entiers seront durement touchés par cette décision, qui non seulement jettera dans l'incertitude et le dénuement des hommes et des femmes, leur famille et leurs proches, mais qui frappera également l'économie des départements concernés. Je connais bien la Loire, département qui, après avoir subi de plein fouet la fermeture des mines, des usines textiles, de l'armurerie de Manufrance, connaît maintenant la fermeture de GIAT Industries.

Déjà affectés par cinq plans de restructuration successifs, les personnels de GIAT Industries se battent pour que leur entreprise puisse dépasser la lourde crise qu'elle connaît. Tous ces salariés sont hautement qualifiés, attachés à leur emploi et à la mission nationale qui est la leur.

Tous sont conscients des difficultés présentes aujourd'hui et tous réfléchissent pour avancer des idées et des contre-propositions au plan qui a été annoncé. Déjà, des possibilités sont envisagées, comme la diversification de la production et l'accent porté sur la recherche.

Après être intervenue à plusieurs reprises auprès de vous, madame la ministre, et de M. Vigneron, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, et comme le demandaient les syndicats tous unis, nous avons obtenu - c'est appréciable ! - qu'un accord de méthode soit signé entre la direction et tous les représentants des personnels repoussant au mois de septembre le comité central d'entreprise et laissant le temps à la discussion et au dialogue.

Pourtant, le récent amendement portant sur le reclassement des salariés que vous avez déposé à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi qui était initialement consacrée à la seule entreprise DCN va à l'encontre de cela, même si vous ne lui donnez pas la même signification que nous.

Pour le justifier, vous avez déclaré devant le Sénat que cette décision avait été annoncée de longue date. Mais le fait qu'elle ait été annoncée de façon évasive lors du budget et de la loi de programmation militaire ne présageait pas la prise d'une telle mesure, qui plus est le jour même où les représentants du personnel et la direction de GIAT Industries se mettaient d'accord pour signer un accord d'entreprise !

La tenue d'un récent comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, CIADT, par M. le Premier ministre, n'a pas non plus apporté de réponse positive sur GIAT Industries, comme l'a démontré mon amie Mme Josiane Mathon. Bien qu'il ait débloqué 127 millions d'euros qui s'ajouteraient au milliard d'euros déjà prévu pour financer le plan GIAT 2006, les effectifs de l'entreprise seraient ramenés à 2 230 salariés. Quel gâchis ! En effet, plutôt que de répondre aux véritables attentes et demandes des salariés, le CIADT n'a fait que masquer les besoins de cette entreprise, mais aussi des bassins d'activité dont ces salariés dépendent.

Le GIAT doit être la garantie d'une industrie nationale de l'armement dans laquelle l'Etat occupe une place prépondérante, car elle ne saurait dépendre des seules lois du marché. Un démantèlement de l'entreprise au profit du secteur privé aurait des conséquences désastreuses aussi bien sur le plan national qu'à l'échelon européen, et même mondial. Il faut impérativement que soit mis en place un véritable pôle public de l'armement dans lequel GIAT Industries aurait toute sa place.

C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, que le plan Vigneron soit retiré et que s'engage une discussion nationale sur de véritables projets alternatifs dont l'objectif est d'éviter à terme la disparition pure et simple de l'entreprise et les effets néfastes sur l'industrie de l'armement nationale et, au-delà, européenne.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Chaque fois que l'on aide les salariés ou les collectivités locales, il ne faut pas que cela soit critiqué, madame le sénateur. Si le Gouvernement veut conserver et sauver une industrie terrestre de l'armement au centre de laquelle se trouve GIAT, il ne convient pas pour autant d'éliminer toute solution pour aider les salariés ou les collectivités, comme il ne faut pas non plus fermer les yeux sur la réalité.

Comme je l'ai rappelé en répondant à Mme Mathon, un accord de méthode, qui permet une véritable négociation, globale, du plan de renouveau, a été accepté à l'unanimité. Je constate donc que les syndicats sur place sont moins extrémistes que vous, si je puis dire, puisqu'ils sont d'accord pour discuter ce plan que vous refusez systématiquement.

L'accord de méthode offre un large espace d'analyse et de discussion au niveau de l'ensemble de l'entreprise. Il permettra à chacun d'approcher, si besoin en était, globalement sa situation économique et sociale.

Je note d'ailleurs que les syndicats, avec lesquels je dialogue depuis plusieurs mois, ont une vision saine de la réalité de l'entreprise, et, par conséquent, des mesures qui doivent être prises pour l'adapter à la réalité de la commande.

