Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 08/10/2003

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les grandes difficultés que rencontre l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP). L'AP-HP représente à elle seule la moitié de l'hospitalisation francilienne. Son déficit cumulé devrait s'élever à 390 millions d'euros à la fin de l'année 2003. Cela résulte d'une sous-dotation budgétaire qui s'exerce depuis plusieurs années dans le cadre d'une péréquation inter et intrarégionale. Plus de 3 000 lits sont fermés, dont la moitié par manque de personnels conduisant ainsi à une baisse d'activité de 3 %. Les délais de rendez-vous s'allongent, certaines prises en charge non urgentes sont reportées. Ce contexte déjà très inquiétant est aggravé par les directives de M. le ministre de la santé adressées à la directrice de l'AP-HP. Le ministère exige de l'AP-HP qu'elle " réalise une économie structurelle " de 240 millions d'euros et précise que le déficit " devra être couvert à hauteur de 170 millions d'euros par la vente d'actifs immobiliers ". Sous réserve que ces conditions soient remplies, l'Etat prévoit l'attribution de 230 millions ce qui fait un solde négatif de 10 millions d'euros. Or il faudrait au contraire 130 millions d'euros supplémentaires ne serait-ce que pour couvrir les nouvelles dépenses obligatoires. Il ne peut résulter de cette situation qu'une nouvelle régression de l'offre de soins que dénoncent par avance le maire de Paris et son adjoint à la santé. Cette crise sans précédent de l'AP-HP fragilise le climat social, menace la qualité des soins et obère la capacité de l'institution à se moderniser. L'engagement exceptionnel des personnels, salué par tous cet été, méritait assurément une autre réponse. Un plan d'urgence s'impose. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour revenir sur les directives récentes. Quelles mesures il compte prendre pour qu'il y ait une remise à niveau budgétaire, seule solution immédiate susceptible de permettre à l'AP-HP de faire face à ses obligations de service public.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 05/11/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2003

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, les milliers de décès provoqués par la canicule sont le révélateur des carences et dysfonctionnements graves de l'ensemble du système de santé publique de notre pays. Personne ne peut dire le contraire.

Paris a payé un tribut particulièrement lourd à la crise sanitaire qui a endeuillé l'été 2003. Cela a mis en évidence le fait que la diminution des moyens attribués à l'ensemble du système sanitaire a considérablement fragilisé notre capacité de réponse aux besoins de santé, tout particulièrement quand il s'agit de faire face à des événements exceptionnels.

En ce qui concerne l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, l'AP-HP, qui représente à elle seule la moitié de l'hospitalisation francilienne, le déficit structurel s'élèvera à 240 millions d'euros pour la seule année 2003, et le déficit cumulé à 390 millions d'euros. Cela résulte de sous-dotations budgétaires successives dans le cadre d'une péréquation interrégionale et intrarégionale. A la fin du mois de septembre, 3899 lits étaient fermés, soit 16 % de la capacité totale, dont la moitié par manque de personnels, ce qui a entraîné une baisse d'activité de 2,2 %. Les délais de rendez-vous s'allongent, certaines prises en charge non urgentes sont reportées, l'accueil aux urgences est de plus en plus difficile, et je pourrais malheureusement continuer cette longue énumération si le temps ne m'était pas compté.

Ce contexte, déjà très inquiétant, est aggravé par les directives que le Gouvernement a adressées à la directrice de l'AP-HP et par lesquelles il exige que celle-ci réalise une économie structurelle de 240 millions d'euros sur quatre ans, c'est-à-dire 60 millions d'euros par an. La répartition de ce plan d'économie par hôpital vient d'être connu et fait l'objet de réactions très vives, dont la presse s'est fait l'écho, de la part des professionnels, en particulier des médecins, qui considèrent qu'il n'y a plus de marge de manoeuvre, sauf à affaiblir sérieusement la qualité des soins.

Il faudrait au contraire 130 millions d'euros supplémentaires, ne serait-ce que pour couvrir les nouvelles dépenses obligatoires.

Il ne peut résulter de cette situation qu'une nouvelle régression de l'offre de soins et de l'emploi que dénoncent par avance le maire de Paris et son adjoint à la santé, mon ami Alain Lhostis.

Cette crise sans précédent de l'AP-HP fragilise le climat social, menace la qualité des soins et obère la capacité de l'institution à se moderniser. L'engagement exceptionnel des personnels, qui a été salué par tous cet été - chacun y était allé de son petit couplet -, méritait assurément une autre réponse. Un plan d'urgence s'impose.

Je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, si le Gouvernement compte revenir sur les directives récentes. Par ailleurs, envisage-t-il de prendre des mesures afin de mettre en place une dotation exceptionnelle en vue de combler le déficit ainsi qu'une politique budgétaire pérenne, seule solution immédiate susceptible de permettre à l'AP-HP de faire face à ses obligations de service public ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, vous avez attiré l'attention de M. Jean-François Mattei, dont je vous prie d'excuser l'absence, sur la situation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris. Je voulais porter à votre connaissance certains éléments de réponse.

