Question de M. MOULY Georges (Corrèze - UMP) publiée le 12/12/2003

M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur l'intérêt du dispositif particulier des abattements de salaires pour favoriser le passage des travailleurs handicapés du milieu protégé vers le milieu ordinaire de travail. Alors que chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt de développer l'intégration professionnelle des personnes handicapées dans le milieu ordinaire du travail, il lui demande s'il ne pourrait être envisagé des mesures qui permettraient de mieux faire connaître cet outil et d'assouplir son utilisation d'un point de vue administratif.

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Réponse du Ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine publiée le 14/01/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/01/2004

M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, l'insertion professionnelle des personnes handicapées est un objectif étroitement lié à l'évolution du regard de notre société sur le handicap.

L'avant-projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées consacre cet état d'esprit, en soulignant la nécessaire valorisation du travail en centres d'aide par le travail, les CAT, et en réaffirmant la place du travail protégé comme un refuge et/ou un tremplin et en prônant le développement des dispositifs facilitant l'insertion professionnelle.

Déjà, la convention entre l'Etat et l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, avait arrêté un programme d'impulsion et d'accélération de la mobilisation des moyens financiers en vue de parvenir à une meilleure insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

La formule de l'« abattement de salaire » permet aux travailleurs handicapés de bénéficier d'une rémunération conventionnelle et d'un véritable statut de salarié avec un contrat de travail relevant du droit commun. Aujourd'hui, cet outil performant permet à plus de 13 000 travailleurs handicapés d'occuper un emploi en milieu ordinaire.

Cependant, trop peu connue et peu promue par les directions départementales de l'emploi, cette formule reste encore marginale. Elle serait remise en question et sa disparition serait même prônée au motif qu'elle est peu utilisée, donc inutile, sans même que l'on s'interroge sur les causes de cette sous-utilisation. Il s'agit, je l'ai dit, d'un manque d'information et de souplesse administrative.

Des expériences de type EPMO, emploi protégé en milieu ordinaire, qui sont une « extension » de la formule « abattement de salaire », sur lesquelles aurait été donné un avis favorable, se sont développées en région Rhône-Alpes, en Ile-de-France et dans le Nord. Elles ont démontré l'efficacité de ce dispositif, tant d'un point de vue humain que d'un point de vue économique. Elles trouvent légitimement leur place parmi les passerelles, dont on parle souvent, entre le milieu protégé, tel que le CAT, et le milieu ordinaire.

Ce dispositif contribue par ailleurs à lever les réticences des employeurs, l'intégration se faisant progressivement sur trois ans avec un accompagnement social et professionnel du travailleur handicapé. L'EPMO est en effet reconnu par les professionnels du secteur comme étant un outil fiable, réclamé, on s'en doute, par les personnes handicapées qui peuvent tenter une intégration professionnelle lorsque celle-ci fait partie de leur projet de vie, sans rupture brutale avec leur établissement d'accueil. L'entreprise bénéficie de son côté d'une aide indispensable à la réussite du projet d'intégration.

Par ailleurs, des études mettent en avant des résultats concordants quant aux substantielles économies qui peuvent ainsi être réalisées sur les budgets de l'Etat. En effet, comparé à une place en CAT, le coût d'un EPMO est quatre fois inférieur ! Autre effet bénéfique, les EPMO libèrent des places dans les CAT et allègent les files d'attente. Ce dispositif est un échelon supplémentaire de la hiérarchisation des revenus entre les différents milieux de travail et contribue à la promotion du parcours professionnel d'un travail handicapé.

Ne pas développer cet instrument, voire tenter de le supprimer, semblerait - j'emploie à dessein le conditionnel - relever d'une simple logique comptable à court terme, qui est aux antipodes de la volonté politique, aujourd'hui affichée, de placer la personne handicapée au coeur de la cité, ce qui passe par une intégration sociale et donc, chaque fois que possible, par une intégration professionnelle.

Monsieur le ministre, parce cela intéresse les travailleurs handicapés, les familles, les professionnels du secteur, les employeurs potentiels, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour promouvoir le dispositif particulier des abattements de salaires et en assouplir l'utilisation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Le passage des travailleurs handicapés du milieu protégé vers le milieu ordinaire constitue une priorité du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

L'actuel dispositif de la garantie de ressources en milieu ordinaire, qu'il s'agisse de l'abattement de salaire ou du travail protégé en milieu ordinaire, n'a pas fait ses preuves du moins quantitativement, quelles qu'en soient les explications : 11 250 bénéficiaires en 2002 pour environ 350 000 travailleurs handicapés employés dans le secteur privé.

En outre, son application n'est pas aisée puisqu'elle suppose une évaluation de la productivité des personnes handicapées, dont chacun reconnaît aujourd'hui la difficulté de la fonder objectivement. Par ailleurs, ce dispositif ne facilite pas la mobilité professionnelle des salariés handicapés et se révèle parfois stigmatisant pour les intéressés.

Cela a conduit les pouvoirs publics à s'interroger sur la pertinence de cette mesure et à réfléchir à sa réforme.

A cette fin, le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées vise à prévoir que des aides spécifiques à l'emploi, plus lisibles pour les usagers - travailleurs handicapés et employeurs - et d'une application plus facile pour les opérateurs, devraient être mises en place dans les secteurs économiques où l'effet du dispositif apparaît utile, par exemple dans certaines activités agricoles et artisanales.

Les caractéristiques de ces nouvelles aides seront précisées rapidement, de sorte qu'il n'y ait pas de rupture de financement pour les bénéficiaires actuels du dispositif.

Le financement de ces nouvelles aides sera inscrit dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs Etat-AGEFIPH, dans la continuité de ce qui est pratiqué actuellement pour le financement de la garantie de ressources en milieu ordinaire.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et je me réjouis de constater que la passerelle entre le milieu protégé et le milieu ordinaire, dont l'importance est soulignée depuis longtemps, fait effectivement partie des priorités du futur projet de loi.

L'EPMO n'a pas fait ses preuves, me dites-vous, alors que certaines personnes, sur place, m'ont dit le contraire. Au demeurant, si son succès n'est que relatif, cela est dû à un manque d'informations et à quelques lourdeurs administratives, raisons qui ne sont pas propres à ce domaine-là.

Quoi qu'il en soit, l'essentiel est de mettre le cap sur les mesures qu'il est possible, en l'état actuel, de mettre en oeuvre rapidement. Vous avez parlé, en la matière, monsieur le ministre, d'une révision du contrat Etat-AGEFIPH et vous avez indiqué que les nouvelles aides prévues seraient mises en place rapidement, afin d'éviter toute interruption dans le versement. Je formule l'espoir que les choses se passent ainsi.

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