Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 20/10/2004

M. Jean-Pierre Godefroy attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur l'avenir économique du Nord Cotentin suite à la décision de la compagnie P&O de fermer plusieurs de ses lignes transManche et notamment celles à destination de Cherbourg. Annoncé brutalement par voix de presse le 28 septembre 2004, le plan de restructuration prévu entraînera dès le mois de janvier prochain la fermeture de l'agence cherbourgeoise qui emploie soixante-quatre personnes et menace plusieurs centaines d'emplois induits (salariés de la CCI, commerçants, etc.). Pour le port de Cherbourg, ce sont 750 000 passagers par an qui sont concernés, soit 50 % du trafic passager et voiture et 20 % du fret et quasiment 90 % de ses recettes. Cette décision pose plusieurs problèmes : non seulement P&O, société anglaise basée en Grande-Bretagne, n'a pas appliqué le code du travail français et a donc annoncé ces fermetures sans en informer préalablement les instances représentatives du personnel (parallèlement son cours en bourse grimpait de 3,64 %), mais surtout cette décision est le résultat d'une stratégie de sabotage (depuis deux ans, les décisions incompréhensibles se sont multipliées, par exemple une réorganisation des horaires totalement inadaptée ou l'ouverture d'une ligne vers Caen-Ouistreham). Or le Nord Cotentin connaît actuellement une dégradation économique sans précédent, notamment avec les difficultés importantes que connaissent nombre d'entreprises locales comme Simon Frères, les CMN ou la sous-traitance. La reprise d'une partie des lignes par la compagnie Brittany Ferries ne résoudra pas la crise actuelle. Les collectivités locales ont d'ores et déjà annoncé des mesures importantes pour atténuer les effets de cette restructuration : participation à la cellule de reclassement, élaboration de projets de développement dans le cadre de la politique portuaire régionale, etc. En effet, cette situation de crise exige une réponse forte, immédiate et exceptionnelle, notamment de la part de l'Etat. Un contrat de plan a été signé en 2001 ; ce contrat comprend un volet portuaire stratégique : la région s'est engagée à investir 22 millions d'euros et l'Etat de même ; aujourd'hui, la région a tenu ses engagements mais, sur son enveloppe, l'Etat n'a accordé que 3,8 millions d'euros pour le port de Honfleur et zéro euro pour le port de Cherbourg ; de même, seulement 30 % des engagements de l'Etat sont tenus pour le désenclavement routier et ferroviaire du port. En conséquence, il lui demande quelle sera la réponse de l'Etat à cette situation d'urgence économique.

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Réponse du Ministère délégué au tourisme publiée le 03/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/11/2004

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question concerne l'avenir économique du Nord Cotentin à la suite de la décision de la compagnie P&O de fermer plusieurs de ses lignes transmanche, notamment celles à destination de Cherbourg.

Annoncé brutalement par voie de presse, le 28 septembre 2004, le plan de restructuration prévu entraînera, dès le mois de janvier prochain, la fermeture de l'agence cherbourgeoise qui emploie soixante-quatre personnes et menace plusieurs centaines d'emplois induits sur l'ensemble de la façade Manche, notamment les salariés de la Chambre de commerce et d'industrie et les commerçants.

Pour le port de Cherbourg, 750 000 passagers par an sont concernés, ce qui représente 50 % du trafic passager et voiture, 20 % du fret et donc 90 % des recettes du port.

Cette décision pose plusieurs problèmes : tout d'abord, P&O, société anglaise basée en Grande-Bretagne, n'a pas appliqué le code du travail français et a annoncé ces fermetures sans en informer préalablement les instances représentatives du personnel. Parallèlement d'ailleurs - cela mérite d'être signalé -son cours en bourse progressait de 3,64 % !

Ensuite, et surtout, cette décision est le résultat d'une stratégie de sabotage. Depuis deux ans, les décisions incompréhensibles se sont multipliées, comme, par exemple, une réorganisation des horaires totalement inadaptée, l'ouverture d'une ligne vers Caen-Ouistreham, la pratique des prix cassés, les fameux low cost, qui ont eu un effet boomerang - le libéralisme tue parfois le libéralisme !

Or le Nord Cotentin subit actuellement une dégradation économique sans précédent, notamment avec les difficultés importantes que connaissent nombre d'entreprises locales comme Simon Frères, les chantiers navals des Constructions mécaniques de Normandie, la sous-traitance de la Direction des constructions navales ou de la COGEMA.

La reprise d'une partie des lignes par la compagnie Brittany Ferries ne résoudra pas la crise actuelle, et nous avons les plus grandes inquiétudes concernant les liaisons avec l'Irlande.

Les collectivités locales ont d'ores et déjà annoncé des mesures importantes pour atténuer les effets de cette restructuration : participation à la cellule de reclassement, élaboration de projets de développement dans le cadre de la politique portuaire régionale et, sous l'égide du préfet du département, mise en place d'un plan de dynamisation économique du Cotentin.

