Question de M. POIRIER Jean-Marie (Val-de-Marne - UMP) publiée le 22/10/2003

M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'aggravation des pollutions sonores engendrées par la multiplication des infrastructures ferroviaires. Les pouvoirs publics se sont engagés dans une nouvelle bataille du rail, multipliant les projets d'infrastructures ferroviaires en vue d'un doublement du trafic fret d'ici 2010. L'un des principaux chantiers prévus en Ile-de-France est la construction d'une troisième voie ferrée sur la grande ceinture entre Sucy et Valenton destinée à doubler le trafic actuel, celui-ci devant passer de 250 à 400 passages, y compris la nuit ! L'annonce de ce projet suscite l'exaspération de la population du sud du Val-de-Marne déjà fortement exposée aux nuisances phoniques : trafic aérien autour de l'aéroport d'Orly, proximité de la RN 19 et de l'A 86, grandes zones d'activités induisant un important trafic routier notamment de poids lourds... Le parc de wagons de marchandises étant ancien et les systèmes de freinage et de triage extrêmement bruyants, le trafic fret dans cette zone génère actuellement des bruits assourdissants, pouvant atteindre la nuit 75 db. Cette zone étant située en pied de colline, les nuisances sont rendues insupportables par l'effet caisse de résonance. Au nom d'une éventuelle diminution des nuisances sonores routières, le développement du ferroutage aggravera donc les nuisances subies par les riverains des voies ferrées. En effet, avec le doublement des passages des trains, passant de 250 à plus de 400, la gêne des riverains atteindra son paroxysme puisque, comme le soulignent les directives de l'Organisation mondiale de la santé, la nocivité du bruit réside tant dans son niveau que dans sa répétition. Cet exemple démontre que dix ans après l'adoption de la loi bruit n° 92-1444 du 31 décembre 1992, tout ou presque reste à faire, d'autant que de nouveaux points noirs se créent tous les jours. Faute de décrets d'application, l'essentiel des dispositions de la loi bruit est resté lettre morte. Le 6 octobre dernier a été présenté, à Melun, " un plan national d'actions contre le bruit ". Il lui demande en conséquence de bien vouloir indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de renforcer la lutte contre le bruit des transports terrestres et le calendrier de mise en oeuvre de celle-ci.

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Réponse du Secrétariat d'Etat au développement durable publiée le 17/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003

M. Jean-Marie Poirier. Madame la secrétaire d'Etat, il semblerait que les pouvoirs publics se soient engagés depuis un certain temps dans une sorte de nouvelle bataille du rail ou, plus exactement, dans une nouvelle bataille du fret ferroviaire, en multipliant les projets d'infrastructures ferroviaires en vue d'un doublement du trafic de fret d'ici à 2010.

Cet objectif laisse songeur, si l'on s'en rapporte aux conclusions de nos collègues MM. Haenel et Gerbaud dans leur rapport du mois de mars 2003 relatif au fret ferroviaire.

Néanmoins, c'est dans ce contexte qu'autour de Paris la voie de ceinture, qui est affectée au trafic marchand, est dès maintenant l'objet de nombreux et ambitieux projets. L'un des principaux chantiers prévus est la construction d'une troisième voie ferrée sur la grande ceinture entre les villes de Sucy et Valenton, l'objectif étant de doubler le trafic actuel, celui-ci devant passer de 240 à 400 passages quotidiens, y compris et surtout la nuit.

L'annonce de ce projet suscite bien évidemment une profonde inquiétude, voire l'exaspération de la population du sud-est du Val-de-Marne. En effet, le tracé proposé traverse des zones très urbanisées ou très résidentielles, notamment les communes de Chennevières, d'Ormesson, de Sucy-en-Brie, de Bonneuil et de Boissy-Saint-Léger, qui sont déjà très fortement exposées aux nuisances phoniques du trafic aérien autour de l'aéroport d'Orly, des grandes voies de circulation, comme la RN 19 et l'autoroute A 86, ainsi qu'à l'important trafic routier, notamment de poids lourds, qui découle du développement de multiples zones d'activité.

En outre, le parc de wagons de marchandises étant ancien et les systèmes de freinage et de triage extrêmement bruyants, le trafic de fret dans cette zone génère des bruits assourdissants, dépassant couramment 70 décibels. Cette zone étant située en pied de colline, les nuisances sont rendues insupportables par l'effet « caisse de résonnance ».

Avec le doublement des passages de trains dont le nombre passe de 240 à plus de 400, la gêne des riverains atteindra son paroxysme. En effet, comme le soulignent les directives de l'Organisation mondiale de la santé, la nocivité du bruit réside tant dans son niveau que dans sa répétition.

