Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UMP) publiée le 21/04/2005

M. Philippe Richert rappelant que le renforcement du dépistage du cancer du col de l'utérus fait partie du plan cancer présenté par le Président de la République le 24 mars 2003, attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur le fait que depuis janvier 1994, le département du Bas-Rhin a mis en place une campagne de dépistage qui s'est révélée très efficace. En dix ans, environ 800 cancers ont pu être évités dans le Bas-Rhin. Mais les professionnels de santé, d'assurance maladie et le conseil général, grâce à la collaboration desquels ces résultats ont été obtenus, s'interrogent sur la possibilité de pouvoir pérenniser cette action et sur l'avenir du dépistage du cancer du col de l'utérus en France. Le groupe technique national qui réfléchissait sur l'optimisation du dépistage dans le cadre du plan cancer ne se réunit plus depuis octobre 2004. Aucune information émanant de l'Institut national du cancer ne peut plus être obtenue et l'appel à candidatures pour le démarrage de nouveaux programmes expérimentaux ne semble pas avoir été diffusé. Ainsi donc, le Bas-Rhin a été département pilote et a réalisé, soutenu par le conseil général, une prévention dont les résultats sont indiscutables. Il serait désastreux que la politique déclarée ambition nationale par le Président de la République se traduise par une dégradation de cette prévention. Il lui demande donc de lui indiquer quelle politique de prévention du cancer de l'utérus sera mise en place, dans quels délais, et dans quelle mesure il sera tenu compte de l'expérience alsacienne, qui a fait preuve de son efficacité.

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Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 29/06/2005

Réponse apportée en séance publique le 28/06/2005

M. Philippe Richert. Ma question, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités, se rapporte au dépistage du cancer et, plus particulièrement, à celui du col de l'utérus.

M. le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer une priorité nationale, au travers notamment du plan présenté le 24 mars 2003.

Je voudrais ensuite souligner qu'une campagne de dépistage du cancer du col de l'utérus, intitulée « EVE », est menée dans le Bas-Rhin depuis janvier 1994. Elle a été étendue au Haut-Rhin en septembre 2001, son objet étant d'optimiser le dépistage par une meilleure participation de la population et par une assurance qualité couvrant l'ensemble des étapes du processus.

Grâce à la collaboration de tous les acteurs, professionnels de santé, organismes d'assurance maladie et conseils généraux, ce programme est un succès : en dix ans, environ 800 cancers ont pu être évités dans le Bas-Rhin. Le rapport du nombre de lésions précancéreuses découvertes sur celui des cancers diagnostiqués ne cesse d'augmenter, ce qui témoigne de l'efficacité croissante de la campagne. Dans le Bas-Rhin, le taux de participation des femmes atteint 73 % à trois ans et 86 % à cinq ans, ce qui est comparable aux résultats obtenus dans les pays du nord de l'Europe, qui sont des références et des pionniers en matière de dépistage.

Or, nous le savons tous, la politique de prévention relève à nouveau de la compétence de l'Etat depuis l'entrée en vigueur des lois de décentralisation. Cela amène les responsables de l'association de dépistage à s'interroger, en particulier, sur la possibilité de pérenniser l'action entreprise et sur l'avenir du dépistage du cancer du col de l'utérus en France.

En effet, le groupe technique national qui réfléchissait à l'optimisation du dépistage dans le cadre du plan cancer ne se réunit plus depuis octobre 2004. En outre, aucune information émanant de l'Institut national du cancer ne nous est parvenue depuis la lettre du 19 octobre 2004, et l'appel à candidatures pour le démarrage de nouveaux programmes expérimentaux ne semble pas avoir été diffusé.

Cela me conduit à poser les questions suivantes, monsieur le ministre : quelle politique de prévention du cancer du col de l'utérus sera mise en place, et dans quels délais ? Dans quelle mesure sera-t-il tenu compte de l'expérience alsacienne, une expérience parmi d'autres mais qui, me semble-t-il, en référence à ce qui se pratique dans le nord de l'Europe, se révèle assez exemplaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l'attention du ministre de la santé et des solidarités sur le problème du cancer du col de l'utérus et sur l'importance de la mise en oeuvre de son dépistage, qui est, comme vous venez de le rappeler, pratiqué avec succès dans votre département depuis plus de dix ans.

L'incidence estimée de ce cancer a fortement diminué en France, comme dans d'autres pays européens, puisqu'elle est passée de 6 000 nouveaux cas en 1975 à 3 400 en 2000. Dans le même temps, la mortalité a régressé, mais dans de moindres proportions, passant de 3,3 pour 100 000 à 1,9 pour 100 000, soit un nombre estimé de décès un peu supérieur à 1000 en 2000.

La diminution de l'incidence de ce cancer est liée en majeure partie au dépistage spontané, très largement répandu en France depuis plus de vingt ans. L'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, recommande, pour les femmes âgées de vingt-cinq ans à soixante-cinq ans, deux frottis à un an d'intervalle, puis, s'il n'y a pas d'anomalie, un frottis tous les trois ans. En France, 5,5 millions de frottis ont été réalisés en 2000, couvrant en théorie 57 % de la population cible, à savoir 16 millions de femmes.

