Question de M. LECLERC Dominique (Indre-et-Loire - UMP) publiée le 29/10/2003

M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la situation juridique de l'archéologie préventive. En effet, si la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 est venue corriger la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 en supprimant le monopole de l'Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP), permettant ainsi le retour d'autres acteurs, notamment les collectivités locales, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas touché aux conditions des prescriptions scientifiques des services régionaux d'archéologie (SRA), de telle sorte que le niveau de prescription ainsi que le coût de leur mise en oeuvre restant très élevés, les dossiers de construction et d'aménagement sont toujours aussi entravés. C'est pourquoi, il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir s'il entend prendre des mesures telles que l'allègement de la nomenclature, l'obligation pour les SRA de motiver et de négocier avec les aménageurs les fouilles qu'ils prescrivent, la création effective d'un instrument objectif et prévisionnel, afin d'alléger ces contraintes.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 17/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003

M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les collectivités locales dans la réalisation des opérations de fouilles archéologiques. En effet, malgré les corrections qui ont été apportées, grâce à votre intervention, à la loi du 17 janvier 2001, aucune mesure n'a été adoptée afin de modifier les conditions de prescription scientifique des services régionaux d'archéologie.

Ainsi, les services de l'Etat continuent à prescrire sur la base d'une nomenclature très large, bien qu'une circulaire du mois de janvier 2003 leur demande d'atténuer le niveau de leurs prescriptions, qui ne correspond pas toujours à l'objectif visé.

Par ailleurs, le monopole de l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, pour le diagnostic préalable a été à peine écorné par la loi que nous avons votée l'été dernier. Or, cette phase de diagnostic est au coeur du goulet d'étranglement actuel. Demain, ce seront les plans de fouilles issus de ces diagnostics.

La loi du 1er août 2003 a autorisé les collectivités disposant d'un opérateur agréé à établir des diagnostics. Ce principe a cependant été admis uniquement pour leurs besoins propres, c'est-à-dire pour les besoins de leurs propriétés. Cette faculté n'a pas été étendue aux opérations d'aménagement, aux projets routiers, aux zones économiques, aux lotissements ou aux projets d'urbanisme. En conséquence, les difficultés demeurent très nombreuses pour les collectivités !

D'une part, si le niveau de prescription reste identique, la question des moyens continuera à être mise en avant par l'INRAP. D'autre part, les collectivités locales ne pourront pas créer des services de substitution, soit pour les raisons que je viens d'évoquer, soit pour des raisons budgétaires. Ainsi, tant que le niveau de prescription restera élevé, le coût de mise en oeuvre le sera également. Enfin, la création d'un service, lorsqu'elle est possible, prend du temps.

Pour autant, les collectivités locales s'organisent. Dans mon département, l'Indre-et-Loire, un archéologue a ainsi été recruté afin de servir de médiateur, de conseil et de directeur de petites équipes de fouille. Certaines régions réfléchissent par ailleurs à la mise en place de services interdépartementaux.

Toutefois, la réponse structurelle au problème consiste à baisser le niveau des fouilles archéologiques préventives. C'est donc en amont, et non pas en aval, qu'il faut chercher la réponse.

Plusieurs voies sont possibles. Tout d'abord, la nomenclature doit être allégée. Ensuite, les fouilles prescrites par les services régionaux d'archéologie doivent être motivées et surtout négociées avec les aménageurs. Enfin, il faut créer un instrument objectif et prévisionnel. Sur ce point, les lois ont seulement ouvert une piste qu'il faut maintenant concrétiser.

Elles prévoient, en effet, l'édiction par le préfet de région de zonages de saisine dans lesquels le diagnostic est obligatoire. Il est également prévu une carte archéologique permettant de distinguer les aires sensibles des aires secondaires. Ces instruments, s'ils offrent une meilleure visibilité pour les aménageurs, ne garantissent absolument pas la limitation des diagnostics, car les services régionaux d'archéologie ont toujours la possibilité de prescrire hors zone de saisine. Il serait donc opportun de mettre très rapidement en place ces zones ou ces cartes.

Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais vous soumettre sur ce problème. Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire connaître votre sentiment sur les différentes propositions que je viens de formuler.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous indiquez qu'il est nécessaire d'assurer un bon équilibre entre les contraintes liées à l'archéologie préventive et celles qui s'imposent aux aménageurs. C'est, ne l'oublions pas, l'un des objectifs essentiels de la réforme de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive que j'ai proposée au Parlement.

