Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC) publiée le 23/03/2005

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur l'obligation pour les motards d'allumer leurs feux en toutes circonstances qui a eu des effets bénéfiques pour leur sécurité, mais aussi pour celle des automobilistes. Ils sont en effet plus visibles et par conséquent permettent aux automobilistes, en particulier, de mieux assurer les dépassements. Dans 50 % des accidents impliquant une voiture et une moto, les automobilistes reconnaissaient la mauvaise perception du deux roues. C'est bien la question de la visibilité qui est à l'origine de cette obligation pour les deux roues. Pour les automobilistes, le code de la route est très explicite puisqu'il oblige le conducteur d'une automobile à faire usage des feux lorsque la visibilité est insuffisante. Certains véhicules récents disposent de système automatique d'allumage en cas de baisse de la luminosité. L'expérimentation de l'allumage des feux de croisement pour les automobilistes, qui serait un préalable à sa généralisation, pose un certain nombre de questions. La première expérience effectuée dans les Landes serait-elle probante ? Une étude fait état d'une baisse du nombre de tués (17) pendant la période d'expérimentation 1999-2000 ; dans la même période, 56 autres départements ont connu également une baisse notoire, jusqu'à 37 morts dans le Puy-de-Dôme, sans avoir à recourir à l'allumage des feux. Ce critère n'est donc pas aussi déterminant qu'on nous le présente. Cette mesure aurait dans certains pays européens fait diminuer de 25 % le nombre de tués, essentiellement dans les pays scandinaves. Deux différences importantes sont cependant à signaler. D'une part, ces pays ont des climats très différents des nôtres et les taux de luminosité y sont beaucoup plus faibles. D'autre part, le nombre de deux roues y est très nettement inférieur. La France dispose d'un parc d'un million de deux roues motorisés alors qu'ils ne sont que 30 000 au Danemark, 20 000 en Suède et 15 000 en Norvège. Malgré ces différences, les études de 2001 montrent que si une tendance positive a pu être obtenue envers les automobilistes et les cyclistes, un effet négatif significatif a été ressenti concernant les motocyclistes. D'autres pays, comme la Finlande et la Suède, ont reconnu qu'il n'y avait eu aucune amélioration. L'Allemagne a admis, quant à elle, qu'il n'était pas utile d'appliquer cette mesure puisqu'en cas de faible luminosité le code de la route a fixé des règles. Elle lui demande donc, dans l'intérêt des motocyclistes déjà suffisamment fragilisés par leur mode de déplacement, de surseoir à cette disposition. Tant que des éléments tangibles ne prouvent pas que la sécurité des motards autant que celle des automobilistes s'améliore à travers une telle mesure, elle pense que la prudence devrait conduire à mieux écouter les différentes parties qui, sur la route, se trouvent confrontées aux mêmes dangers mais avec des risques très différenciés.

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Réponse du Ministère délégué au tourisme publiée le 15/06/2005

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2005

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 720, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, ma question porte sur les difficultés suscitées par l'obligation faite aux motards d'allumer leurs feux en toutes circonstances.

Cette mesure a eu des effets bénéfiques sur la sécurité des conducteurs de deux-roues, mais aussi sur celle des automobilistes. Les motards sont en effet plus visibles, ce qui permet aux automobilistes de mieux assurer, en particulier, les dépassements. Dans 50 % des accidents impliquant une voiture et une moto, les automobilistes reconnaissent avoir été gênés par la mauvaise perception du véhicule à deux-roues, et c'est bien la question de la visibilité qui est à l'origine de cette obligation faite aux deux-roues.

Pour les automobilistes, le code de la route est très explicite puisqu'il les contraint, « lorsque la visibilité est insuffisante », à faire « usage des feux ». L'expérimentation de l'allumage systématique des feux de croisement, préalable à sa généralisation, pose cependant un certain nombre de questions que je voudrais aborder plus spécifiquement.