Madame la secrétaire d'Etat, au nom de principes que nous partageons tous et d'une éventuelle diminution des nuisances routières, le développement du ferroutage aggrave en fait les nuisances subies par les riverains des voies ferrées. Cet exemple démontre qu'avec les compagnies aériennes la SNCF est bien le principal pollueur sonore de l'Ile-de-France.

Dix ans après l'adoption de la loi relative à la lutte contre le bruit en 1992, tout ou presque reste à faire, d'autant que de nouveaux « points noirs » se créent tous les jours.

Force est d'ailleurs de constater que, en matière de bruit, le précédent gouvernement s'est limité à des effets d'annonce, des rendez-vous manqués. Ainsi, l'engagement pris dans le cadre du programme de lutte contre les nuisances sonores, présenté au conseil des ministres du 10 novembre 1999, de demander à la SNCF de définir un programme de remplacement systématique du dispositif de freinage des trains est resté lettre morte.

Le 6 octobre dernier, à Melun, vous avez présenté un plan d'actions contre le bruit. Aujourd'hui, à partir du cas d'école que je viens d'énoncer, pouvez-vous présenter des mesures concrètes et un calendrier réaliste de mise en oeuvre, permettant de garantir que les projets d'infrastructures ferroviaires prendront enfin en considération l'insertion dans l'environnement et préserveront ainsi la qualité de vie de nos villes et de leurs habitants ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, le développement durable des transports suppose un rééquilibrage des modes de déplacement en faveur des modes les plus écologiques. Cela concerne notamment le transport des marchandises qui est aujourd'hui très majoritairement assuré par la route et dont les nuisances en termes d'émission de gaz à effet de serre, de pollution atmosphérique ou de congestion posent des problèmes alors que le fret ferroviaire perd régulièrement des parts de marché.

La modernisation et le développement du réseau ferroviaire sont, à ce titre, nécessaires, mais ils doivent bien entendu être maîtrisés afin, notamment, de limiter l'exposition au bruit de nos concitoyens.

La réglementation du bruit des infrastructures ferroviaire est entrée en vigueur depuis l'année 2000, et je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que, dans ce domaine, les dispositions réglementaires de la loi relative à la lutte contre le bruit ont bien été prises. Elles permettent de garantir une protection suffisante des riverains, d'autant que les obligations de résultats s'imposent pendant toute la durée de vie de l'infrastructure.

Réseau ferré de France, comme tout maître d'ouvrage d'infrastructures de transports terrestres, est tenu au respect de cette réglementation.

Par ailleurs, l'homologation internationale récente des semelles de freins en matériaux composites ouvre de nouvelles perspectives pour la réduction des nuisances sonores du transport ferroviaire.

Le remplacement des semelles de freins en fonte des wagons en circulation par ces semelles composites est encouragé par la Commission européenne. Une diminution de l'ordre de 8 à 10 décibels des pics de bruit au passage des trains - ce qui est considérable - en est attendue.

Pour ce qui concerne le cas de la grande ceinture ferroviaire, Réseau ferré de France a effectivement le projet de créer une troisième voie entre Sucy-en-Brie et Valenton, qui va porter la capacité pratique de cette ligne de 242 sillons à 340, dont 159 de nuit, ce qui représente une augmentation significative de 40 % du trafic.

Dès lors, Réseau ferré de France doit mettre en oeuvre un plan important de réduction de la gêne sonore, conformément à la réglementation.

Réseau ferré de France a indiqué qu'il présenterait prochainement à l'Etat et à la région une nouvelle solution de protection contre le bruit, plus performante que la solution présentée en 2002 aux collectivités locales riveraines du projet, avec pour objectif de supprimer les « points noirs ». Le projet sera présenté au public dès le printemps 2004, à une échéance permettant une concertation préalable avec les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.

M. Jean-Marie Poirier. Madame la secrétaire d'Etat, nous ne pouvons que nous réjouir des quelques informations que vous venez de nous donner, en particulier du fait que RFF pourrait revoir son premier projet, qui est totalement inacceptable.

Cela dit, nous restons tout de même extrêmement sceptiques car, depuis une trentaine d'années que l'on mesure un niveau sonore de plus de 70 décibels sur le parcours que j'ai évoqué, notamment à l'occasion des 159 passages de nuit, toutes les récriminations, toutes les interventions, toutes les démarches auprès de la SNCF sont restées lettre morte. Il semblerait que les écrans anti-bruit que construit la SNCF servent essentiellement à empêcher que n'arrivent à elle les demandes et les requêtes des communes riveraines !

Nous espérons beaucoup, les uns et les autres, des nouvelles propositions que fera Réseau ferré de France au début de l'année 2004, mais, par expérience, nous ne pouvons qu'être sceptiques.

Je me permettrai d'ailleurs de rappeler qu'à l'occasion de la XIe édition des « décibels d'or » presque tout le monde a été récompensé, mais pas le système ferroviaire français !

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