Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 25/02/2004

M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences du calcul de la redevance d'archéologie préventive, qui va renchérir le coût des travaux de construction de toutes les collectivités territoriales. En effet, le seul fait de prendre pour assiette le terrain où doit être réalisée la construction, quelle que soit la taille de celle-ci, a pour inconvénient, lorsque la superficie du terrain est importante, comme cela est souvent le cas dans les communes rurales, d'amener la commune à devoir s'acquitter d'une redevance en totale disproportion avec l'opération envisagée ; il en découle que ces communes renoncent aux opérations de construction. C'est pourquoi il lui demande quelles dispositions il compte prendre pour remédier à cette situation qui obère anormalement les finances locales et, dans les cas les plus extrêmes, fige tout projet de construction.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 14/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2004

M. Michel Doublet. Monsieur le ministre, la loi du 1er août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive substitue au financement par l'impôt un dispositif inspiré des mécanismes antérieurs à 2001.

Les diagnostics d'archéologie préventive sont financés par le biais d'une taxe d'un faible montant forfaitaire perçue par l'opérateur compétent. L'assiette de cette redevance retient deux critères : la nature des travaux et la superficie des terrains sur lesquels ils sont exécutés.

Elle est due par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter sur un terrain d'une superficie égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés des travaux affectant le sous-sol. Elle est fixée à 0,32 euro par mètre carré indexé sur le coût de la construction et elle n'est exigible qu'une seule fois sur le terrain d'assiette.

Si des exonérations sont prévues pour les travaux relatifs aux logements à usage locatif, construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat, en revanche aucune exonération ni aucun abattement n'ont été prévus pour les personnes publiques en général et pour les collectivités territoriales en particulier.

Ainsi, une commune de mon département, pour agrandir une salle communale en vue de la mettre en conformité avec les règles d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, se verra imposer une taxe de 9 600 euros pour une surface de 50 mètres carrés constructible sur un terrain d'assiette de 30 000 mètres carrés.

Le seul fait de prendre pour assiette le terrain où la construction doit être réalisée, quelle que soit la taille de celle-ci, a pour inconvénient, lorsque la superficie du terrain est importante, ce qui est souvent le cas dans les zones rurales, d'amener la commune à devoir s'acquitter d'une redevance totalement disproportionnée par rapport à l'opération envisagée. Il en découle que ces communes renoncent aux opérations de construction.

On pourrait envisager d'exonérer totalement les collectivités territoriales de cette redevance, voire de leur appliquer le régime favorable des bâtiments agricoles dont seule la superficie, et non le terrain d'assiette, entre dans le calcul de taxe.

Or, monsieur le ministre, j'en conviens, moins d'un an après la publication de la loi, fruit d'un compromis délicat entre tous les acteurs concernés, il est difficile de tirer un premier bilan ; et l'on ignore encore à ce jour si le produit de la redevance suffira à alimenter l'Institut national de recherches et d'applications pédagogiques, l'INRAP.

Toutefois, je tenais à vous alerter sur les dangers et les inconvénients induits par ce mécanisme de la redevance d'archéologie préventive.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les dispositions que vous comptez prendre pour remédier à cette situation obérant anormalement les finances locales et, dans les cas les plus extrêmes, figeant tout projet de construction.

M. le président. La parole est à M. le ministre, dont je salue aujourd'hui la première intervention devant la Haute Assemblée.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie, monsieur le président, de vos paroles de bienvenue. J'essaierai, devant le Sénat d'être digne de la fonction qui m'est confiée.

Monsieur Doublet, vous soulevez en effet une réelle difficulté relative à la loi du 1er août 2003. Je vous rappelle que cette loi avait fait l'objet d'un important travail de préparation et de concertation, notamment avec votre assemblée.

Aujourd'hui, dans notre pays, l'archéologie, qui est une discipline essentielle de notre patrimoine et de notre mémoire, fonctionne de nouveau de façon satisfaisante dans un climat social apaisé après plus d'un an de crise.

C'est d'ailleurs afin de pallier l'impossibilité pour certaines communes de financer les fouilles d'archéologie préventive dans l'ancien système qu'il a été choisi de créer un fonds de mutualisation, fonds financé par la redevance générale d'archéologie prélevée sur l'ensemble des aménageurs et non seulement sur ceux qui sont exposés à un risque archéologique.

Ce principe de mutualisation est juste, mais l'assiette choisie pour le calcul de cette redevance crée - je le sais - des situations de réelles injustices, dont celle que vous venez de décrire, monsieur le sénateur.

Ce problème a été identifié et des solutions de plafonnement des montants exigibles sont actuellement à l'étude. Mes services chargés du patrimoine et des affaires juridiques y travaillent en liaison avec le ministère de l'équipement.

II faut toutefois rappeler, pour que l'information soit totale - elle ne vise pas évidemment le projet que vous avez cité en exemple, monsieur Doublet -, que sont exonérées de la redevance d'archéologie préventive, qui n'est perçue que sur des terrains d'assiette d'une superficie égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés, les constructions de logements réalisés par une personne physique pour elle-même et les logements locatifs construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat.

Les personnes publiques ou privées, et notamment les communes, réalisant un lotissement ou une zone d'aménagement concerté peuvent également bénéficier de ces exonérations pour les logements à usage locatif réalisés avec l'aide de l'Etat.

Je reconnais que le cas dont vous nous avez fait part, monsieur le sénateur, n'est pas concerné par les exonérations que je vous ai indiquées. Nous avons pour obligation de concilier et de rendre compatibles le respect de nos racines, le très important travail des archéologues, et l'avenir, c'est-à-dire les projets de construction que nos communes souhaitent mettre en oeuvre.

Je ne nie pas, monsieur Doublet, la réalité des problèmes, mais il est selon moi encore trop tôt pour se prononcer. Dans les mois prochains, je dresserai devant le Sénat un bilan précis de l'entrée en vigueur de cette loi et nous déciderons ensemble, le cas échéant, d'apporter un certain nombre de modifications dans les voies que j'ai explorées.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le ministre, je prends acte de la proposition que vous venez de nous faire. Il est vrai que la loi relative à l'archéologie préventive est toute récente et qu'il faut avoir le recul nécessaire pour en analyser toutes les conséquences. Je ne manquerai donc pas de reprendre contact avec vos services dans quelques mois pour savoir où en est le dossier.

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