Le Gouvernement a clairement défini les rôles et les responsabilités de chacun dans ce dossier. Nous voulons une direction et des partenaires sociaux responsabilisés.

Trop souvent, au cours des dernières années et des derniers plans, on s'est immiscé dans la vie de l'entreprise, ce qui est déresponsabilisant pour tous et ce qui a conduit en partie à la situation actuelle, dont les salariés sont les premières victimes.

En signant un accord de méthode à l'unanimité, les partenaires sociaux ont fait la démonstration de leur sens des responsabilités. Eh bien, je vous le dis, madame le sénateur, faisons-leur confiance ! Et laissons donc la négociation sociale au niveau qui est le sien, c'est-à-dire au niveau de l'entreprise.

En ce qui concerne le développement économique des bassins, le Gouvernement a cadré la méthode de travail lors du CIADT du 26 avril.

Je vous signale que les premières mesures ont été annoncées. Cet élément est, lui aussi, important, car je connais l'angoisse des salariés et l'inquiétude des élus locaux. Il faut leur démontrer que si le Gouvernement leur dit qu'il va apporter un certain nombre de réponses, des réalisations concrètes interviennent. Et même si, comme je le rappelais tout à l'heure, la mise en place du plan durera trois ans, d'ores et déjà un certain nombre d'accords peuvent être passés entre GIAT Industries et des sociétés extérieures pour garantir des créations d'emplois directement affectés aux salariés de GIAT dont le poste serait menacé.

C'est là un élément susceptible de rassurer et qui reflète ce que doit être notre sens de la responsabilité.

Dans ce dossier, madame le sénateur, nous n'avons que trop attendu. Or, plus on attend, plus nombreux sont les salariés qui risquent d'être victimes. Le Gouvernement a fait le choix de l'action dans un esprit de dialogue social - j'en veux pour preuve l'accord de méthode signé à l'unanimité - et de responsabilisation. Je puis vous garantir qu'il tiendra ses engagements. Il a commencé à en faire la démonstration ; il en fera la totale démonstration sur le plan social et sur le plan territorial.

Plutôt que de lancer un énième débat général sur l'industrie de l'armement terrestre en France, mieux vaut aujourd'hui, et dans l'intérêt de tous, agir avec détermination et lucidité. C'est ainsi que nous réussirons le redressement de GIAT Industries et que nous garantirons la vie et le développement de nos régions.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, aujourd'hui 3 juin 2003, de très grandes manifestations et des grèves ont lieu dans toute la France. De très nombreuses corporations - il est impossible de toutes les citer - sont concernées. On peut dire que la lutte des salariés de GIAT fait partie des luttes très importantes et exceptionnelles qui sont menées actuellement.

Les employés de GIAT, comme beaucoup d'autres, se battent pour un véritable service public, pour l'emploi et pour de meilleurs salaires. Reconnaissez, madame la ministre, qu'en luttant pour l'emploi ils contribuent à régler le problème du financement des retraites. En effet, plus le nombre de personnes qui travaillent et donc qui cotisent sera élevé et plus, c'est une évidence, les caisses de retraite seront alimentées. Il faut donc non pas supprimer des emplois, comme on le fait en ce moment, mais en créer.

Madame la ministre, vous dites que je suis plus extrémiste que les syndicats. En l'occurrence, je joue simplement le rôle qui est le mien et, parce que je suis d'accord avec les syndicats, je ne fais que relayer leur demande : l'octroi d'un laps de temps supplémentaire pour discuter, pour qu'un débat national ait lieu. Par cohérence, et avant que les décisions soient prises, ils demandent, comme nous, que ce plan soit retiré. Ensuite, nous ferons des propositions.

Votre réponse, madame la ministre, n'est pas satisfaisante. Les intentions et les positions du Gouvernement sont loin d'être à la hauteur des attentes et des espérances des salariés de GIAT et de l'approche dont doit faire l'objet l'industrie française de l'armement, j'y reviens car c'est essentiel. On a effectivement trop attendu : les gouvernements, y compris le gouvernement de gauche, auraient dû prendre en main cette situation bien plus tôt.

Le devenir de cette entreprise ne doit pas se jouer sur des spéculations. Vous agissez comme si le sort de GIAT était déjà scellé : vous vous projetez dans un futur incertain loin d'être inéluctable puisque le présent n'est pas encore déterminé.

Les salariés de GIAT se mobilisent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen resteront mobilisés à leurs côtés pour que l'avenir de l'entreprise soit enfin envisagé de manière positive - avec des avancées, de réelles perspectives d'avenir -, et non pas de manière négative comme c'est le cas actuellement avec les suppressions d'emplois et les fermetures de sites.

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