Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 12/06/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le sort réservé aux femmes jugées coupables d'adultère au Soudan. Elle lui fait en effet observer que, au mois de novembre 2002, dix-sept femmes du village de Munawashi, au nord de Nyala, dans le Darfour méridional à l'ouest du Soudan, sous contrôle du gouvernement soudanais, ont été reconnues coupables d'adultère et condamnées à recevoir cent coups de fouet chacune. Aucun homme n'a été inculpé dans le cadre de cette affaire, et ces femmes n'ont pas été autorisées à consulter un avocat. Elles ont par ailleurs été flagellées juste après avoir été condamnées, sans que leur " aptitude " à supporter un tel châtiment ait été étayée par un rapport d'expertise médicale, ce que prévoit pourtant la législation soudanaise. Aux termes du code pénal soudanais, une personne peut être déclarée coupable d'adultère sur la base du témoignage de quatre personnes, si elle reconnaît les faits, ou encore, si c'est une femme, si elle est enceinte sans être mariée. Plus récemment, elle lui fait observer que le tribunal de la ville de Nyala a condamné, le 17 mai 2003, une jeune fille de quatorze ans, enceinte de neuf mois alors qu'elle n'est pas mariée, à recevoir cent coups de fouet. Cette jeune fille a pu recourir aux services d'un avocat et a interjeté appel en mettant en avant le fait qu'elle était enceinte, jeune et pas apte physiquement à supporter un tel châtiment. L'examen de son dossier en appel est imminent. Sa situation reste donc particulièrement préoccupante, et marquée par une double violation du droit international. En effet, elle lui fait remarquer que si la flagellation et l'amputation sont au nombre des peines prévues par le code pénal soudanais, elles sont cependant assimilables à des traitements cruels, inhumains et dégradants, prohibés tant par le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Soudan a adhéré, que par la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Soudan est partie, et dont l'article 37-A stipule que " les Etats parties veillent à ce que nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ". Elle lui demande donc de lui faire savoir s'il entend intervenir auprès du gouvernement soudanais, la France étant partie aux deux engagements internationaux précités et donc tenue de veiller à leur application, afin que les droits fondamentaux des Soudanais, et tout particulièrement des femmes de ce pays, soient respectés, que le jugement concernant la jeune fille de quatorze ans récemment condamnée soit annulé, et que le Soudan applique les textes internationaux auxquels il a adhéré.

- page 1850


Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 18/09/2003

L'ambassade de France au Soudan a pu en effet recouper un certain nombre d'informations, provenant notamment de l'" Association soudanaise de lutte contre la torture ", animée par le journaliste Faisal el-Bagir, et confirmées par les témoignages de magistrats, selon lesquelles dix-sept femmes du village de Munwashi, situé à 80 kilomètres au nord de Nyala dans le Darfour méridional, proche du Tchad, ont été arrêtées entre le 12 et le 20 novembre 2002. Accusées d'adultère et condamnées à cent coups de fouet le 20 novembre 2002 par un tribunal d'exception de Nyala, elles n'ont pu bénéficier de la protection d'un avocat et la sentence a été exécutée le même jour. Aucune charge n'a été retenue à l'encontre des hommes concernés par cette affaire. S'agissant du cas de Mlle Mahasin Fadel Bakr, jeune femme de quinze ans, enceinte non mariée, originaire de Nyala (Darfour), l'ambassade de France au Soudan confirme que cette personne a effectivement été condamnée à cent coups de fouet le 17 mai 2003. La sentence n'a pas été exécutée et elle a été remise en liberté en attendant la naissance de l'enfant. La France suit de près la situation difficile des droits de l'homme au Soudan, notamment dans le Darfour, et est préoccupée par ces verdicts, qui violent les droits de l'homme et particulièrement les droits de l'enfant. Les autorités de Khartoum ont reconnu la faible base légale des jugements prononcés par les tribunaux spéciaux du Darfour, qui ont de fait été abolis le 2 juin dernier sous la pression de la communauté internationale, et notamment de l'Union européenne. La condamnation d'une mineure de quinze ans, enceinte, à recevoir 100 coups de fouet est une pratique contraire aux normes internationales en matière de droits de l'homme et aux obligations auxquelles le Soudan a souscrit. Le Soudan est en effet partie à la Convention sur les droits de l'enfant et au Pacte sur les droits civils et politiques, qui tous deux interdisent la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La France a, sur ces dossiers douloureux, l'intention d'effectuer prochainement une démarche diplomatique conjointe auprès des autorités soudanaises, avec les ambassadeurs de l'Union européenne accrédités à Khartoum.

- page 2832

Page mise à jour le