La loi du 1er août 2003 qui en est résultée rappelle que l'Etat doit veiller à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. La loi prévoit en outre l'existence de zones où les projets d'aménagement affectant le sous-sol sont présumés faire l'objet de prescriptions archéologiques, et ce avant même la réalisation de sondages. Cet instrument, dont l'élaboration est en cours, permettra une meilleure gestion de la prévision des aménageurs.

Elle rappelle également que les prescriptions de l'Etat concernant les diagnostics et les opérations de fouille d'archéologie préventive doivent être motivées. La loi a par ailleurs mis en place une redevance générale d'archéologie préventive qui permet de mieux répartir le financement des diagnostics. En outre, elle a institué un fonds national d'archéologie préventive, financé par cette même redevance, qui permet d'accorder des subventions aux aménageurs dans certaines circonstances, notamment lorsque leur capacité financière est réduite, afin de leur permettre d'assumer le coût des fouilles et d'en soutenir la qualité scientifique.

Monsieur le sénateur, je procède à ces quelques rappels pour souligner à quel point les dispositions de la loi du 1er août 2003 constituent un progrès par rapport au caractère abrupt de celles de la loi du 17 janvier 2001.

Dans la mise en oeuvre de la loi, il est essentiel, comme vous le soulignez, de veiller au renforcement du dialogue entre le prescripteur, l'aménageur et l'opérateur des fouilles, avant même les opérations archéologiques. Une circulaire rappelant l'importance de cette concertation sera prochainement diffusée.

Il s'agira notamment d'encourager le report de certains projets d'aménagement sur un autre site s'il était avéré par avance que l'excavation envisagée pourrait porter atteinte au sous-sol archéologique. L'établissement du zonage et de la carte archéologique est donc particulièrement important. Vous vous en doutez, monsieur le sénateur, le processus prendra nécessairement du temps, puisque l'ensemble du territoire national est concerné.

Dans l'élaboration du décret d'application de la loi, nous sommes très attentifs à tous ces sujets ainsi qu'à la maîtrise des délais de procédure qui constitue l'un des facteurs d'efficacité de la loi que vous avez votée.

J'observe que la maîtrise du nombre de prescriptions par les services de l'Etat est également un élément majeur du dispositif de la réforme. C'est à cette fin que deux circulaires, en janvier et en octobre 2003, ont d'ores et déjà invité les préfets de région, qui assurent in fine la responsabilité de la prescription, à une sélectivité renforcée. Celle-ci doit naturellement tenir compte de façon équilibrée des priorités scientifiques, d'une part, et du juste équilibre entre les prescriptions de diagnostic ou de fouilles archéologiques et les moyens en personnels disponibles, d'autre part, que ces personnels proviennent de l'INRAP ou d'un autre organisme agréé. Les questions relatives au respect des délais sont également prises en compte.

Monsieur le sénateur, je veillerai, au cours des prochains mois - et vous savez à quel point le processus a été difficile - à améliorer les conditions de mise en oeuvre de cette loi, dont la qualité appelle une vigilance toute particulière de la part des services de l'Etat et des préfets. Cela étant, nous savons, pour en avoir beaucoup débattu dans cette assemblée, que l'archéologie préventive est une obligation qui nous honore et qui s'impose à nous. N'oublions pas qu'elle nous a permis, au cours des derniers mois, de retrouver les traces des tombes des guerriers gaulois de la bataille de Gergovie et, voilà quelques semaines, les vestiges de la cathédrale Saint-Césaire à Arles.

M. le président. La parole est M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Nous sommes évidemment tous convaincus de l'importance des fouilles d'archéologie préventive, notamment dans un pays riche en histoire comme le nôtre. Monsieur le ministre, je suis satisfait que vous travailliez à la publication rapide des circulaires et décrets d'application de la loi du 1er août 2003. La mise en oeuvre équilibrée de cette loi ne peut se faire que dans le dialogue et la concertation. Les uns et les autres ne doivent pas rester arc-boutés sur une certaine nomenclature qui, dans un premier temps, est légitimement très ouverte, eu égard également à des délais de réalisation de grands projets que nos concitoyens attendent.

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