La première expérience effectuée dans les Landes est-elle probante ? Une étude a permis de constater qu'en 1999-2000, pendant l'expérimentation, le nombre de tués y a baissé de 17 ; cependant, dans la même période, cinquante-six autres départements ont également connu une baisse notable - jusqu'à 37 morts de moins dans le Puy-de-Dôme - sans avoir eu besoin de recourir à l'allumage des feux. Le critère ne semble donc pas si déterminant que cela.

L'un des arguments avancés en faveur de la généralisation de l'allumage des feux s'appuie sur l'expérience de certains pays européens, qui auraient vu le nombre de tués diminuer de 25 %. Mais il s'agit essentiellement de pays scandinaves, où l'on sait que la situation est différente de celle que nous connaissons : d'une part, ces pays ont des climats très différents des nôtres et les taux de luminosité y sont beaucoup plus faibles ; d'autre part, le nombre de deux-roues y est très nettement inférieur, puisque la France dispose d'un parc de un million de deux-roues motorisés alors qu'ils ne sont que 30 000 au Danemark, 20 000 en Suède et 15 000 en Norvège.

Malgré ces différences, les études de 2001 montrent que, « si une tendance positive » a pu être obtenue pour les automobilistes et les cyclistes, un « effet négatif significatif » a été sensible pour les motocyclistes.

Monsieur le ministre, lorsque j'ai préparé cette question, l'hypothèse que l'on puisse surseoir à la généralisation de l'allumage des feux n'avait pas encore été évoquée. Vous avez fait un premier pas dans cette direction, et j'aimerais savoir où vous en êtes actuellement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Madame la sénatrice, je veux avant toute chose rappeler que la vie d'un usager n'a pas de prix et que cette expérimentation, conduite depuis le 31 octobre 2004, devrait permettre d'épargner, selon toute vraisemblance, entre 5 % et 8 % des tués et entre 3 % et 13 % des blessés graves.

Cette expérimentation repose sur le principe : « mieux voir et être mieux vu pour sauver des vies ». Les usagers des deux-roues à moteur ont donc également à gagner à la mise en oeuvre de cette mesure. L'important pour eux n'est pas tant d'être distingués que de mieux voir les autres véhicules et de prévenir ainsi les trop nombreuses collisions dont ils sont les premières victimes.

Vous l'avez rappelé, madame, les nombreuses études scientifiques, l'expérience menée dans les Landes et les données disponibles n'établissent pas d'accidentalité particulière du fait de cette mesure. Il faut à présent mener cette expérimentation jusqu'à son terme et, à l'automne, au vu de l'évaluation qui en sera faite, décider des suites qu'il conviendra de lui donner.

Enfin, je dirai un dernier mot sur les risques différenciés que vous évoquez entre les deux-roues à moteur et les autres véhicules. Le surrisque est réel ; cependant, il ne suffit pas à expliquer le bilan dramatique des deux-roues à moteur, particulièrement des motocyclistes. Je rappelle que, en 2003, ceux-ci représentaient 0,7 % seulement du trafic, mais 13,7 % des tués, avec un risque de se tuer, par kilomètre parcouru, qui est vingt et une fois supérieur à celui des usagers des voitures de tourisme.

Madame la sénatrice, une diminution significative de ce chiffre - priorité du Gouvernement rappelée avec fermeté lors du comité interministériel de sécurité routière du 24 janvier 2005 - nécessite donc une prise de conscience par tous de la fragilité des usagers utilisant ce mode de transport. Tel est l'objet de la campagne de communication nationale qui sera conduite prochainement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j'ai bien noté que c'est à l'automne que vous tirerez les conclusions de cette expérience.

Lorsque l'on observe comment est perçue la présence des motocyclistes, en particulier sur les routes départementales - puisque c'est là que l'on rencontre les plus grandes difficultés -, on constate que l'allumage des feux a été très positif pour eux. Il nous semble cependant que, en imposant également aux voitures d'allumer leurs feux, on risque de créer une confusion qui fragilisera de nouveau les deux-roues motorisés. Je voulais attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre, même si je sais bien qu'il n'est pas la seule cause des difficultés de sécurité des deux-roues.

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