Question de M. COQUELLE Yves (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 17/11/2003

M. Yves Coquelle attire l'attention M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les graves et légitimes inquiétudes qui préoccupent les autorités portuaires et les salariés de nombreux ports français, et en particulier du port de Calais. La première porte sur les conséquences de la directive européenne, votée le 30 septembre 2003 par huit voix contre sept, qui prévoit dans les ports la réintroduction de l'autoassistance avec tous les dangers qu'entraîne cette pratique sur les métiers portuaires, les emplois stables qualifiés et les statuts sociaux correspondants. De plus, l'autoassistance étant soumise à une autorisation d'Etat, il risque d'y avoir des situations complètement différentes et de très grandes disparités d'un pays à l'autre. La seconde inquiétude porte sur la décentralisation. En effet, est-ce bien encore l'Etat qui reste l'autorité de tutelle des ports d'intérêt nationaux ? Les concessions portuaires restent-elles assumées par les chambres de commerce et d'industrie maritimes ? Quelles garanties sont prévues pour que les emplois des travailleurs portuaires ainsi que les métiers portuaires, avec leur réglementation sociale, soient respectés ? Des questions extrêmement sensibles, comme la sécurité, l'environnement, les qualifications indispensables, ne risquent-elles pas d'être bradées par l'absence de contrôle de l'Etat ? Enfin, la troisième inquiétude concerne les accords du Touquet, signés en février 2003 entre la France et le Royaume-Uni et qui portent sur les questions de l'immigration clandestine. Les mesures draconiennes prises pour le port de Calais ne semblent pas concerner les ports voisins, qu'ils soient français, belges ou néerlandais. Cette disparité risque d'entraîner à très brève échéance une concurrence déloyale dans, par exemple, le traitement du fret. Concurrence déloyale qui risque de mettre gravement en cause la pérennité de l'activité des travailleurs portuaires de la chambre de commerce de Calais, qui compte plus de 600 salariés. De plus, ces mesures appliquées au seul port de Calais et non étendues à l'ensemble des ports européens commerçant avec le Royaume-Uni ne régleront en rien l'épineuse question de l'immigration clandestine. Il lui demande que des réponses concrètes aux légitimes interrogations des salariés et de la chambre de commerce de Calais soient enfin apportées.

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Réponse du Secrétariat d'Etat au tourisme publiée le 14/01/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/01/2004

M. Yves Coquelle. Je veux attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les graves et légitimes inquiétudes des autorités portuaires et des salariés de nombreux ports français, en particulier du port de Calais.

D'abord, nous notons avec intérêt l'abrogation de la directive européenne, votée le 30 septembre 2003, qui prévoyait la réintroduction dans les ports de l'auto-assistance, avec tous les risques qu'entraînait cette pratique sur les métiers portuaires, sur les emplois qualifiés et sur les statuts du personnel. Il n'en demeure pas moins que les salariés du port de Calais sont très inquiets des conséquences de la décentralisation. En effet, est-ce bien l'Etat qui reste l'autorité de tutelle des ports d'intérêt national ? Les concessions portuaires restent-elles assumées par les chambres de commerce et d'industrie maritimes ? Quelles garanties sont prévues pour que les emplois des travailleurs portuaires ainsi que les métiers portuaires, avec leur réglementation sociale, soient respectés ? Des questions extrêmement sensibles comme la sécurité, l'environnement, les qualifications indispensables ne risquent-elles pas d'être bradées par l'absence de contrôle de l'Etat ?

Enfin, la troisième inquiétude des salariés du port de Calais concerne les accords du Touquet, signés en février 2003 entre la France et le Royaume-Uni, qui portent sur les questions de l'immigration clandestine. Les mesures draconiennes prises pour le port de Calais, les multiples contrôles qui allongent les durées d'attente, ne semblent pas concerner les ports voisins, qu'ils soient français, belges ou hollandais. Cette disparité risque d'entraîner à très brève échéance une concurrence déloyale, notamment dans le traitement du fret, concurrence déloyale qui risque de mettre gravement en cause la pérennité de l'activité des travailleurs portuaires de la chambre de commerce de Calais, qui compte plus de 600 salariés. De plus, ces mesures qui sont appliquées au seul port de Calais et qui ne sont pas étendues à l'ensemble des ports européens commerçant avec le Royaume-Uni ne régleront en rien l'épineuse question de l'immigration clandestine.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les salariés et la chambre de commerce de Calais souhaitent que soient enfin apportées des réponses concrètes à leurs légitimes interrogations.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé des questions portant sur le projet de directive relative aux services portuaires, sur la décentralisation et sur l'application des accords du Touquet.

S'agissant du projet de directive relative aux services portuaires, le Parlement européen, lors de sa séance du 20 novembre dernier, a repoussé le compromis élaboré au mois de septembre entre le Conseil et une délégation du Parlement européen. Le Gouvernement prend acte du vote négatif du Parlement européen. Néanmoins, au niveau français, il est de toute façon nécessaire de clarifier la réglementation applicable aux services aux navires. Un avant-projet de décret sera soumis à concertation dans les semaines à venir sur ce sujet.

Mais au-delà de cette clarification réglementaire, il paraît indispensable que les partenaires sociaux jettent les bases de la reconnaissance des qualifications professionnelles requises pour exercer des métiers nécessitant, dans un contexte de compétition mondiale, une technicité de plus en plus affirmée, notamment dans la manutention, sans pénaliser le développement du cabotage maritime. La promotion de l'intermodalité et des autoroutes de la mer consacrée par le dernier CIADT, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, est en effet un enjeu essentiel.

En ce qui concerne la décentralisation des ports maritimes, la Haute Assemblée a examiné voilà quelques jours un projet de loi et y a apporté des améliorations. Ainsi, les ports d'intérêt national seront décentralisés. Le rôle d'autorité concédante sera donc transféré aux collectivités territoriales, sans affecter le rôle de concessionnaire exercé aujourd'hui, très majoritairement, par les chambres de commerce et d'industrie. Cette évolution ne remet nullement en cause les dispositions du droit du travail, de l'environnement, de la sécurité, telles qu'elles ont été définies par le législateur.

Quant aux accords du Touquet, ils concernent tous les ports de la Manche et de mer du Nord. Calais, premier port en importance pour le trafic transmanche, a travaillé depuis longtemps avec les services de l'Etat pour mettre en oeuvre des mesures de sûreté pour les voyageurs et de lutte contre l'immigration clandestine. Au-delà de ces accords du Touquet, tous les ports maritimes d'Europe et du monde vont devoir mettre en oeuvre le code international de sûreté maritime et portuaire, le code ISPS, approuvé par l'Organisation maritime internationale en décembre 2002. Son application, prévue pour le 1er juillet 2004, soulève des questions de financement et d'organisation sur lesquelles une mission interministérielle nous fera des propositions au cours de ce trimestre.

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait qu'à moitié. En effet, concernant les accords du Touquet, ils s'appliquent au port de Calais alors qu'ils ne sont pas encore mis en oeuvre dans les ports voisins. Aussi, la concurrence déloyale que j'évoquais voilà quelques instants existe déjà et les salariés sont légitimement inquiets.

S'agissant de la décentralisation des ports aux collectivités territoriales, si je vous ai bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, elle n'affectera en rien le statut actuel des salariés du port de Calais. Est-ce bien cela ?

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat. Oui, normalement !

M. Yves Coquelle. J'en prends acte.

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