Cette situation de crise exige une réponse forte, immédiate et exceptionnelle, notamment de la part de l'Etat.

Monsieur le ministre, un contrat de plan a été signé en 2001. Il comprend un volet portuaire stratégique : la région, de même que l'Etat, se sont engagés à investir chacun 22 millions d'euros. Aujourd'hui, la région a tenu ses engagements mais, sur son enveloppe, l'Etat n'a accordé que 3,8 millions d'euros pour le port de Honfleur et zéro euro pour le port de Cherbourg. De même, seulement 30 % des engagements de l'Etat sont tenus pour le désenclavement routier et ferroviaire du port.

Monsieur le ministre, quelle sera la réponse de l'Etat à cette situation d'urgence économique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, la place portuaire de Cherbourg est, il est vrai, de nouveau affectée par l'abandon annoncé par la compagnie anglaise P&O de ses liaisons ferries en Manche ouest, à la suite d'un nouveau plan de restructuration dû à des pertes importantes du groupe britannique.

Comme vous l'avez rappelé, pour le port de Cherbourg, dont le trafic transmanche constitue l'essentiel de l'activité depuis les années soixante, les conséquences de cette décision seront lourdes.

L'arrêt de la ligne Cherbourg-Portsmouth, laquelle assurait le transport de plus de 700 000 passagers par an et un trafic important de fret, laisse cependant ouverte la possibilité d'une reprise par un nouvel opérateur. Une telle reprise est déjà en cours pour la ligne Le Havre-Portsmouth, abandonnée elle aussi par P & O.

Cela étant, dans un bassin d'emploi en situation difficile, le Gouvernement comprend l'inquiétude que cette annonce suscite pour le port de Cherbourg et veillera bien sûr à ce que les dispositions du code du travail soient pleinement respectées par P & O.

Dans un tel contexte, l'Etat participe aux mesures qui ont été prises pour faire face aux difficultés rencontrées dans le bassin d'emploi, en encourageant, aux côtés des collectivités locales, des projets de développement dans le cadre des mesures d'accompagnement des restructurations de défense.

S'agissant du volet portuaire du contrat de plan, l'Etat a mobilisé à ce jour en faveur de la région Basse-Normandie un total de 6,8 millions d'euros d'autorisations de programme, dont 3 millions pour le port de Cherbourg.

Ces autorisations de programme concernent le financement des études relatives au projet Fastship, la première tranche du projet de terre-pleins de la darse des Mielles, ainsi que le confortement de la digue du large, conjointement avec le ministère de la défense.

Les difficultés rencontrées par les promoteurs du projet Fastship expliquent en bonne partie le faible taux d'avancement du volet portuaire du contrat de plan, qui est d'un tiers environ.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement poursuivra son effort en faveur des projets portuaires et continuera à prêter la plus grande attention au devenir du port de Cherbourg, et plus généralement à l'ensemble des ports de la façade Manche-mer du Nord affectés par la décision de P & O.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse, qui me paraissent cependant bien insuffisants.

Un plan de dynamisation économique du Cotentin est en cours d'élaboration avec le préfet de la Manche, et je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour insister sur quelques points essentiels nécessaires à la poursuite du fonctionnement de notre port.

Tout d'abord, je veux parler du désenclavement ferroviaire : un port ne peut pas fonctionner sans ligne ferroviaire. Or, aujourd'hui, ce que l'on appelle chez nous « la mise en site propre », c'est l'électrification. Dix kilomètres de voies ferrées doivent être électrifiés pour desservir le port. Or, nous attendons toujours une décision favorable à l'électrification. C'est actuellement un handicap.

Ensuite, il faut que l'on examine vraiment les filières de destruction et de recyclage de navires. Le port de Cherbourg est parfaitement adapté pour réaliser ce travail extrêmement important et parfois très délicat.

Je voudrais surtout, monsieur le ministre, attirer votre attention sur un point essentiel à nos yeux : les autoroutes de la mer.

Le port de Cherbourg est situé à l'entrée de la Manche, la mer la plus fréquentée du monde en termes de trafic maritime. Ainsi, il peut se positionner sur les autoroutes de la mer, sur le cabotage, qui se substitue au trafic routier ; mais, pour ce faire, le Gouvernement doit soumettre avant 2005 ces propositions à la Commission européenne. Nous avons pour l'instant le sentiment que les autoroutes de la mer s'arrêtent à l'entrée de la Manche.

J'attire vraiment votre attention sur ce point, monsieur le ministre : il faut qu'en 2005 les autoroutes de la mer concernent impérativement Cherbourg. J'indique, par ailleurs, que Le Havre ne serait pas, pour l'instant, concerné par les autoroutes de la mer.

Je tenais à vous alerter sur cette situation particulièrement grave, monsieur le ministre.

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