Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 25/02/2004

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur les restrictions budgétaires que subissent les établissements scolaires parisiens tant du premier que du second degré. Dans le secondaire, au niveau national, le nombre de postes mis au concours 2004 est réduit à 12 500 pour les concours externes. C'est un tiers de moins qu'en 2003. Il faut remonter à la fin des années 80 pour retrouver des chiffres aussi faibles. Ces mesures se traduisent à Paris par une réduction de 4 500 heures d'enseignement dans les collèges et lycées, car Paris subit non seulement les coupes budgétaires décidées au plan national mais aussi celle d'un plan dit de " retour à l'équilibre " spécifique à l'académie de Paris, ce qui induit la suppression de 111 postes supplémentaires. Quant au primaire, les postes pourvus, même en augmentation de 20 unités, sont totalement insuffisants au regard des besoins et de la montée pédagogique prévue pour la rentrée 2004-2005. Cette situation était déjà critique cette année. Cela s'est particulièrement vu dans les importants dysfonctionnements lors des remplacements d'instituteurs à Paris. Cette situation souligne le manque de postes à Paris. Ces suppressions de moyens, tant dans le primaire que dans le secondaire, amplifieront considérablement les inégalités scolaires à Paris en réduisant les chances de réussite de tous les élèves et en premier lieu des élèves en difficulté. Ces mesures apparaissent comme une véritable déclaration de guerre aux populations des arrondissements du Nord-Est parisien et touchent de plein fouet les établissements situés en ZEP (zone d'éducation prioritaire). De plus, l'enseignement technique et professionnel, déjà mis à mal à Paris, subit une attaque en règle. Le volume de l'enseignement y serait réduit de 750 heures. Une nouvelle fois ce sont les classes populaires qui en subiront les conséquences. Par conséquent, elle lui demande ce qu'il compte faire pour revenir sur ces restrictions de moyens, tant dans le premier que dans le second degré, et pourvoir aux postes nécessaires en vue de permettre aux élèves de continuer à bénéficier d'un enseignement public de qualité.

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Réponse du Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche publiée le 03/03/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2004

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, vous ne me direz pas que vous ne connaissez pas la capitale ! Je regrette d'ailleurs que des collègues de province semblent l'ignorer.

Des filières de formation sont supprimées, non pas dans les ve et vie arrondissements de Paris où tous les bons élèves de la région parisienne et même de France viennent faire leurs études, mais dans les quartiers populaires de la capitale.

Monsieur le ministre, vous faites subir à l'école publique de la capitale une véritable saignée qui concerne l'enseignement tant primaire que secondaire. Ainsi, sont supprimées 4 500 heures d'enseignement dans les collèges et lycées.

De plus, l'enseignement technique et professionnel, déjà mis à mal à Paris, subit une véritable liquidation. Le volume de l'enseignement y est réduit de 750 heures. Je suppose que les enfants fréquentant les lycées d'enseignement professionnel peuvent aller ailleurs que dans la capitale !

Quant à l'enseignement primaire, les postes pourvus, même en augmentation de vingt unités, par le petit jeu des annonces et des reculs, sont totalement insuffisants au regard des besoins et de l'évolution des effectifs qui, dans la capitale, sont non pas en baisse, mais en augmentation. La situation était déjà critique cette année. Cela s'est particulièrement traduit par d'importants dysfonctionnements, les postes de professeurs d'école n'étant pas remplacés. Cela souligne, vous en conviendrez, le manque de postes à Paris.

Plus spécifiquement, les enfants de moins de trois ans seront les grands abandonnés de cette carte scolaire, mais, de toute façon, il n'y en a déjà plus ! Pourtant, le développement de l'école maternelle - chacun peut y réfléchir - est l'un des enjeux essentiels d'une réelle démocratisation de l'école, à Paris comme ailleurs.

Les suppressions de moyens dans l'enseignement tant primaire que secondaire amplifieront considérablement les inégalités scolaires à Paris, en réduisant les chances de réussite des élèves et, en premier lieu, des élèves en difficulté, lesquels sont nombreux dans la capitale, contrairement à des poncifs hélas ! largement partagés.

