Question de M. MERCIER Michel (Rhône - UC) publiée le 02/06/2004

M. Michel Mercier attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur les modalités de mise en oeuvre de la compétence revenu minimum d'insertion (RMI) par les départements. Après un trimestre de mise en oeuvre de la compétence RMI par les départements, un premier bilan très partiel peut être dressé, notamment en ce qui concerne les relations entre les caisses d'allocations familiales et les départements. Tout d'abord, s'agissant des relations financières entre l'Etat et les départements, les constats sont irréguliers mais la situation a tendance à se dégrader. Par exemple, au 30 mai, le département du Rhône a payé 5,1 millions d'euros de plus que le montant reçu de l'Etat. Mais ce sont les relations avec les CAF qui posent problème. Il n'y a pas de mauvaise volonté locale au contraire, mais les systèmes informatiques des CAF sont très centralisés. A titre d'exemple, dans le Rhône, le nombre des bénéficiaires a augmenté de 3 000 entre le 31 décembre et le 31 mai. Nous ne connaissons rien de ces nouveaux bénéficiaires. Il ne peut y avoir d'interface informatique qu'une fois par mois alors que l'interface devrait être en temps réel. Nous ne savons pas s'il y a parmi eux des " chômeurs recalculés " qui doivent retourner vers l'ASSEDIC. Il est impossible d'assurer une compétence aussi importante sans avoir toutes les informations nécessaires à son exercice. Il souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour assurer la compensation financière intégrale du paiement du coût du RMI, y compris en trésorerie, et pour obtenir de la Caisse nationale d'allocations familiales qu'elle laisse les caisses locales coopérer quotidiennement avec les départements, notamment sur le plan informatique.

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Transmise au Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale


Réponse du Ministère déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion publiée le 16/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2004

M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le 1er janvier 2004, les départements ont l'entière responsabilité de la mise en oeuvre du RMI. Il est naturellement trop tôt pour faire un bilan de l'exercice de cette nouvelle compétence. Néanmoins, il me semble nécessaire, dès que des problèmes se posent, ce qui est le cas s'agissant de la mise en oeuvre de cette compétence, d'en faire part au Gouvernement afin qu'il y soit remédié avant qu'il ne soit trop tard.

Il existe, me semble-t-il, deux types de problèmes. Les premiers sont d'ordre financier. Je suis tenté de dire que ce sont les moins importants. Les seconds sont liés aux relations avec les autres gestionnaires, notamment avec les caisses d'allocations familiales, les CAF. Ces problèmes sont quotidiens. Il est donc extrêmement important de les régler si l'on veut véritablement changer les choses.

S'agissant des questions d'ordre financier, on distingue ce qui est déboursé de ce qui est encaissé par les départements. Depuis le début de l'année, on constate une très forte augmentation du nombre des bénéficiaires du RMI, sans que l'on sache si cette augmentation est définitive ou si, par exemple, des « recalculés » figurent parmi ces nouveaux bénéficiaires. Ainsi, depuis quatre mois, mon département compte 3 000 RMIstes de plus, ce qui est beaucoup.

S'agissant des encaissements des parts de TIPP, s'ils se sont plutôt bien passés au début, ils se déroulent plutôt mal aujourd'hui. Ainsi, le département du Rhône a déboursé 5 millions d'euros de plus que ce qu'il a encaissé.

Par ailleurs, les caisses d'allocation familiale et la Mutualité sociale agricole nous demandent d'effectuer les versements plus rapidement. Aux termes de la loi, les paiements doivent être effectués le 30 du mois. Or on nous demande de verser des acomptes : 80 % le 5 du mois, le solde le 25. On peut certes accepter ou refuser puisqu'il s'agit d'une décision locale. Il n'en demeure pas moins que l'on constate un certain nombre de dérapages financiers, à la fois en montants de crédits budgétaires et en trésorerie. Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir donner des instructions afin que ces dérapages cessent.

S'agissant de la gestion quotidienne du RMI, il existe de véritables problèmes de relations avec les CAF. Ce ne sont pas des problèmes locaux. Il y a de la bonne volonté de part et d'autre, mais compte tenu des instructions nationales et de l'extrême centralisation des systèmes informatiques, nous ignorons tout des bénéficiaires du RMI.

Je suis dans l'incapacité de dire si, parmi ces bénéficiaires, il y a des chômeurs «recalculés», qui retourneront vers les ASSEDIC, s'il y a des artisans et pourquoi ils bénéficient du RMI. J'ai ainsi découvert en faisant faire une enquête qu'il y avait 500 étudiants parmi ces bénéficiaires. On ne sait pas pourquoi !

Nous ne connaissons absolument pas cette population. Nous n'avons le droit d'accéder au fichier informatisé de la CAF qu'une fois par mois. Il n'est pas possible de gérer cette compétence si l'on ne peut accéder de façon permanence à ce fichier et si l'on ne peut pas travailler en confiance avec les CAF.

Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir donner des instructions à la caisse nationale d'allocation familiale pour que son système informatique soit accessible au département. S'il ne peut accéder que douze fois par an au fichier des bénéficiaires du RMI, le département sera incapable de faire mieux que l'Etat.

Dans mon département, nous avons l'an dernier versé 9 millions d'euros d'indus ; nous ne les récupérerons jamais. C'est trois points de fiscalité ! Mon but est donc de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'indus, parce qu'une fois qu'on a payé à tort, on ne peut rien récupérer !

L'objet de ma question est simple, madame la ministre : avant qu'il ne soit trop tard, le Gouvernement est-il prêt - le peut-il ? c'est une autre question ! - à donner des instructions afin que les départements aient en permanence accès aux fichiers des bénéficiaires du RMI et puissent ainsi bien gérer cette compétence, en sachant qui est qui et qui fait quoi ? On ne peut pas, en effet, aider des gens à s'insérer si on ne les connaît pas.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur Mercier, vous m'interrogez sur deux aspects de la mise en oeuvre de la décentralisation du revenu minimum d'insertion : en premier lieu sur la compensation financière du transfert de compétence aux départements, en second lieu sur les relations informatiques entre les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux.

Sur le premier point, monsieur le sénateur, la volonté du législateur est clairement inscrite dans la loi : dès cette année, par la prochaine loi de finances rectificative, le montant de la compensation sera ajusté en fonction de l'évolution des dépenses ; au-delà, les comptes administratifs pour 2004 serviront à ajuster de manière définitive le montant de la compensation.

Telles sont les règles énoncées à l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 et à l'article 59, que vous connaissez bien, monsieur Mercier, de la loi de finances initiale pour 2004.

Ces différentes clauses me semblent tout à fait protectrices pour les collectivités territoriales.

J'en viens aux relations informatiques entre les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux.

L'existence du réseau national de la CNAF représente un atout majeur pour les collectivités nouvellement responsables.

Loin d'empêcher les adaptations locales que vous appelez de vos voeux, ce réseau doit les faciliter.

L'existence du réseau national en matière informatique doit constituer pour les départements une garantie de fiabilité dans la gestion d'une prestation dont la réglementation est nationale et dont plus de 60 % des bénéficiaires touchent d'autres prestations versées par les CAF.

C'est aussi une source importante d'économies d'échelle, qui a permis de mettre, gratuitement, à la disposition des départements les moyens de gestion de ces caisses.

D'ores et déjà, la réglementation garantit aux conseils généraux une transmission mensuelle des données nominatives. De manière générale, les transmissions se passent plutôt dans de bonnes conditions.

J'ai cependant bien noté, monsieur Mercier, que vous souhaitiez un accès plus facile et plus régulier aux informations.

Je vais examiner ce qu'il est possible de faire. Je puis vous assurer que le Gouvernement est décidé à prendre en considération toutes les difficultés qui lui seront pointées et qu'il s'engage à examiner département par département toutes les situations.

Je précise par ailleurs que la CNAF a mis en place avec l'Assemblée des départements de France un groupe de travail sur cette question.

Elle travaille par ailleurs étroitement - mais ce n'est pas à vous que je l'apprendrai - avec les sociétés privées fournisseurs de logiciels de gestion des services sociaux.

L'objectif est de pouvoir procéder avant la fin de cette année à des échanges informatiques quotidiens. Le Gouvernement entend veiller à ce que cet objectif important pour la qualité du service rendu soit atteint.

La question n'est pas principalement informatique ; elle est avant tout organisationnelle. Il faut donc que, localement, conseils généraux et caisses définissent précisément les besoins.

Les services publics concernés par la réforme ont su se mobiliser pour que le transfert de compétences se déroule sans difficulté pour les usagers.

Votre question, monsieur Mercier, témoigne de ce qu'une phase d'approfondissement est en train de s'engager au profit d'un service public encore plus performant.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Madame la ministre, je vous remercie de votre bonne volonté. Nous n'en manquons pas non plus, et c'est nécessaire, car le sujet est extrêmement difficile.

Il est tout à fait normal que toute personne remplissant les conditions pour en bénéficier ait droit au RMI. Ce qu'il faut éviter, c'est de commettre des erreurs ou de méconnaître des situations. Pour faire de l'insertion, il faut en effet véritablement connaître les gens.

Je soulèverai un dernier point.

L'ANPE, qui a beaucoup de savoir-faire et de professionnalisme, fonctionne de façon satisfaisante. Cependant, nous savons, puisque nous avons voté son budget, qu'il lui manque 750 millions d'euros. Il ne faudrait pas qu'elle soit tentée de « se refaire une santé » financière sur les pauvres départements, car elle vient de tripler ses tarifs...

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