Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC-UDF) publiée le 19/01/2005

M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les réactions indignées qu'il recueille émanant de maires de plusieurs départements de France à l'égard de la non reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages subis lors de la sécheresse de l'été 2003. Il rappelle que sur 6 839 demandes relatives à la sécheresse, seules 15 % ont recu un avis favorable ; ce sont ainsi plus de 5 800 communes qui ont été lésées. Il le prie de bien vouloir expliciter les raisons pour lesquelles, pour la première fois depuis bien longtemps, un nombre aussi élevé de dossiers n'a pas été pris en compte et la suite que le Gouvernement compte réserver à la proposition de loi qu'il a déposée avec plusieurs de ses collègues ayant pour but de faire reconnaître l'état de catastrophe naturelle quelle que soit l'intensité de la sécheresse.

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Réponse du Ministère délégué à l'intérieur publiée le 09/03/2005

Réponse apportée en séance publique le 08/03/2005

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, chacun, ici, se souvient que la canicule de l'été 2003 a eu des conséquences très graves, non seulement sur le taux de mortalité des personnes âgées, mais également pour un très grand nombre de bâtiments d'habitation situés sur l'ensemble du territoire national.

C'est ainsi que plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes ont eu à subir des désordres liés à la sécheresse et ont, fort logiquement, saisi les maires de leurs préoccupations, lesquels ont aussitôt adressé en préfecture des dossiers visant à reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour leurs communes.

Après de longues tergiversations, le Gouvernement a finalement décidé, par un arrêté du 26 août 2004, soit un an après les faits, de déclarer sinistrées 1 365 communes sur un total de 6 973 demandes, soit moins de 20 % des communes concernées. Dans mon département, la Meuse, deux tiers des communes touchées par la sécheresse n'ont pas été concernées par cet arrêté et, dans d'autres départements, il est arrivé qu'aucune commune ne soit déclarée sinistrée.

La conséquence pratique de cet arrêté a minima consiste à laisser à la charge de plusieurs dizaines de milliers de propriétaires les frais de remise en état de leur habitation.

Dans la mesure où nous avons eu le sentiment que le nouveau dispositif sur lequel s'est appuyé le Gouvernement avait, en réalité, pour objet de réduire, autant que faire se peut, le nombre de communes éligibles, j'ai, avec plusieurs de mes collègues, déposé une proposition de loi visant à faire en sorte que, désormais, les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols constituent bien des effets d'une catastrophe naturelle et ce quelle qu'en soit l'intensité.

Cette initiative a suscité un très grand écho : dans de nombreux départements, des maires nous ont fait part de leur intérêt et de leur appui.

Le groupement des entreprises mutuelles d'assurances vient également de réclamer une loi contenant les définitions précises des incidents susceptibles d'être indemnisés, s'inquiétant « des décisions parfois arbitraires prises en la matière par le Gouvernement ».

Devant l'avalanche de protestations suscitée par l'arrêté du 24 août 2004, un second arrêté a été signé, le 1er février dernier, permettant à 873 nouvelles communes de se voir reconnaître l'état de catastrophe naturelle. Je regrette qu'aucune commune meusienne ne soit concernée par cet arrêté, alors que dix-huit d'entre elles attendent toujours ce classement.

Madame la ministre, il reste encore, au plan national, 4 735 communes dont les habitants ne seront toujours pas indemnisés.

Or, je rappelle que les désordres dont les biens sont atteints sont parfaitement visibles et vérifiables et que les propriétaires bénéficient d'une garantie d'assurance au titre des catastrophes naturelles pour laquelle ils payent une surprime : ils se demandent, quelquefois, à quoi peut bien servir cette garantie si elle ne peut être mise en jeu.

Cette affaire est d'autant plus incompréhensible que, par le passé, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'a pratiquement jamais posé de problème.

Je souhaiterais donc, madame la ministre, que soit édictée une procédure simple, claire et précise afin que toutes les personnes dont les biens ont subi des dommages puissent enfin être indemnisées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, je veux d'abord saluer l'intérêt que vous portez depuis le début à ce dossier et votre investissement personnel au service des habitants des communes de votre département touchées par la sécheresse de l'été 2003.

Cette situation mobilise non seulement un grand nombre de parlementaires et d'élus locaux, mais également, sachez-le, le Gouvernement. Je suis, comme vous, très sensible à la situation de nombreuses personnes dont les habitations ont été endommagées, parfois très sérieusement, par la sécheresse de l'été 2003.

