Question de M. BERTAUD Claude (Vienne - UMP) publiée le 18/03/2005

M. Claude Bertaud appelle l'attention de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur de récentes décisions de la Cour de cassation, qui risquent d'avoir de graves répercussions à court terme. Il s'agit en effet de plusieurs décisions prises par la haute juridiction le 18 janvier dernier, qui visent à interdire le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés. La Cour de cassation s'est fondée sur l'application stricto-sensu du code du travail pour rendre ses arrêts. Or, le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés, était autorisé dans plusieurs professions depuis de nombreuses années et par plusieurs circulaires ministérielles. Les entreprises pouvaient ainsi assurer une formation complète de ces jeunes. Avec ces décisions, ce sont des professions comme les hôteliers, les bouchers, les boulangers ou les fleuristes tirant d'ordinaire une grosse partie de leur chiffre d'affaires le dimanche et les jours fériés, qui vont se trouver pénalisées, mais aussi les apprentis eux-mêmes qui ne pourront plus être confrontés aux réalités de ces métiers. C'est pourquoi, il souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire face à cette situation.

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Réponse du Secrétariat d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes publiée le 04/05/2005

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2005

M. Claude Bertaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai été alerté ces derniers temps par des commerçants de mon département qui m'ont fait part de leurs vives préoccupations à la suite d'importantes décisions qui ont été prises, au mois de janvier dernier, par la Cour de cassation.

Sont visés plusieurs arrêts que la Haute juridiction a rendus le 18 janvier dernier et qui tendent à interdire le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés. Elle a, en effet, indiqué dans ses attendus que la loi devait être appliquée strictement et que, de ce fait, les circulaires que la profession avait obtenues des gouvernements successifs ne sont plus opposables au code du travail.

L'interdiction du travail le dimanche et les jours fériés est fixée depuis de nombreuses années par le code du travail et s'inscrit dans le cadre d'une directive européenne de 1993, qui avait fait l'objet d'une transposition dans la législation nationale par la loi du 19 janvier 2000 et par l'ordonnance du 22 février 2001.

Face aux textes réglementant le travail des apprentis, la profession avait souligné, auprès des pouvoirs publics, les difficultés engendrées et avait obtenu la mise entre parenthèses de ces dispositions, par des circulaires ministérielles prises en 1975, 1995 et 2002.

Ces circulaires permettaient jusqu'à présent d'employer des apprentis les dimanches et les jours fériés, dans certaines branches comme l'hôtellerie, la boulangerie, la pâtisserie, la boucherie ou la vente de fleurs. Ces professions requièrent en effet une formation professionnelle assurée dans le cadre artisanal, et l'octroi du repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche ainsi que le travail les jours fériés sont légalement autorisés.

Dans ces professions, l'activité de l'entreprise est maximale les dimanches et les jours fériés, et l'absence de l'apprenti serait donc très préjudiciable, non seulement pour cette activité mais aussi pour l'enseignement pratique que reçoivent les jeunes gens concernés. Ces circulaires permettaient jusqu'à présent d'assurer une formation complète de ces jeunes aux réalités de ces différents métiers.

Le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés est une nécessité pour toutes ces entreprises. Ces jours-là sont considérés comme des jours de pointe, notamment, je le répète, pour les hôteliers, les restaurateurs, les boulangers ou encore les fleuristes, qui doivent fournir un important travail supplémentaire. Nous savons tous en effet qu'ils dégagent une part importante de leur chiffre d'affaires le dimanche et les jours fériés.

Pour bien apprendre le métier auquel ils se destinent, il paraît indispensable que les apprentis puissent participer à l'ensemble de la production. Ils s'engagent en effet dans une profession où, lorsqu'ils seront salariés ou à la tête de leur commerce, ils devront travailler les dimanches et les jours fériés. II paraît donc important qu'ils puisent découvrir leur future activité professionnelle dès leur plus jeune âge.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cette décision de la Cour de cassation est lourde de conséquences pour de nombreux jeunes se destinant à l'apprentissage, mais elle va aussi se révéler très problématique pour les chefs d'entreprise, qui risquent de se décourager de former des apprentis, car on leur retire la possibilité de transmettre l'ensemble des compétences qui constituent la connaissance du métier.

Cette décision est très mal venue alors que nous connaissons les engagements pris par le Gouvernement pour relancer l'apprentissage et augmenter le nombre d'apprentis dans notre pays.

C'est pourquoi je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, comme bon nombre d'apprentis et de chefs d'entreprise dans ce pays, ce que compte faire le Gouvernement face à cette situation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les conséquences des arrêts rendus par la Cour de cassation le 18 janvier dernier. Il ne m'appartient pas de les commenter autrement qu'en droit.

La mise en oeuvre des articles L. 221-3, L. 221-4 et L. 222-2 du code du travail est compliquée par les conditions de travail des apprentis. En effet, à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation, il semble impossible de faire travailler le dimanche et les jours fériés des apprentis mineurs de seize à dix-huit ans. La Cour de cassation a invalidé trois circulaires de 1975, confirmées en 1995 et 2002, qui, en accord avec les partenaires sociaux des branches professionnelles concernées, comme l'hôtellerie, la boucherie, la boulangerie, la pâtisserie, le commerce des fleurs, permettaient aux apprentis de travailler le dimanche et les jours fériés en respectant, bien sûr, la réglementation et la législation en matière de repos compensateur et donc, de prise de jours de congés en contrepartie.

M. le Premier ministre, personnellement averti de ce problème, a souhaité d'abord que l'on puisse examiner rapidement avec les partenaires sociaux les modalités permettant de sortir de cette situation dans les branches concernées.

Les partenaires sociaux préconisent que l'on emprunte une voie déjà utilisée, en conformité avec les directives européennes et les engagements internationaux de la France, pour permettre le travail des salariés mineurs en dehors des règles générales de durée de repos hebdomadaire.

Je rappelle que l'article L. 221-4 du code du travail renvoie à des accords de branche. Les partenaires sociaux souhaitent que nous puissions travailler dans ce sens. Actuellement, les services du ministère du travail préparent un aménagement de ce dispositif permettant de l'adapter aux particularités professionnelles et aux nécessités de l'exercice des métiers pour les secteurs employant des apprentis mineurs.

M. le Premier ministre a également souhaité que l'on puisse discuter avec les partenaires sociaux en reliant cette question à celle de la rémunération des jeunes apprentis.

Vous nous demandez de rapprocher les conditions de travail des apprentis mineurs de celles des apprentis majeurs parce qu'ils doivent bien apprendre le métier. Il me paraît juste en effet de rapprocher leurs conditions de vie et de rémunération dès lors que leurs conditions de travail sont semblables.

D'ici au début du mois de juin, Jean-Louis Borloo et moi-même étudierons ces questions avec l'ensemble des partenaires sociaux des branches concernées. Ensuite, l'Etat prendra des mesures législatives et réglementaires pour permettre que la situation soit clarifiée en juin-juillet, afin que l'on puisse aborder dans de bonnes conditions la rentrée de l'apprentissage, qui débute dès l'été, et que soient signés les contrats permettant d'accueillir dans ces métiers porteurs de milliers de postes de travail des jeunes apprentis, y compris mineurs.

M. le président. La parole est à M. Claude Bertaud.

M. Claude Bertaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir répondu aussi précisément aux questions qui étaient posées à la fois par les chefs d'entreprise et par les apprentis.

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