Le projet initial de l'académie de Paris touchait de plein fouet le nord et l'est, ainsi que les établissements situés en ZEP, les zones d'éducation prioritaires, et en REP les réseaux d'éducation prioritaires, et constituait une mise en cause sans précédent de l'école publique. Fort heureusement, sous la pression des parents, des enseignants et des élus, ce projet est en partie mis en échec à l'heure actuelle.

Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles mesures vous comptez prendre pour revenir globalement sur ces restrictions de moyens dans l'enseignement tant du premier que du second degré.

En tout état de cause, je souhaite que vous vous engagiez à ce qu'aucune école située en ZEP, en REP, ou dans le champ d'application de la politique de la ville - chère à votre collègue Jean-Louis Borloo - ne subisse de fermeture de classe venant diminuer encore les capacités d'accueil des enfants en maternelle.

Aucun collège ne devrait subir une diminution de sa dotation horaire globale. Il faut pourvoir aux postes nécessaires en vue de permettre aux élèves de continuer à bénéficier d'un enseignement public de qualité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord vous apporter quelques éléments de réponse concernant l'ensemble de la France avant d'en venir plus particulièrement à la carte scolaire parisienne.

Le nombre de postes que nous avons prévu de mettre au concours de juin prochain, même s'il est moins élevé que celui de l'année précédente qui était extrêmement important, est de 13 000 dans le premier degré et de 12 500 dans le second degré, de telle façon que tous les départs à la retraite soient remplacés. Il s'agit là d'un point important et, en conséquence, je n'accepte pas votre jugement selon lequel il y aurait des réductions de postes dramatiques dans le premier degré, comme d'ailleurs dans le second degré.

En ce qui concerne la carte scolaire de Paris, la répartition des moyens obéit à des principes qui sont tout à fait transparents et équitables non seulement en fonction des variations démographiques mais aussi, comme dans les autres territoires de la France, en fonction des indicateurs territoriaux et sociaux et d'un indicateur de contraintes structurelles de l'académie, sur lequel je reviendrai dans un instant.

Dans le premier degré, 7 636 postes seront implantés à la rentrée prochaine, soit une augmentation de 20 postes par rapport à la rentrée de septembre 2003.

Je rappelle que, à la rentrée de septembre 2003, j'ai attribué 36 postes supplémentaires au premier degré, alors que les effectifs à Paris avaient diminué de 611 élèves par rapport à 2002. Par conséquent, avec une démographie scolaire en baisse dans le premier degré - le cas parisien est un cas particulier -, 56 postes supplémentaires seront attribués à la rentrée de 2004, en tenant compte des 36 postes de l'année dernière, ce qui permettra de scolariser sans la moindre difficulté tous les élèves attendus.

Madame la sénatrice, je peux donc vous assurer que tous les élèves seront accueillis dans l'enseignement primaire à la rentrée prochaine dans des conditions tout à fait satisfaisantes.

Les efforts seront maintenus dans les ZEP, plus particulièrement pour ce qui touche à la lutte contre l'illettrisme, domaine auquel je suis très attaché, comme vous le savez, avec l'ouverture de cours préparatoires à effectifs réduits dans les ZEP les plus défavorisées, notamment dans dix d'entre elles.

En ce qui concerne le second degré, une diminution du nombre de postes est en effet intervenue, mais elle est minime. En outre, elle me paraît tout fait justifiée, comme elle l'est aux yeux du recteur de Paris, puisqu'elle tient compte à la fois des critères de la démographie scolaire et des critères sociaux. L'académie de Paris, je vous le rappelle, dispose de moyens qui sont supérieurs de plus de 3 % à la moyenne nationale.

Or j'ai pris comme axe politique, depuis que je suis à la tête de ce ministère, de rééquilibrer les dotations en postes entre les différentes académies en France. J'ai souhaité m'attaquer non pas, comme c'était le cas auparavant, simplement aux flux, c'est-à-dire aux postes que l'on créé ou que l'on supprime le cas échéant chaque année, mais aux stocks. J'ai donc eu la volonté d'opérer un rééquilibrage entre les régions, selon un principe d'équité qui relève bien du rôle de l'Etat. Certaines régions ont été surdotées traditionnellement pendant des années, non pas en soi - cela n'aurait pas de sens - mais relativement à d'autres régions. C'est le cas, par exemple, des académies du Nord ou de Paris.