Toutefois, on constate des disparités dans la participation à ce dépistage, qui sont liées non pas à des problèmes d'ordre économique, puisqu'il est pris en charge par l'assurance maladie, mais plutôt à des réticences d'ordre sociologique ou culturel.

Par ailleurs, l'accès au dépistage n'est pas égal sur l'ensemble du territoire, le dépistage étant le plus souvent réalisé - dans 80 % à 90 % des cas - par des gynécologues médicaux, qui sont présents surtout en milieu urbain. Les généralistes, pas ou peu formés à cette pratique (M. René-Pierre Signé s'étonne), n'assurent que de 10 % à 20 % des dépistages.

Compte tenu de ces éléments, de la fréquence du dépistage spontané et donc de la faiblesse du gain qui serait permis par un dépistage organisé, le groupe technique national du cancer du col de l'utérus, placé auprès du ministère de la santé, recommande dans un premier temps de mettre en place des actions favorisant, d'une part, l'accès à ce dépistage, d'autre part, la participation.

La mesure retenue dans le cadre du plan Cancer - elle porte le numéro 26 - consiste à favoriser le dépistage individuel du cancer du col de l'utérus par les dispositions suivantes : élargissement de l'offre de frottis à de nouveaux acteurs pour mieux atteindre les femmes non suivies par les gynécologues ; développement des actions auprès des femmes ; facilitation de l'utilisation du test de papillomavirus.

Considérant cet axe du plan Cancer, le groupe technique national a proposé les actions suivantes : formation des médecins généralistes et des sages-femmes à la pratique du frottis ; valorisation de celle-ci par sa codification ; développement de campagnes ciblées en direction des femmes qui ne participent pas au dépistage ; systématisation de la pratique du frottis pendant la grossesse ; réalisation d'études sur les freins au dépistage. Il n'existe pas, actuellement, de consensus sur la « valeur ajoutée » de l'utilisation du test de papillomavirus pour un dépistage en population.

Les expérimentations de dépistage organisé déjà engagées dans certains départements ne sont pas remises en cause. En revanche, la mise en place des actions favorisant le dépistage du cancer du col de l'utérus est prévue pour 2006, notamment par le biais de l'Institut national du cancer, dont la convention constitutive a été publiée le 26 juin 2006, concernant les études, les campagnes d'information et l'expertise sur les méthodes de dépistage.

En outre, le ministère chargé de la santé a engagé avec les organismes d'assurance maladie une réflexion sur la cotation du frottis, ainsi que sur les méthodes et les modalités de formation des médecins généralistes et des sages-femmes.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement confirme donc son engagement dans la lutte contre le cancer, y compris en matière de dépistage du cancer du col de l'utérus, et met en oeuvre progressivement les mesures retenues au titre du plan Cancer.

A cet effet, il a décidé d'anticiper la généralisation du dépistage organisé du cancer colorectal, dont l'incidence est nettement plus élevée, avec 36 000 nouveaux cas et 16 000 décès en 2000. Par ailleurs, il sera proposé au Parlement d'inscrire 22 millions d'euros de mesures nouvelles dans le projet de loi de finances pour 2006 au titre du plan Cancer, afin que sa montée en charge puisse se poursuivre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Je voudrais tout d'abord remercier M. le ministre de ces précisions montrant que le Gouvernement n'entend pas se désintéresser d'un dossier qui concerne toutes les familles.

Comme cela a été souligné, on enregistre chaque année quelque mille décès dus au cancer du col de l'utérus. C'est à chaque fois un drame, une famille endeuillée, mais les nouvelles que vous nous avez annoncées permettent, à mon sens, de reprendre confiance.

Je voudrais maintenant rappeler brièvement que, lorsque nous avions décidé, dans cet hémicycle, le transfert des collectivités territoriales à l'Etat de la responsabilité des politiques de prévention, s'agissant en particulier du cancer, le Gouvernement avait affirmé qu'il convenait d'homogénéiser l'ensemble des pratiques sur le territoire national, le niveau de performance n'étant pas le même partout.

A cet égard, j'ai indiqué tout à l'heure que, dans le Bas-Rhin, le taux de participation au dépistage des femmes concernées atteignait 86 % à cinq ans, chiffre particulièrement élevé, des taux comparables étant obtenus dans les pays d'Europe du Nord. Cela signifie que, lorsque l'on met en place, sur la durée, une politique de prévention, on parvient à atteindre la quasi-totalité des femmes, tant en milieu urbain qu'en milieu rural, et ce dans toutes les strates sociologiques.

Je crois donc que nous ne devons pas perdre de vue que, s'agissant de cancers très traumatisants, encore souvent mortels, nous devons garder pour objectif de faire reculer un fléau qui continue de frapper de très nombreuses femmes. Sur ce plan, les précisions que vous avez apportées concernant les inscriptions budgétaires et la volonté du Gouvernement d'intensifier son action, s'agissant notamment du cancer colorectal, permettent d'espérer que demeure fructueux, demain, le partenariat entre l'Etat et, particulièrement, les départements.

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

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