En juin 2004, vous aviez déjà interrogé mon prédécesseur, qui, en application des orientations fixées par Dominique de Villepin, vous avait annoncé l'assouplissement des critères établis en 2000. Sans cet assouplissement, monsieur le sénateur, aucune reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'aurait été possible. Je voudrais aujourd'hui compléter cette réponse.

Les nouveaux critères annoncés à l'époque ont permis la reconnaissance de 2 248 communes, par les arrêtés interministériels que vous avez évoqués du 26 août 2004 et du 1er février 2005, ce qui porte le taux de reconnaissance à 31,5 %. L'instruction des dossiers en cours devrait permettre de porter le nombre des communes reconnues à près de 3 000 et le taux de reconnaissance à plus de 40 %.

Mais, comme Dominique de Villepin et moi-même avons déjà eu l'occasion de le dire ici même, cela est à nos yeux encore insuffisant.

La logique des critères retenus jusqu'à présent n'a pas permis de reconnaissance dans certaines parties du territoire, pourtant parfois sévèrement affectées par la sécheresse de l'été 2003. Dans le département de la Meuse, par exemple, une seule commune a pu être reconnue alors que trente-quatre ont présenté une demande.

C'est pourquoi, avec l'accord du Premier ministre, le ministre de l'intérieur a retenu une nouvelle démarche. II souhaite que tous les dossiers puissent être réexaminés sur le fondement d'un examen individualisé de chaque situation.

Pour cela, un nouveau chantier a été engagé : le Premier ministre a confié à quatre grands corps d'inspection de l'Etat la mission d'expertiser les conclusions des travaux rendus par l'un d'entre eux, le 15 février dernier, au ministre de l'intérieur. Nous analysons actuellement ces conclusions, qui nous permettront de définir une méthode totalement nouvelle de mesure de la gravité des dommages subis par les habitations et de leurs liens précis avec la sécheresse de l'été 2003.

Ce travail est aujourd'hui près d'aboutir.

Dès que nous aurons arrêté cette nouvelle méthode, nous adresserons aux préfets des instructions qui leur permettront de lancer sans délai la procédure de réexamen. Nous serons alors, monsieur le sénateur, en mesure d'apporter une réponse définitive à tous ceux qui ont été les victimes de cette sécheresse exceptionnelle de l'été 2003.

Le Gouvernement a pris connaissance avec beaucoup d'attention de la proposition de loi que vous avez déposée le 12 août 2004, monsieur le sénateur, avec plusieurs de vos collègues. Cette proposition tend à reconnaître l'ensemble des phénomènes de sécheresse, quelle que soit leur intensité.

Nul ne peut méconnaître le caractère généreux de votre démarche, fondée sur le souci de venir en aide, à l'avenir, aux victimes de phénomènes semblables à celui de l'été 2003.

Toutefois, l'adoption de ce texte remettrait en cause toute l'architecture de notre système d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Tout d'abord, en effet, en permettant la reconnaissance systématique de tout phénomène de sécheresse, votre proposition de loi risquerait de favoriser les effets d'aubaine et de permettre l'indemnisation de dommages qui n'ont pas de rapport direct avec le phénomène naturel en cause.

Ensuite, ce texte constituerait une inflexion importante de l'esprit de la loi du 13 juillet 1982. Le régime qu'elle prévoit repose en effet sur le caractère anormal d'un agent naturel et exclut par conséquent toute reconnaissance systématique. Une telle évolution pourrait se traduire par un relâchement de l'effort que chacun doit accomplir en matière de prévention pour faire face aux catastrophes naturelles.

L'approche proposée par Dominique de Villepin permettra donc bien d'apporter une réponse adaptée aux situations douloureuses vécues par certains de nos concitoyens, et ce sans dénaturer l'esprit de ce régime qui, depuis 1982, a permis de faire face aux catastrophes naturelles ayant touché notre pays.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Madame la ministre, je constate que nous faisons cause commune. Vous m'avez habilement laissé entendre que j'étais allé un peu loin dans ma proposition de loi. En vous écoutant, j'avais déjà l'impression d'en débattre et d'accepter un amendement. Cela viendra peut-être !

Du fait de la présence de mines, notre région, peut-être plus que d'autres, est sensibilisée au problème des bâtiments d'habitation qui se lézardent ou qui s'effondrent.

Lorsqu'un deuxième phénomène survient, comme la sécheresse, les conséquences sont d'autant plus fortes et les préoccupations des habitants d'autant plus intensives.

Je me réjouis qu'il soit possible de définir une nouvelle méthode d'indemnisation qui ne provoque pas, comme vous le disiez à l'instant, d'effets d'aubaine. Tel n'est pas, en effet, l'objectif. J'espère, madame la ministre, que vous trouverez la solution appropriée.

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