Je considère que mon rôle, surtout au moment où l'on met en place les principes de la décentralisation, est d'assurer la péréquation entre les différentes dotations qui sont attribuées aux régions.

J'ajoute, madame la sénatrice - vous y faisiez d'ailleurs vous-même allusion tout à l'heure -, que la concertation se poursuit dans l'académie de Paris. La situation de chaque lycée fait l'objet d'un échange systématique entre le chef d'établissement et les responsables des services académiques, afin de s'assurer que tous les enseignements obligatoires sont bien mis en place pour la rentrée prochaine. S'agissant des collèges et des lycées professionnels, les responsables des services académiques maintiennent un dialogue également permanent avec les chefs d'établissement qui ont signalé des difficultés spécifiques.

Par conséquent, les difficultés qui subsistent pourront être réglées dans les jours ou les semaines qui viennent, comme vous l'avez dit vous-même à votre façon.

Enfin, il faut rappeler que les ajustements seront effectués en relation avec les taux de réussite aux examens et les taux de redoublement en troisième. Des moyens horaires complémentaires actuellement mis en réserve seront affectés dans les établissements pour des actions particulières et des dispositifs pédagogiques spécifiques, notamment pour les non-francophones et pour l'ouverture d'une troisième sur la voie professionnelle.

L'objectif visé dans la préparation de la carte scolaire est d'accueillir tous les élèves dans les meilleures conditions pédagogiques possibles, avec une augmentation assez forte - en tout cas, sensible - dans le premier degré et une très légère diminution dans le second degré. Celle-ci est parfaitement légitime, au regard non seulement des effectifs scolaires, mais aussi des impératifs d'équité, c'est-à-dire de péréquation entre les dotations attribuées chaque année aux différentes académies sur le territoire de la France.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas et elle ne répond pas non plus - j'en suis convaincue - aux attentes des enseignants et des parents de la capitale, d'une grande partie d'entre eux en tout cas.

Vous m'avez répondu sur les postes mis aux concours alors que je ne vous avais pas posé la question. En revanche, vous n'avez rien dit sur les 4 500 heures d'enseignement supprimées dans les collèges et lycées.

Vous avez évoqué les inégalités entre Paris et d'autres départements. Que dire des enfants de moins de trois ans qui ne sont pas accueillis en maternelle dans les quartiers populaires des xviiie, xixe et xxe arrondissements ? Et, surtout, ne me dites pas que les enfants sont en crèche, c'est faux !

Comment accepter la suppression de 39 postes dans le primaire alors qu'il y aura dans le même temps 2 181 élèves supplémentaires à Paris ? Je sais bien que nous ne sommes pas d'accord sur les statistiques, mais les chiffres que je vous donne me semblent correspondre à la réalité.

Comment accepter de condamner les enseignants du secondaire à ne plus pouvoir assurer la totalité des programmes qu'ils sont chargés de dispenser ? En effet, après que les enseignements optionnels ont été éliminés dans le secondaire, votre politique s'attaque désormais aux enseignements obligatoires. L'Etat demande aux enseignants d'en organiser sans leur donner les moyens nécessaires et sans leur permettre d'offrir aux élèves ce qui leur est pourtant garanti par les circulaires de votre propre ministère.

Dans le lycée professionnel Barrault situé dans le xiiie arrondissement, que je connais bien pour en être l'élue, la diminution de la DHG, la dotation horaire globale, se traduit notamment par une classe de troisième technologique en moins, par une diminution de 50 % des possibilités de recrutement dans les sections de brevet d'études professionnelles, ainsi que par des capacités d'accueil réduites.

Quant au primaire, malgré les reculs du rectorat, il est encore prévu de fermer huit classes dans cet arrondissement qui connaît déjà une situation scolaire très contrastée, entre les parties du quartier les plus populaires et les autres : augmentation importante de doubles niveaux, déstabilisation des équipes enseignantes, réduction de l'accueil des enfants handicapés avec projet individualisé, perte d'un poste de classe d'enseignement spécialisé.

J'ajoute que, après l'effondrement catastrophique de l'école Auguste-Perret, le rectorat de Paris s'était engagé à ne supprimer aucun poste dans le XIIIe arrondissement jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée pour les enfants de cette école.

Par conséquent, monsieur le ministre, force est de constater que les engagements du rectorat ne sont pas tenus.

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