Premier établissement hospitalier français, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris dispose d'un potentiel humain et médical exceptionnel qu'il faut préserver. Sa situation financière est toutefois préoccupante, et elle doit être redressée.

Premièrement, l'AP-HP dispose d'un potentiel exceptionnel qui lui assure une place de premier plan, en France, mais aussi dans le monde. Ce potentiel repose sur sa capacité à développer une recherche clinique performante en étroite relation avec des équipes de recherche institutionnelles de grande qualité, sur sa fonction de recours ultime, à l'échelle nationale, dans un grand nombre de situations diagnostiques et thérapeutiques, ainsi que sur son rayonnement en matière d'évaluation et de diffusion de l'innovation comme de formation.

Deuxièmement, il reste que l'AP-HP est aujourd'hui dans une situation financière qui compromet son avenir. Je citerai deux chiffres : le déficit d'exploitation cumulé s'élevait à 140 millions d'euros à la fin de l'année dernière ; l'insuffisance de base ressortait à 250 millions d'euros en 2003, sans mesures correctives.

Aujourd'hui, il faut agir pour donner à l'établissement les moyens d'un retour durable à l'équilibre financier. C'est à cette condition - et à cette condition seulement - qu'il sera à même d'assurer sa mission de service public, dans l'unité et en cohérence avec l'ensemble de l'offre de soin disponible en Ile-de-France.

Il apparaît raisonnable que l'effort de redressement de l'AP-HP s'inscrive dans un contrat d'engagement réciproque de retour à l'équilibre impliquant l'Etat et l'établissement lui-même. Loin d'être discriminant pour l'AP-HP, le contrat qui lui est proposé vise à l'accompagner dans son redressement sans brutalité, mais aussi sans concession.

De son coté, l'AP-HP s'engagera, sans délai, dans un effort de rationalisation et de productivité. Cet effort doit conduire à réaliser une économie structurelle cumulative de 60 millions d'euros par an de 2004 à 2007. Par ailleurs, la vente d'actifs immobiliers ne servant pas aux activités médicales permettra de couvrir le déficit d'exploitation.

En contrepartie, l'Etat a pris des engagements. Dès 2004, la péréquation précédemment appliquée à la dotation globale de l'AP-HP, et à celle de l'Ile-de-France tout entière, sera supprimée. Une amélioration de sa base budgétaire de 230 millions d'euros en quatre ans lui sera accordée, hors dotations exceptionnelles liées aux plans nationaux.

Il s'agit donc non pas de stigmatiser l'AP-HP et les personnels qui y consacrent leur énergie, mais au contraire de sortir du cercle vicieux qui consistait à considérer que la taille et la complexité de la stucture constituaient, à elles seules, un motif suffisant pour ne pas regarder la situation en face.

C'est parce que nous croyons en l'unité de l'AP-HP et en son formidable potentiel que nous avons souhaité établir un plan réaliste de redressement. L'Etat et l'AP-HP ont décidé d'assumer leurs responsabilités.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait nullement. En effet, les difficultés financières rencontrées par l'AP-HP résultent des sous-dotations financières successives. Faire croire qu'elles proviendraient de gaspillages est vraiment hors de propos !

L'hôpital public a certes besoin d'évoluer pour faire face à l'accroissement des besoins en matière de santé et aux progrès de la science. Cette évolution nécessite des moyens, qui sont actuellement refusés, et les personnels sont bien placés pour savoir qu'ils sont actuellement dans l'incapacité de faire face aux demandes.

Il faudrait engager une grande réforme de l'hôpital public et de la sécurité sociale, garantissant des moyens à la hauteur des besoins. Mais, en ce qui concerne l'hôpital, un plan d'urgence s'impose.

S'agissant plus spécifiquement de la politique en direction des personnes âgées, par exemple, il faut créer un grand service public de maintien à domicile garantissant la coordination entre les différents dispositifs médico-sociaux publics et libéraux et organiser des réseaux de soins entre les centres de santé, la médecine de ville et les services hospitaliers. Tout cela ne correspond absolument pas au plan d'économie que vous proposez.

Si, par exemple, la ville de Paris fait des efforts considérables pour apporter une réponse spécifique aux personnes âgées, l'Etat doit prendre ses responsabilités.

L'hôpital répond à des besoins urgents auxquelles il faut faire face. Aussi, dire que l'AP-HP doit redresser sa situation financière comme si elle laissait filer les dépenses et comme si des économies étaient possibles me paraît indécent.

Membre du conseil de surveillance d'un grand hôpital de l'AP-HP, l'hôpital de la Salpêtrière, je peux vous assurer que si, chaque année, les dépenses excèdent les recettes, c'est imputable non pas à une gabegie dans la gestion de l'hôpital, mais à l'insuffisance de la dotation de l'Etat, qui refuse de prendre ses responsabilités.

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