Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 06/04/2004

M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les difficultés que rencontrent les agriculteurs signataires de contrats territoriaux d'exploitation pour la mise en oeuvre de leur cahier des charges. Le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), autorité de gestion et de contrôle, a été chargé par la commission européenne d'assurer le suivi du fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA-Garanti). Il exerce des contrôles si sévères pour le respect des engagements des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) que pour une simple négligence ou une omission, les agriculteurs se voient appliquer des sanctions qui peuvent aller jusqu'à la déchéance de leur plan avec toutes conséquences financières. Ainsi, dans la Nièvre, sur 750 CTE, 70 % sont en passe d'être rejetés. La nouvelle organisation a occulté l'échelon de proximité, garant d'une bonne connaissance du territoire. Les administrations locales n'ayant reçu aucune délégation de commissaires européens, leur rôle se limite à entériner les décisions des experts du CNASEA et à les notifier aux exploitants. Cette logique restrictive dans la mise en oeuvre d'une procédure destinée à aider les agriculteurs manque son but et, après avoir suscité un grand intérêt, déçoit. Les zones rurales fragiles comme le Morvan en sont, particulièrement, affectées. Le FEOGA-Garanti étant abondé pour moitié par les fonds nationaux et pour moitié par des fonds européens, il lui serait très reconnaissant de plaider auprès des commissaires européens pour un assouplissement dans l'interprétation des règles qui édictent les modalités de réalisation des contrats territoriaux d'exploitation.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 05/05/2004

Réponse apportée en séance publique le 04/05/2004

M. René-Pierre Signé. Ma question concerne les difficultés que rencontrent les agriculteurs signataires de contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, pour la mise en oeuvre de leur cahier des charges.

Le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, autorité de gestion et de contrôle, a été chargé par la Commission européenne d'assurer le suivi du FEOGA-garantie. II exerce des contrôles si sévères quant au respect des engagements liés au CTE que, pour une simple négligence ou omission, les agriculteurs se voient infliger des sanctions qui peuvent aller jusqu'à la déchéance de leur plan, avec toutes conséquences financières qui en découlent.

Ainsi, dans la Nièvre, 70 % des 750 CTE sont en passe d'être rejetés.

La nouvelle organisation a occulté l'échelon de proximité, garant d'une bonne connaissance du territoire. Les administrations locales n'ayant reçu aucune délégation des commissaires européens, leur rôle se limite à entériner les décisions des experts du CNASEA et à les notifier aux exploitants.

Cette logique restrictive dans la mise en oeuvre d'une procédure destinée à aider les agriculteurs manque l'objectif visé et, après avoir suscité un grand intérêt, déçoit.

Le FEOGA-garantie étant financé pour une moitié par des fonds nationaux et pour l'autre par des fonds européens, je serais heureux que M. le ministre de l'agriculture de plaider la cause de la France auprès des commissaires européens en vue d'un assouplissement dans l'interprétation des règles qui fixent les modalités de réalisation des contrats territoriaux d'exploitation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. En tant que ministre délégué au commerce extérieur, il m'arrive souvent de parler d'agriculture, mais la question que vous venez de poser, monsieur Signé, est nouvelle pour moi. Par conséquent, je vais me référer aux explications de M. le ministre de l'agriculture, dont je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser l'absence ce matin.

Un contrat territorial d'exploitation est un contrat passé entre un agriculteur et l'Etat. Par sa signature, l'agriculteur prend l'engagement de réaliser un certain nombre d'investissements ou d'actions - en général, de nature agro-environnementale -, en contrepartie desquelles il recevra un soutien financier. Une partie de ces engagements, notamment ceux qui concernent la prise en compte de l'environnement, est matérialisée dans des cahiers des charges, que les agriculteurs doivent respecter.

Par ailleurs, il faut noter que ces contrats sont cofinancés par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, ce qui permet de démultiplier l'effort financier consenti à l'échelon national.

Des contrôles sont effectués sur l'application de ces contrats, afin de garantir la juste utilisation des fonds publics, nationaux et communautaires. Outre les contrôles administratifs sur pièces, chaque année, 5% des bénéficiaires d'aide font l'objet d'un contrôle sur place. Le cas échéant, des sanctions sont prononcées ; elles sont proportionnelles à la gravité du manquement constaté au cahier des charges. Le régime de sanction est, par ailleurs, encadré par la réglementation communautaire.

Par exemple, lorsqu'un agriculteur a déclaré 2% de surface en plus que ce qu'indique le mesurage sur le terrain, il est tenu de rembourser le trop-perçu. Lorsque la surface en anomalie est comprise entre 3% et 20% ou supérieure à deux hectares, l'agriculteur doit rembourser le trop-perçu et il est en outre sanctionné à hauteur de deux fois l'écart constaté. Enfin, lorsque la surface en anomalie dépasse 20%, le remboursement de l'ensemble du paiement de l'action est demandé.

Les contrôles relèvent de la responsabilité de l'organisme payeur, en l'occurrence le CNASEA, établissement sous tutelle du ministère de l'agriculture. Les contrôleurs vérifient le respect des cahiers des charges, dont la déclinaison est au moins régionale. Toute contestation de la sanction par l'agriculteur peut naturellement s'effectuer suivant les voies de recours habituelles.

Par ailleurs, la direction départementale de l'agriculture et de la forêt doit donner un avis sur chaque dossier pour lequel une anomalie a été constatée lors d'un contrôle.

Il était important, me semble-t-il, de rappeler la nature des sanctions découlant de la réglementation communautaire et d'expliquer que le strict respect du cahier des charges est le premier des engagements que les agriculteurs prennent lors de la signature d'un contrat territorial d'exploitation.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, vous donnez des exemples de manquements graves au cahier des charges lié au CTE. Bien entendu, dans ces cas-là, prononcer la déchéance du contrat est normal.

Lorsque les contrats territoriaux d'exploitation étaient financés par le FEOGA-orientation, il y avait une certaine souplesse dans l'application des contrats. Désormais, les CTE trouvent leur source de financement dans le FEOGA-garantie, géré par le CNASEA, et la gestion de proximité a disparu.

En fait, la déchéance des CTE est prononcée pour des fautes tout à fait vénielles. Il suffit qu'un agriculteur laisse un arbre mort dans une haie pour qu'il lui en soit fait le reproche et qu'il puisse se trouver privé d'au moins une partie de son contrat territorial d'exploitation.

Ainsi, dans la Nièvre, si 32% des exploitations contrôlées par le CNASEA n'ont pas posé de problème, 68 % d'entre elles ont révélé des anomalies. Dans ces dernières, pour 45%, les indus étaient inférieurs à 50 euros, pour 10 % inférieurs à 2 000 euros, pour 42 % supérieurs à 2 000 euros.

En tout cas, souvent pour des vétilles, des amputations du CTE, voire la déchéance totale de l'agriculteur sont prononcées. De telles décisions sont évidemment très mal ressenties.

Le dispositif avait suscité des espoirs, mais son application déçoit. Il conviendrait de revoir le dispositif pour le faire évoluer dans le sens de la souplesse. Il faudrait surtout redonner aux directions départementales de l'agriculture pouvoir de déterminer les actions qui méritent ou non d'être soutenues et celles qui ne le méritent pas.

Quant aux recours, monsieur le ministre, vous savez qu'ils sont longs et aléatoires et qu'ils aboutissent rarement.

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